A Home is not a House, Fri Art Kunsthalle Fribourg

A Home is not a House, Fri Art Kunsthalle Fribourg

Vue d’exposition A Home is not a House, Fri Art, 2019
Photo Guillaume Baeriswyl

EN DIRECT / Exposition A Home is not a House, du 30 septembre au 12 janvier 2020, Fri Art Kunsthalle Fribourg

A Home is not a House est le second volet de l’exposition A House is not a Home qui a eu lieu à Fri Art du 21 septembre au 10 novembre 2019. A cette occasion, les mêmes artistes sont invité.e.s à exposer une seconde fois. Les œuvres qu’elles/ils présentent s’inscrivent en réaction à la première partie. Comme le titre le suggère, cette répétition, tout en approfondissant un propos, invite tout un chacun à basculer de l’autre côté du miroir.

La maison accueillante et sereine du premier volet a fait place à un espace qui, pour mieux s’abandonner aux souvenirs de sa propre histoire, s’est replié sur lui-même. La nature alentour a réussi à entrer et ses qualités se confondent à d’autres artifices humains. Les distinctions spatiales et hiérarchiques, tel l’arrangement harmonieux d’antan, se sont évanouies. La séparation entre l’architecture et les œuvres s’est estompée dans le décor.

On s’oriente dans un espace moins réaliste, aux limites mal définies. Dans cette atmosphère chargée et non-homogène, les rôles glissent les uns sur les autres. Le soi et l’autre, la pensée et le corps, l’exposition et la maison s’alimentent de manière schizophrène. Dans ce circuit fermé, l’écho tragique de l’assignation vire au jeu baroque.

Gina Fischli ouvre l’exposition avec un sac aux dimensions disproportionnées. The Roberta envahit l’entrée et intimide par sa taille, tandis que son pelage interpelle. A qui est ce sac abandonné ?  Un système, un cochon, un système de Tristan Lavoyer intègre un jardin artificiel dans les espaces d’exposition. Des spots lumineux permettent la croissance du végétal pendant la durée de l’exposition. Cette œuvre obstrue le passage jusqu’à la peinture d’une artiste supplémentaire engendrée par la répétition. Le tableau de la fribourgeoise Sophie Oxe (*1891-1980), Le Naufrage, questionne. La construction spatiale de cette œuvre est ambiguë. Une embarcation se détache de la brume.

Avec son pavillon hissé, elle symbolise la sécurité du sol. A l’avant, la traîne d’une robe blanche rappelle le mariage. Enlèvement ou sauvetage ?

Une expérience de plus en plus introspective se développe dans les salles suivantes. Les œuvres se chargent d’une aura maniérée, à l’image des peintures de Lewis Hammond Sinkhole et Sanctuary / No Sanctuary. La mise à distance que provoque cette expérience suggère une émotion. Dans la petite salle du fond, des symboles particuliers ont vocation universelle. Leur sens et le sujet auquel ils renvoient a disparu ; reste les signes d’une présence anthropologique. Famille de quatre de Marie Gyger renvoie à une pratique traditionnelle du découpage tout en rappelant une vie passée. La peinture bitumineuse de Nora Kapfer Pensée sauvage I insère, quant à elle, un extérieur naturel invisible ou disparu, sorte d’empreinte fossile végétal.

Au premier étage, la vie dans cette maison est absente, la visite nous laisse dans une solitude mélancolique. On s’abandone dans une exposition qui semble nous observer. La présence des objets évoque l’identité de corps absents comme dans la matérialité de Soviet Cinema Character et de Guts de Sveta Mordovskaya. Les pièces entourent l’hôte éveillant une sensation d’enfermement et l’identité tourne à la folie. Camille Blatrix et son miroir géant Fortune (détail) nous renvoient à notre propre reflet. L’œil peint de Lewis Hammons nous observe. Pour cloturer ce second volet, un tableau de Claudia Lemke répète le motif floral placé à l’entrée de la première exposition et une petite sculpture de Daphné Ahlers nous fait un clin d’œil. Dans cette maison, les objets sont conscients du regards que l’on porte sur eux.

