MONIKA EMMANUELLE KAZI, LA COUR DES GRANDS

MONIKA EMMANUELLE KAZI, LA COUR DES GRANDS

Monika Emmanuelle Kazi, Les règles du jeu (détail), 2021. Photo Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg

EN DIRECT / Exposition Monika Emmanuelle Kazi, La cour des grands, jusqu’au 27 novembre 2022, Kunsthalle Friart Fribourg

Monika Emmanuelle Kazi construit son œuvre en puisant dans une mémoire corporelle incarnée liée à son expérience diasporique. Par l’écriture, l’installation et la performance, l’artiste transpose des souvenirs qui enlacent les récits de construction personnels et mondiaux. Elle explore la charge émotive d’objets quotidiens, de gestes, de matières, d’architectures, comme autant de zones de contact poreuses, traces d’histoires en mouvement. La cour des grands est sa première exposition institutionnelle.

La pièce Les règles du jeu (2021) ouvre l’exposition. Elle est présentée dans un espace dont l’architecture séparée évoque la distance du souvenir. Un bruit d’eau et des pliages enfantins accompagnent une table aux pieds de fer tordus surmontée d’un plateau de jeu de Ludo. Cette version africaine du jeu connu en Suisse sous le nom de jeu de l’Auberge, accueille dans ses cases de départ appelées «maison» des images marquetées. On y distingue, à côté de verres en cristal qui ont remplacé les pions d’une partie en cours, une famille saisie dans des photographies passées. De l’autre côté de cet espace matrice, un récit se dessine autour d’objets épars, amoncelés dans des terrains distincts. Ils se rapportent à la main, aux gestes symboliquement chargés du construire et du jeu, filant la métaphore chargée d’une vie conçue comme destin.
Des jeux d’opposition structurent les différents éléments agencés de l’installation. Les couleurs, objets, matières et formes, articulent des dualités contrastées. Le noir du mur d’entrée s’oppose aux murs blancs de l’espaces d’exposition. L’utilisation directe du sol vient résonner avec le titre (La cour des grands), créant une hiérarchie spatiale entre le haut et le bas. Les valeurs qui émanent des objets se constituent en relation telle la position que l’on occupe dans un jeu.

Des briques en ciment et en céramique, tel le cru et le cuit, composent un chantier en cours, laissé à l’abandon dans l’espace d’art. Terre-plein, terres mères (2022), ressaisit l’intention du bâtir comme un geste qui transforme la terre en terrain. L’œuvre rappelle la façon qu’ont certaines constructions d’imiter des techniques occidentales, au lieu de travailler à partir de ressources et de savoir-faire locaux. A l’intérieur, l’artiste loge des variations autour du symbole de la croix. A rebours du récit de la christianisation, ces motifs évoquent les usages multiples et simultanés d’une forme primaire à l’intersection de cultes variés.
Dans les réceptacles d’une vitrine muséale, de la vaisselle enserre des noix de coco. Ces évocations d’hanaps, vases médiévaux nobles et décorés, s’inspirent librement de versions que l’on trouve dans les collections du Musée d’art et d’histoire de Fribourg. La présence de ce fruit exotique, objet de curiosité ou trophée, indique les prémices d’une histoire coloniale de la possession. Ces sculptures brutes, au titre évocateur La Boisson (2022), suggèrent l’opulence, la puissance du boire comme modèle de l’incorporation. Comme dans l’ivresse, le musée-même, lieu qui conserve la valeur, maintient les canons et valide les récits par le truchement innocent et certain de la curiosité, confond ici deux de ses habitudes.

Au lieu d’avoir six faces différentes, les six dés en céramique indiquent tous un seul numéro, soulignant une distribution des chances qui anticipe et corrompt le hasard. A la fin du parcours, la vidéo Do you know how to play ? (2022), capture deux protagonistes en plein jeu. Loin de nous, elles activent le plateau de Ludo que l’artiste a placé en ouverture d’exposition. La temporalité du film n’offre pas de réels progrès narratifs, si ce n’est un enfoncement dans une partie de plus en plus abstraite, dans laquelle évoluent des caractères supposées sans histoires : au bord d’un lac calme et divertissant, non loin du siège des bureaux d’un commerce monstre, les gestes des performeuses rejoignent la dimension mythique d’un affrontement sans fin.

