[EN DIRECT] AKAA Also Know As Africa, 1ère édition, Carreau du Temple, Paris

[EN DIRECT] AKAA Also Know As Africa, 1ère édition, Carreau du Temple, Paris

C’est dans une atmosphère feutrée que les visiteurs, pris sous le charme de l’installation Maîtres invisibles de Rachid Koraïchi, découvrent cette première édition de l’AKAA, Also Known As Africa. Une foire qui ne se veut pas un panorama d’art africain actuel mais qui propose la découverte à travers la présence de 30 galeries, institutions, fondations et éditeurs, du travail d’artistes et de designers contemporains africains. L’événement initié par Victoria Mann et sous la direction artistique de Salimata Diop ouvre notre regard non sur la seule Afrique mais sur des artistes d’Afrique qui parcourent le monde et qui développent, par des dialogues incessants entre les cultures, des passerelles entre les continents.

Un événement très attendu dont on ressent immédiatement la qualité par la présence de galeries nationales et internationales qui soutiennent des artistes qui apportent une formidable vitalité à l’art contemporain. Un dynamisme, une énergie palpable dont les oeuvres se font le contenant. Les oeuvres présentées ont souvent ce relief, porte en elle le visage de l’Afrique, son humanité, sa force, sa capacité à résister et à s’adapter. Elles s’affirment avec force dans le champ de l’art contemporain. Une identité qui séduit les collectionneurs et le marché de l’art tout entier, une effervescence perceptible sur l’ensemble des stands.

 

Terrence Musekiwa, Overseers (Catinca Tabacaru Gallery, NYC).
Terrence Musekiwa, Overseers (Catinca Tabacaru Gallery, NYC).

 

Les oeuvres présentées donnent l’envie de connaître leur histoire, celle de leur créateur, avec cette dimension spirituelle, tactile, réellement incarnée. Les artistes conjuguent racines, spiritualité et donnent corps à des objets condamnés à l’obsolescence, les revêtent d’une identité nouvelle reliant technicité occidentale et artisanat par des gestes domestiques du tissage, de la cuisine. Ils investissent la froideur du métal, du plastique par des pratiques issues de moments de convivialité et de partage. Terrence Musekiwa compose à partir de pierre, métal, adhésif, verre qui sont ancrés dans la vie de tous les jours, des êtres divins, les Overseers (Catinca Tabacaru Gallery, NYC).

La vie artistique n’est pas extérieure à la vie, elle lui est intimement liée, y puise sa vivacité, son énergie, sa force mystique et poétique. Gopal Dagnogo (Bandjoun Station, Cameroun) présente une série de dessins sur papier où apparaissent chaussures, volatiles de basse-cour et éléments de cuisine. On y retrouve tout l’esprit de partage de ce lieu culturel créé par Barthélémy Toguo qui allie activités artistiques, coopérative agricole et vie locale. Des liens intimes portés par cette faculté de recycler, d’insuffler la vie, de la magnifier en y donnant une dimension mystique que l’on retrouve dans l’œuvre Tchigan (October Gallery, Londres) de Romuald Hazoumè composée d’objets trouvés et aussi dans l’utilisation par Yuri Zupancic (Galerie KO21, Paris) de circuits imprimés dans ses Silicon Mountains comme support à des peintures à l’huile miniatures.

 

Gopal Dagnogo (Bandjoun Station, Cameroun)
Gopal Dagnogo (Bandjoun Station, Cameroun)

 

 

Tchigan de Romuald Hazoumè (October Gallery, Londres)
Tchigan de Romuald Hazoumè (October Gallery, Londres)

 

Yuri Zupancic, Silicon Mountains (détail) (Galerie KO21, Paris)
Yuri Zupancic, Silicon Mountains (détail) (Galerie KO21, Paris)

 

Des artistes qui se jouent des représentations, celles persistantes que l’on peut avoir d’un art ancestral et qui montrent que d’une certaine manière ils ont assimilé leur propre tradition, leur exotisme, celle qui a aussi nourrit le monde occidental de sa richesse formelle, de Brancusi à César. Cette réflexion se retrouve dans les collages de Richard Butler-Bowdon (First Floor Gallery, Harare) avec ce jeu de renversement par rapport à des traditions et comment la culture occidentale imprègne les artistes. Ainsi la série Dancing Mask de Salifou Lindou Fouanta (Bandjoun Station) n’est pas sans évoquer Le Cri d’Edvard Munch.

