Cyril Zarcone, re/ productions, Galerie Eric Mouchet [ENTRETIEN]

Cyril Zarcone, re/ productions, Galerie Eric Mouchet [ENTRETIEN]

En direct de l’exposition re/ productions de Cyril Zarcone du 12 mars au 16 avril 2016, Galerie Eric Mouchet, 45 rue Jacob 75006 Paris.

Pour Cyril Zarcone, un chantier de construction de bâtiment conjugue tout autant technicité que valeur esthétique. En reproduisant les gestes des ouvriers et artisans qui y travaillent et en les intégrant dans l’espace d’exposition, il transforme éléments de coffrages ou d’échafaudages en œuvres d’art. N’ayant aucune formation professionnelle liée à ses métiers, l’artiste se définit comme un « bricoleur supérieur »(1), une appellation à comprendre comme l’ajout du préfixe méta à une réalité physique dans le sens où il donne à l’objet qu’il reproduit une nouvelle dimension.

« L’idée qui accompagne toutes mes productions est celle de donner une aura aux métiers de la main et à l’artisanat. Je cherche à créer un pont entre artisanat et l’art. Les coffrages sont l’exemple de ce lien existant entre les deux, car leurs formes répondent à des exigences très précises et ont une valeur esthétique. En les plaçant dans l’espace de la galerie, ils deviennent des sculptures à part entière.

Nous ne sommes pas en présence de ready-made car je fabrique moi-même les objets, mais de ready re-made.

Je me définis comme un bricoleur supérieur dans le sens où, n’ayant pas eu de formation professionnelle, je reproduis des gestes techniques dans le but de fabriquer des éléments qui n’ont pas de qualités fonctionnelles mais esthétiques. Un « bricoleur du dimanche » trouveraient mes pièces complètement absurdes parce qu’elles ne servent à rien.

Je vois le chantier comme les coulisses d’une construction, un envers du décor.

Sur un chantier, chaque élément a une utilité. Or chacun d’entre-eux, bâche, protections de murs en bois, a aussi une dimension esthétique. J’ai repris certains de ces éléments pour les disposer dans la galerie. La bâche donne une brillance au sol, elle devient là purement décorative. De même j’habille les murs de bois MDF qui servent à protéger et isoler sur les chantiers.

Dans ce déplacement du statut de l’objet, il y a une sorte de double jeu, entre production et la ré interprétation que suggère le titre, rendu possible par le fait que les sculptures exposées ne sont pas des formes que je crée. Le moule de colonne est vendue en kit dans les commerces spécifiques aux métiers du bâtiment et sont accessibles à tout le monde.

L’exposition est conçue comme un cheminement. Je voulais donner ce sentiment en entrant dans la galerie que l’on accède à un espace en construction et que se crée visuellement une sorte de va-et-vient et même une inversion entre éléments de construction et de décoration. La colonne décorative devient par la présence d’une structure en tasseaux une construction tandis que le filet de chantier se transforme en rideau décoratif. De même les lignes de l’échafaudage apparaissent fictives, et font écho à l’architecture de la galerie dont la vitrine est en métal. Tous ces éléments perdent leur côté fonctionnel pour ne garder qu’une dimension décorative et par leur déplacement dans l’espace de la galerie deviennent œuvres d’art. Par l’utilisation de tasseaux je crée un lien entre les trois espaces de la galerie, un cheminement par étapes qui mène des éléments décoratifs au moule, puis vers des modules de coffrage.

Je présente quatre éléments de coffrage dont j’ai trouvé les modèles. Ces structures existent vraiment, je n’en ai pas inventé la forme. Je les ai construits moi-même en prenant soin de laisser apparentes les étapes de leur construction. N’ayant plus d’aspect fonctionnel, ces éléments acquièrent un nouveau statut.

Je produis une sorte de renversement que je matérialise en présentant certains des éléments dans un positionnement qui les rend inutilisables.

Le moule pour about de pont est ainsi présenté à l’horizontale tandis que celui servant à couler des poutres de béton est lui positionné verticalement. J’ai aussi repris les codes couleurs utilisé dans le BTP. Ainsi le moule d’about est gris et le coffrage servant à faire des chapes en voile est blanc. J’ai laissé aussi des éléments techniques présents dans les coffrage, comme le tuyau servant de cône de coulée dans le mannequin de fenêtre.

Dans la continuité de l’idée de montrer les étapes de construction, je présente des planches martyrs qui servent à découper et sur lesquelles j’ai reporté les motifs des coupes sur du bois. J’ai voulu révéler la dimension esthétique, les coulisses de la construction de l’exposition elle-même. »

(1) Cyril Zarcone, Le bricolage supérieur, Décembre 2012, Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Directeur de mémoire : Didier Semin  http://cyrilzarcone.fr/wa_files

Propos de Cyril Zarcone recueillis par Valérie Toubas et Daniel Guionnet le 11 mars 2016 avec l’aimable participation de Léo Marin.

 

Cyril Zarcone, vue d'exposition Re/ productions, Galerie Eric Mouchet Paris Crédit photo : Rebecca Fanuele
Cyril Zarcone, vue d’exposition Re/ productions, Galerie Eric Mouchet Paris Crédit photo : Rebecca Fanuele
Cyril Zarcone, vue d'exposition Re/ productions, Galerie Eric Mouchet Paris Crédit photo : Rebecca Fanuele
Cyril Zarcone, vue d’exposition Re/ productions, Galerie Eric Mouchet Paris Crédit photo : Rebecca Fanuele
Cyril Zarcone, vue d'exposition Re/ productions, Galerie Eric Mouchet Paris Crédit photo : Rebecca Fanuele
Cyril Zarcone, vue d’exposition Re/ productions, Galerie Eric Mouchet Paris Crédit photo : Rebecca Fanuele

 

Cyril Zarcone, vue d'exposition Re/ productions, Galerie Eric Mouchet Paris Crédit photo : Rebecca Fanuele
Cyril Zarcone, vue d’exposition Re/ productions, Galerie Eric Mouchet Paris Crédit photo : Rebecca Fanuele

 

Cyril Zarcone, vue d'exposition Re/ productions, Galerie Eric Mouchet Paris Crédit photo : Rebecca Fanuele
Cyril Zarcone, vue d’exposition Re/ productions, Galerie Eric Mouchet Paris Crédit photo : Rebecca Fanuele

 

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