BENOÎT GÉHANNE, Vendange Tardive 2017, CAC Meymac

BENOÎT GÉHANNE, Vendange Tardive 2017, CAC Meymac

Le langage pictural de Benoît Géhanne s’élance avec musicalité dans le recouvrement des espaces et l’apparition des images. Son œuvre peut ainsi être évoquée à travers les compositions de Schubert dont l’écriture labyrinthique s’amuse de l’usage de certains motifs, des réinterprétations perpétuelles d’histoires récurrentes. Cette musique est l’occasion d’un questionnement de la peinture, sans arrêt sur image. L’image de la ruine qui peuple le postmoderne n’a plus besoin ici d’être un sujet de contemplation. La peinture digère ces éléments pour les revitaliser ailleurs. Le point de départ de la série réalisée pour la résidence Chamalot est presque un accident, pour ainsi dire une situation. Sa perception de l’environnement et de la présence de barrages dans la nature environnante déclenche ainsi la réalisation d’un travail ouvert à la combinaison complexe des formes et des états de la peinture. La variété des techniques, l’appropriation des formes produites par ces images et leur double symbolique dialoguent ou s’entrechoquent les unes les autres. Ces rapprochements formels nourrissent la peinture d’un jeu dynamique, fait de rebonds. La courbe des barrages est alors prétexte à l’exploration de la ligne, au dessin d’une forme jusqu’alors inconnue. Celle-ci s’ajoute à la citation des images qui deviennent ainsi moteurs d’une réflexion sur un vocabulaire de la peinture, inclusif et diffus. Il ne s’agit pas de s’attarder en pure contemplation sur ces représentations mais au contraire de poursuivre l’écriture d’une histoire qui entre en résonnance avec d’autres formes, d’autres éléments inscrits eux-aussi dans l’histoire de la peinture. Le dépassement s’opère dans le délicat soulèvement de ces formes qui semblent s’ouvrir, comme des opercules, laissant apparaître des paysages et des éléments d’architecture. La construction d’une horizontalité elle-même suggère le détournement du paysage. Les couleurs évoquent un vocabulaire de la construction, du chantier et de la signalétique. Ce que la couleur construit, elle le doit au langage du réel codifié, aux signes qui alentour fondent un lexique pictural. Ce vocabulaire renvoie lui-même à des objets techniques, tel ce parafoudre haute-tension. Au second plan, l’association de la forme, de l’image et de la couleur évoque le champ lexical de l’énergie, renvoyant à une époque d’utopie. Et, de la même manière que le paysage est régulièrement contraint par les activités humaines, en particulier quand celles-ci induisent l’exploitation économique, Benoît Géhanne intègre à la construction de la peinture la perturbation des éléments entre eux. La peinture, elle-aussi, est un espace de luttes. Ces bousculements sont mobilisées jusque dans la matière même du support. L’huile associée à l’aluminium prolonge cette réflexion sur la matérialité de la peinture, appliquée sur un support non conventionnel. Les coffrages de bois laissent leur emprunte sur le béton des barrages. Le travail de texture permet d’enrichir la composition d’une atmosphère où la matité domine, perturbant ainsi la lecture traditionnelle de l’image, intégrée comme un élément à distance, découpée par une forme au premier plan, à travers laquelle elle se laisse en partir saisir. Les suggestions et les allusions s’imbriquent, l’œuvre s’ouvrant là où elle se borne et où se dessinent les marges.

Texte de Théo-Mario Coppola, paru dans le catalogue Vendange tardive 2017, à l’occasion de la restitution de la résidence de Chamalot 2017 au CAC Meymac.

Infos pratiques

Vendange tardive,

Une exposition de Chamalot-Résidence d’artistes hors-les-murs,
présentée du 12 novembre 2017 au 14 janvier 2018.

Avec Antoine Carbonne, Benoît Géhanne, Johan Larnouhet, Jérémy Liron et Aurore Pallet

4e édition de ce partenariat entre le Centre d’art de Meymac et la résidence d’artistes de Moustier-Ventadour.

Les cinq artistes ont été accueillis cet été à Chamalot : Johan Larnouhet et Antoine Carbonne en juin, Benoît Géhanne en juillet, Aurore Pallet et Jérémy Liron en août.

Ils exposent cet automne à Meymac les réalisations de l’été ainsi que d’autres toiles.

Abbaye Saint-André, CAC de Meymac

Rue du Bûcher, 19250 Meymac

http://www.cacmeymac.com

 

EN SAVOIR PLUS SUR L’ARTISTE

 

 

Benoît Géhanne, vue de l'exposition vendange tardive 2017, CAC Meymac, retenue 3, 1 et 4. Courtesy artiste.
Benoît Géhanne, vue de l’exposition vendange tardive 2017, CAC Meymac, retenue 3, 1 et 4, 2017. Courtesy artiste.

 

Benoît Géhanne, vue de l'exposition vendange tardive 2017, CAC Meymac, Flèche barrage. Courtesy artiste.
Benoît Géhanne, vue de l’exposition vendange tardive 2017, CAC Meymac, flèche barrage, 2017. Courtesy artiste.

 

Benoît Géhanne, vue de l'exposition vendange tardive 2017, CAC Meymac, Circuit. Courtesy artiste.
Benoît Géhanne, vue de l’exposition vendange tardive 2017, CAC Meymac, circuit, 2017. Courtesy artiste.

 

Visuel de présentation : Benoît Géhanne, vue de l’exposition Vendange Tardive 2017 au CAC Meymac, série retenue flèche et circuit, 2017.