La publication qui accompagne l’exposition sera vernie le samedi 5 novembre.

2. Monika Emmanuelle Kazi, Les règles du jeu, 2021. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
2. Monika Emmanuelle Kazi, Les règles du jeu, 2021. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
3. Monika Emmanuelle Kazi, start making memories, (detail), 2021. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Monika Emmanuelle Kazi, start making memories, (détail), 2021. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart FribourgFribourg
4. Vue d'exposition, Monika Emmanuelle Kazi, La cour des grands, 2022, Kunsthalle Friart Fribourg. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Vue d’exposition, Monika Emmanuelle Kazi, La cour des grands, 2022, Kunsthalle Friart Fribourg. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
5. Monika Emmanuelle Kazi, Terre-plein, terres mères, 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Monika Emmanuelle Kazi, Terre-plein, terres mères, 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
6. Monika Emmanuelle Kazi, Terre-plein, terres mères (detail), 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Monika Emmanuelle Kazi, Terre-plein, terres mères (détail), 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
4. ue d'exposition, Monika Emmanuelle Kazi, La cour des grands, 2022, Kunsthalle Friart Fribourg. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Vue d’exposition, Monika Emmanuelle Kazi, La cour des grands, 2022, Kunsthalle Friart Fribourg. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
4. ue d'exposition, Monika Emmanuelle Kazi, La cour des grands, 2022, Kunsthalle Friart Fribourg. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Vue d’exposition, Monika Emmanuelle Kazi, La cour des grands, 2022, Kunsthalle Friart Fribourg. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
9. Monika Emmanuelle Kazi, La boisson, 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Monika Emmanuelle Kazi, La boisson, 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
10. Monika Emmanuelle Kazi, La boisson, 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Monika Emmanuelle Kazi, La boisson, 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
4. Vue d'exposition, Monika Emmanuelle Kazi, La cour des grands, 2022, Kunsthalle Friart Fribourg. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Vue d’exposition, Monika Emmanuelle Kazi, La cour des grands, 2022, Kunsthalle Friart Fribourg. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
12. Monika Emmanuelle Kazi, Lait Nido (detail), 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Monika Emmanuelle Kazi, Lait Nido (détail), 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
4. Vue d'exposition, Monika Emmanuelle Kazi, La cour des grands, 2022, Kunsthalle Friart Fribourg. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Vue d’exposition, Monika Emmanuelle Kazi, La cour des grands, 2022, Kunsthalle Friart Fribourg. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
4. Vue d'exposition, Monika Emmanuelle Kazi, La cour des grands, 2022, Kunsthalle Friart Fribourg. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Vue d’exposition, Monika Emmanuelle Kazi, La cour des grands, 2022, Kunsthalle Friart Fribourg. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
15. Monika Emmanuelle Kazi, The playing field (detail), 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Monika Emmanuelle Kazi, The playing field (détail), 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
16. Monika Emmanuelle Kazi, Do you know how to play?, 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Monika Emmanuelle Kazi, Do you know how to play?, 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
17. Monika Emmanuelle Kazi, Do you know how to play?, 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Monika Emmanuelle Kazi, Do you know how to play?, 2022. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
4. Vue d'exposition, Monika Emmanuelle Kazi, La cour des grands, 2022, Kunsthalle Friart Fribourg. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg
Vue d’exposition, Monika Emmanuelle Kazi, La cour des grands, 2022, Kunsthalle Friart Fribourg. Photo : Guillaume Python. Courtesy Kunsthalle Friart Fribourg

MONIKA EMMANUELLE KAZI – BIOGRAPHIE
Monika Emmanuelle Kazi (*1991) vit et travaille entre Genève et Paris. Parmi ses expositions récentes, Room with a View, Galerie Philipp Zollinger, Zürich ( 2022 ) ; Blink, Wallstreet, Fribourg (2021); Governmental Fires, Futura, Prague (2021); Handshake, sic! Elephanthouse, Lucerne ( 2021 ) ; Sandbox by Monika E. Kazi, HIT, Genève ( 2019 ). Monika Emmanuelle Kazi est représentée par Galerie Philipp Zollinger (Zürich).

Monika Emmanuelle Kazi, ancienne étudiante de la HEAD de Genève, est la lauréate du Prix Kiefer Hablitzel | Göhner pour les artistes de moins de 30 ans. 
https://monikaemmanuelle.com