Benoît Travers, Ebrèchement pORsche

Benoît Travers, Ebrèchement pORsche

EN DIRECT / Exposition personnelle Ebrèchement pORsche de Benoît Travers à L’Ecole d’art du Choletais, Cholet jusqu’au 19 octobre 2019

Ebrèchement par Clara Muller, extraits

Avec obstination, Benoît Travers martèle. Il martèle la matière, mettant son corps à l’épreuve des pièces de métal qu’inlassablement il attaque, coup après coup après coup, y laissant les traces irrégulières et répétitives – mille fois, dix-mille fois renouvelées – de son obstination à lui imprimer des stigmates. 

Benoît Travers s’attaque à la forme existante, la déforme, l’informe. Le geste, simple, unique, répétitif, vain dira-t-on peut-être, opère une métamorphose inverse à celle du sculpteur. L’objectif cependant n’est pas de briser mais d’ébrécher. Ébrécher volontairement, rigoureusement, continuellement jusqu’à la limite de la destruction. D’un geste maladroit faire un geste délibéré, maîtrisé. D’un geste destructeur faire un geste créateur. 

Le matériel de chantier et le mobilier urbain parmi lesquels Benoît Travers choisit ses objets n’ont d’abord pas d’autre valeur que celle de leur fonction. Ils ne changent de statut qu’au fur et à mesure de l’intervention de l’artiste percussionniste. L’objet, trivial, utile, manufacturé, devient œuvre, résultat d’une épreuve de force sisyphéenne qui met à mal la robustesse des objets et fragilise leur structure. Les coups effacent la facture industrielle, lisse, géométrique, et donnent aux surfaces un aspect vibrant et sensible. 

Le démantèlement des objets, le retour à des formes schématiques, intéresse également l’artiste dont le faire consiste en partie à défaire. Les fragments déployés des boites à outils s’enroulent et s’agrègent pour s’ériger en un totem aux couleurs primaires ; l’échelle, rendue inutilisable, abdique sa fonction et s’horizontalise ; vestige de travaux achevés, un échafaudage chancelant continue de se dresser dans le vide, tandis que ses stabilisateurs, contraints par la force de passer d’une section ronde à carrée, semblent désormais supporter l’architecture.

Benoît Travers pratique une sculpture performative dont les gestes répétitifs étirent le temps. Comment l’empreinte photographique, qui fige l’instant, pourrait-elle rendre compte de cette pratique singulièrement animée ? Loin de n’en faire qu’une simple documentation, l’artiste choisit de redonner à l’image matérialité et texture. La carcasse de voiture fut martelée des heures durant, son image d’acier le sera également, dans une de ces mises en abyme chères à l’artiste. La photographie porte ainsi les marques matérielles d’un geste, ses pourtours érodés prennent l’aspect rocailleux des gravas, et ces effritements photographiques suggèrent un processus de transformation ou de disparition au temps long. 

De la documentation vidéo de ses performances, Benoît Travers fait des pièces à part entière. Filmées en caméra subjective par un dispositif de captation tractée aléatoirement au ras du sol, les images nous emmènent « au cœur de l’action ». Dans le cas des Variations, on assiste ainsi à l’ébrèchement d’une palette de bois qui retrouve, au rythme des coups, l’aspect et l’essence de sa matière d’origine, fibreuse, organique. 

Enfin, si les sculptures de Benoît Travers ne se conçoivent pas sans l’effort du corps, que l’on perçoit dans chaque impact, elle sont tout aussi indissociables du tapage qui préside – littéralement – à leur création et que l’on devine même dans le silence de leur restitution. Pour accompagner ses installations, l’artiste propose aussi une performance sonore, comme un écho ré-activable du geste performatif. Répétitions, étirements et compressions rythmiques : la matière sonore de la performance est façonnée par les mêmes processus que la sculpture de l’endurance pratiquée par l’artiste.

Clara Muller 

Vue exposition personnelle Ebrèchement pORsche de Benoît Travers à L’Ecole d’art du Choletais, Cholet jusqu’au 19 octobre 2019
Vue exposition personnelle Ebrèchement pORsche de Benoît Travers
à L’Ecole d’art du Choletais, Cholet jusqu’au 19 octobre 2019
Benoît Travers, Ebrèchement Porsche,  2019, photographie, acier galvanisé, 120 x 80 x 13 cm
Benoît Travers, Ebrèchement Porsche, 2019
Photographie, acier galvanisé, 120 x 80 x 13 cm
Vue exposition personnelle Ebrèchement pORsche de Benoît Travers à L’Ecole d’art du Choletais, Cholet jusqu’au 19 octobre 2019
Vue exposition personnelle Ebrèchement pORsche de Benoît Travers
à L’Ecole d’art du Choletais, Cholet jusqu’au 19 octobre 2019
Benoît Travers, Ebrèchement panneau de déviation, 2018, acier galavanisé, 62 x30 x 34 cm
Benoît Travers, Ebrèchement panneau de déviation, 2018, acier galavanisé, 62 x30 x 34 cm
Benoît Travers, Ebrèchement cuve, 2018, cuve aspirateur industriel intox, pédale de grosse caisse, 106 x 64 x 42 cm
Benoît Travers, Ebrèchement cuve, 2018 (à droite)
cuve aspirateur industriel intox, pédale de grosse caisse, 106 x 64 x 42 cm
Benoît Travers Ebrèchements brûlants, 2018, photographie, acier galvanisé, 180 x 100 x 30 cm Courtesy Fonds de dotation, KATAPULT, Wilfried Pasquier  Dandine-toi, tôle martelée 200 x 100 cm
Benoît Travers Ebrèchements brûlants, 2018
photographie, acier galvanisé, 180 x 100 x 30 cm
Courtesy Fonds de dotation, KATAPULT, Wilfried Pasquier
Benoît Travers, Oursons, 2019, socles plastiques et divers matériaux, dimensions variables
Benoît Travers, Oursons, 2019, socles plastiques et divers matériaux, dimensions variables
Benoît Travers, Faire acte de présence, 2016, inox, 110 x 70 x 6 cm
Benoît Travers, Faire acte de présence, 2016, inox, 110 x 70 x 6 cm
Benoît Travers, Clonisation, 2017, aile de voiture, 90 x 60 x 10 cm, Courtesy Fonds de dotation, KATAPULT, Wilfried Pasquier
Benoît Travers, Clonisation, 2017, aile de voiture, 90 x 60 x 10 cm
Courtesy Fonds de dotation, KATAPULT, Wilfried Pasquier

Benoît Travers
Né à Rennes, en 1974.
Vit et travaille à Nantes.

http://www.reseaux-artistes.fr/dossiers/benoit-travers

Soutiens au projet Ebrèchement :
Ministère de la culture – DRAC des Pays de la Loire, Région Pays de la Loire, Ville de Nantes, Association Bonus, Coopération Nantes- Rennes-Brest pour un itinéraire d’artiste(s),  

Mécénat privé : Le projet est soutenu par le fonds de dotation KATAPULT de Wilfried Pasquier.

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