 

 

Richard Butler-Bowdon (First Floor Gallery, Harare)
Richard Butler-Bowdon (First Floor Gallery, Harare)

 

Dancing Mask de Salifou Lindou Fouanta (Bandjoun Station)
Dancing Mask de Salifou Lindou Fouanta (Bandjoun Station)

 

Ce regard sur sa propre histoire n’est pas vu à travers un prisme tragique même si la cicatrice est parfois visible mais nourri d’une positivité, d’un élan vers l’avenir. Il est parfois empreint d’une certaine ironie comme dans l’œuvre L’Or noir de Gastineau Massamba (KO21). Est exprimée celle volonté de s’ouvrir au monde, exploiter malgré les plaies sa vitalité, d’exploiter elle-même ses propres ressources, ses minerais comme le grès, les émaux dans le Vase sculptural rose à dorure de King Houndekpinkou (Galerie Vallois). Une pièce qui symboliquement allie matériaux nobles colorés et de l’argile, des grès blancs et noirs et forme une entité précieuse. Cette préciosité on la retrouve dans les gestes répétés de Safâa Erruas qui insère des lamelles de verre mais aussi des matériaux organiques dans du papier (L’Atelier 21, Casablanca et Dominique Fiat, Paris) et sur lesquelles on retrouve des traces de sang. Une réflexion sur la place de la femme dans nos sociétés par des correspondances de gestes avec des activités féminines.

 

L'Or noir de Gastineau Massamba (KO21)
L’Or noir de Gastineau Massamba (KO21)

 

Au premier plan : Vase sculptural rose à dorure de King Houndekpinkou (Galerie Vallois, Paris)
Au premier plan : Vase sculptural rose à dorure de King Houndekpinkou (Galerie Vallois, Paris)

 

Safâa Erruas (Galerie Dominique Fiat)
Safâa Erruas (Galerie Dominique Fiat)

 

Le sentiment qui prédomine est celui de la justesse d’un regard porté sur les politiques actuelles qui aboutissent à des replis isolationnistes, aux amalgames et aux divisions souvent meurtrières. Des divisions auxquelles répondent les oeuvres M.U.S.A. Large ou Romancia (L’Atelier 21) de Hassan Hajjaj de manière pacifiée, mais forte. Chris Morin-Eitner (galerie W Eric Landau, Paris) dans ses grands tirages photographiques nous immerge dans les jungles urbaines, s’amuse des locutions et des représentations et de manière sous-jacente pose la question de la pérennité des civilisations et des représentations que l’on en a. Un basculement qu’il traduit par l’envahissement de la végétation sur les monuments touristiques. Ce regard porté sur l’architecture imposante, vieillissante et empesée, nous interroge sur la célébration d’un éternel passé muséifié qui contraste avec l’énergie, le développent perpétuel de l’Afrique, de cette capacité à exploiter tout matériau, tout élément pour lui donner vie, sans a priori, de manière inventive et créatrice avec une verve qui nous touche profondément.

 

Hassan Hajjaj, Romancia (L'Atelier 21, Casablanca)
Hassan Hajjaj, Romancia (L’Atelier 21, Casablanca)

Visuel de présentation : installation Maîtres invisibles de Rachid Koraïchi.

Pour en savoir plus sur l’événement :
[AGENDA] 11-13.11 – AKAA – Foire d’art contemporain et de design – Carreau du Temple – Paris