Tristan Lavoyer, Vue d'exposition A Home is not a House, Fri Art, 2019 Photo Guillaume Baeriswyl
Tristan Lavoyer
Vue d’exposition A Home is not a House, Fri Art, 2019 Photo Guillaume Baeriswyl

Tristan Lavoyer
*1986, vit et travaille à Lausanne

Les constructions do it yourself de Tristan Lavoyer sont les résultats intermédiaires d’une plongée exploratoire qui confond psychologie personnelle et idéologie sociétale. La méthode déstabilise les rapports hiérarchiques entre bricolage et rationalité. L’artiste réalise une sorte d’enquête anthropologique du milieu, composé de références idoines, d’anonymat statistique qui pointe du doigt les rationalismes des plus modernes.

Gina Fischli, Vue d'exposition A Home is not a House, Fri Art, 2019 Photo Guillaume Baeriswyl
Gina Fischli
Vue d’exposition A Home is not a House, Fri Art, 2019 Photo Guillaume Baeriswyl

Gina Fischli
*1989, vit et travaille à Londres

Les objets auxquels Gina Fischli donne forme évoquent le souvenir d’un quotidien perdu, une trace mnésique à laquelle on essaie de redonner vie dans l’image, par le bricolage et la décoration. L’aspect brillant des matériaux utilisés rappelle un décor et l’enfance passée à construire un objet qui doit donner vie à l’univers fantasmé. Déclencheurs d’une mémoire dont on ne sait si on a fait l’expérience, ils soulignent la distance d’un imaginaire impossible à rejoindre, la dimension projective du foyer. Leur animisme spécifique emprunte aux mécanismes illusoires du rêve : le rapport aux matières est sensible, chaud et tactile. La confusion des échelles, les symétries comblent la précision d’un réalisme absent.

Sveta Mordovskaya, Vue d'exposition A Home is not a House, Fri Art, 2019 Photo Guillaume Baeriswyl
Sveta Mordovskaya
Vue d’exposition A Home is not a House, Fri Art, 2019 Photo Guillaume Baeriswyl

Sveta Mordovskaya
*1989 vit et travaille à Zürich

Une table d’intérieur flotte dans l’espace. Suspendue au plafond et inclinée, elle convoque et exorcise le carré noir suprématiste. Son plateau retourné pèse au-dessus des têtes. Son ciel étoilé accueille une constellation d’objets plastiques. La fragmentation des corps détourne la logique du fragment romantique. La chaîne signifiante du féminin est aplatie entre l’idéalité et la pesanteur quotidienne.

Sophie Oxe, Le Naufrage, s. d., A Home is not a House, Fri Art, 2019. Photo : Guillaume Baeriswyl
Sophie Oxe, Le Naufrage, s. d., A Home is not a House, Fri Art, 2019. Photo Guillaume Baeriswyl

La répétition de l’exposition a engendré un supplément : Le Naufrage, un tableau de la fribourgeoise Sophie Oxe (*1891-1980). La construction spatiale de cette œuvre est ambiguë. Une embarcation se détache de la brume. Avec son pavillon hissé, elle symbolise la sécurité du sol. A l’avant, la traîne d’une robe blanche rappelle le mariage. Enlèvement ou sauvetage

Dominic Michel, Hired Body Feelings, Fri Art, 2019. Photo Guillaume Baeriswyl
Dominic Michel, Hired Body Feelings, Fri Art, 2019. Photo Guillaume Baeriswyl
Vue d'exposition A Home is not a House, Fri Art, 2019 Photo Guillaume Baeriswyl
Sveta Mordovskaya – Vue d’exposition A Home is not a House, Fri Art, 2019 Photo Guillaume Baeriswyl
Sitara Abuzar Ghaznawi, Untitled (Curtain), Excerpt, 2019 (2018), Fri Art. Photo Guillaume Baeriswyl
Sitara Abuzar Ghaznawi, Untitled (Curtain), Excerpt, 2019 (2018), Fri Art.
Photo Guillaume Baeriswyl
Vue d'exposition A Home is not a House, Fri Art, 2019 Photo Guillaume Baeriswyl
Vue d’exposition A Home is not a House, Fri Art, 2019 Photo Guillaume Baeriswyl