CORPS NOUVEAUX

CORPS NOUVEAUX

vue de l’exposition Corps nouveaux :
de gauche à droite, Jean Luc Verna, Oisson, What’s in a bird, Thomas Lanfranchi Forme n°6, Bruno Botella, Oog onder de put, Lucie Picandet, Nexus, Jessica Lajard, La Paradeuse, Nicolas Darrot, Saturne, Madone Lyre.

EN DIRECT / Exposition Corps Nouveaux
jusqu’au 20 novembre 2021, CAC La Traverse, Alfortville

Commissariat Marguerite Pilven

Avec Bruno Botella, Rada Boukova, Laurie Dall’Ava, Nicolas Darrot, Isabel Duperray, François Fleury, Paul-Armand Gette, Ann Guillaume, Michel Journiac, Jessica Lajard, Thomas Lanfranchi, Alwin Lay, Olivier Leroi, Martin Mc Nulty, Robin Meier, Lucie Picandet, Inès P. Kubler, Nathalie Regard, Agata Rybarczyk, Jean-Luc Verna

Corps nouveaux
20 artistes et 44 œuvres réunis autour des Métamorphoses d’Ovide. L’exposition revisite une pensée du vivant à travers une œuvre littéraire où se narre très souvent la solidarité entre les règnes humain, animal et végétal face à l’adversité.

« Je me propose de dire la métamorphose des formes en des corps nouveaux », voici comment Ovide1 ouvre son poème les Métamorphoses, dont la composition débute en l’an 1 de notre ère, en une époque et un lieu où les imaginaires ne sont pas encore structurés autour d’un Dieu unique.

Les récits enchâssés d’Ovide conduisent depuis la création de l’univers jusqu’au règne de l’Empereur Auguste. Pas un silence ne vient interrompre ce carmen perpetuum2 ; la puissance de la matière vivante entraîne les mots, infatigable. Par la fluidité de ses descriptions, Ovide capture le flux du temps dans le mouvement des corps, il concentre son exercice sur cet entre-deux où une forme se perd et un nouveau corps apparaît. Le défi poétique des Métamorphoses est celui d’une saisie par les mots du « tourbillon de ce qui est en train d’apparaître »3.

Librement inspirée par la lecture de ce poème d’Ovide, l’exposition prend pour titre : corps nouveaux. Sans doute n’existe-t-il pas de corps nouveau bien qu’il ait sans cesse été imaginé.
Dans une première partie, les récits qui narrent l’origine tumultueuse de l’univers sont évoqués, mis en parallèle avec la création artistique et la dynamique de transformation qui en est le moteur. Il y est aussi question du « chaos » où tout peut devenir.

La seconde partie s’articule autour de la notion de tekhnè qui, en grec, désigne « la production » ou la « fabrication matérielle ». La connaissance fut autrefois considérée comme une façon d’approcher le divin, de défier les limites du corps, de le reproduire ou d’en produire de nouveaux. Le rêve comme extension du corps, la « bouteille à la mer interstellair e » qu’est le Golden Record4, la limite infranchissable entre le corps et l’image, les fables du Golem et de Romulus et Remus y seront notamment convoqués.

La dernière partie aborde la vulnérabilité qui se trouve au cœur de tout récit de métamorphose. La métamorphose est le lieu de la fragilité, elle est un moment d’entre-deux, et comporte un risque. En forgeant la notion de « somathèque » pour désigner le corps comme archive politique vivante, le philosophe Paul B. Preciado apporte une alternative aux images figées de corps-objets ou de corps anatomiques.

Dans son ensemble, l’exposition articule l’intimité et le secret associés au corps et à l’acte de création, aux notions collectives de récit, de mémoire et d’empathie. En une période de crise des récits et de crise de l’altérité, il s’agit de revisiter une pensée du vivant à travers une œuvre littéraire où se narre très souvent la solidarité entre les règnes humain, animal et végétal face à l’adversité.

La fortune historique des Métamorphoses est probablement liée à son absence d’idéologie. L’impermanence n’y est plus considérée comme un objet de peur mais comme une source d’étonnement où se loge la poésie et dont la philosophie est née. Le caractère radicalement visuel, théâtral et kaléidoscopique de cette œuvre littéraire, de laquelle sont nés tant d’opéras et de chefs-d’œuvre de la peinture, y est ici aussi célébré à travers une multiplicité de médiums et d’univers artistiques.

1 Ovide (43 av. J.-C. – 17 ap. J.-C.) est un poète antique témoin du passage à l’Empire romain. Son œuvre la plus célèbre, Les Métamorphoses, est le point de départ d’une réflexion sur le corps et ses représentations amorcée par cette exposition.
2 Ovide qualifiait son poème de « chant perpétuel » (latin), signifiant ainsi qu’il ne se situait pas dans une temporalité humaine mais dans une pensée mythologique marquée par l’infinie fluidité des corps.
3 Passage extrait du livre L’Origine du drame baroque allemand, dans lequel Walter Benjamin propose une définition de l’origine qui la distingue d’une définition de la genèse.
4 En 1977, la NASA a envoyé dans l’espace deux disques à destination d’une vie extraterrestre. Ces disques – les Golden Records – contiennent des images et des sons supposés représenter la vie terrestre dans sa diversité.

Marguerite Pilven

Exposition Corps Nouveaux jusqu'au 20 novembre 2021, CAC La Traverse, Alfortville
vue de l’exposition Corps nouveaux, à gauche, Agata Rybarcyk, Talk show, à droite Isabel Duperray, Léda et le cygne (d’après Le Corrège)
Exposition Corps Nouveaux jusqu'au 20 novembre 2021, CAC La Traverse, Alfortville
vue de l’exposition Corps nouveaux, à droite Hawaï Girl Rada Boukova et au fond Pagan Fold Martin Mc
Nulty crédit photo Rachel Woodson & CAC La Traverse