ROMAIN KRONENBERG, BOAZ

ROMAIN KRONENBERG, BOAZ

Vue de l’exposition « Boaz » de Romain Kronenberg à La Kunsthalle Mulhouse, 2022 © de l’artiste

EN DIRECT / Boaz, une exposition de Romain Kronenberg – Commissariat Coline Davenne et Sandrine Wymann – jusqu’au 30 avril 2022, à La Kunsthalle Mulhouse

Les paroles se perdent quand elles ne sont pas dites.

Boaz est avant tout l’histoire d’une histoire. Une histoire trouvée au hasard des boutiques de souvenirs de la petite ile de Procida, au large de Naples, d’une parole oubliée sur un vieux magnétophone et étonnamment collectée. Sur une cassette abandonnée, la voix calme mais importante d’un enfant qui retrace la vie d’un jeune orphelin, aimé de tous, et dont la simple présence suscite dans son entourage l’apparition de signes ou de scènes de dévotion. Cette histoire est celle de Boaz et de sa famille d’adoption, son frère Malachie, leur sœur Deborah et leur père Amos.

Ce projet complexe que développe Romain Kronenberg depuis la découverte de ce magnétophone au printemps 2017, est indéniablement centré sur la question du sacré, que l’histoire de Boaz, opportunément trouvée, lui permet d’explorer. Le surgissement du sacré se noue d’abord autour de la relation, pure mais ambiguë, qui lie les deux frères, inséparables. Ils sont le Prophète et le Mystique. Le sacré s’incarne en douceur dans la vie du jeune garçon, Boaz, qu’on ne voit jamais mais que tout le monde admire. Il est invisible mais vivant. Boaz est la Légende. Malachie, le Mystique, est le reflet de la fascination collective qui s’organise autour de l’orphelin puis du jeune homme, et qui s’intensifie avec les années. Il deviendra ensuite le martyre volontaire de cette quête, le dommage collatéral d’une piété trop forte. C’est une tragédie simple qui se joue, sereine, puisque tous en connaissent parfaitement l’issue, car la Légende ne peut pas vivre.

L’exposition rassemble un ensemble d’œuvres plastiques et filmiques, d’objets et de documents qui témoignent de cette exploration et qui s’articulent tous autour du roman qui structure l’ensemble. Prenant comme point de départ une méthode de travail initiée avec sa précédente proposition, Tout est vrai en 2019, Romain Kronenberg déploie une nouvelle exposition autour d’un récit qui en constitue la colonne vertébrale et qui conditionne la création de formes et d’images. Boaz est un projet dense ou toutes les formes et les récits s’imbriquent et se répondent sans que l’on puisse déterminer précisément qui des unes précédent les autres. L’exposition est une mise en abîme du récit pour explorer la construction d’un mythe. Une hagiographie en pointillés. Elle dévoile ainsi de pudiques reliques : des croix apposées sur des murs en signe de dévotion, des poupées comme une foule de fidèles et autant d’émotions, des photographies de famille, des icônes en bleu de Prusse, une parole sacrée qui essaime sur les murs. Boaz, film est le film d’un film, qui retrace la création de Boaz, leur film par les deux jeunes hommes en le liant au récit d’un mystérieux enquêteur qui 20 ans plus tard cherche toujours à expliquer ce qui ne peut pas l’être.

Boaz est construit comme un mythe contemporain où se croisent les recherches de Mircea Eliade sur les rites et le culte mélanésien du Cargo. Le sacré qui enveloppe le projet n’est pourtant ni excessif ni surprenant. C’est au contraire, une forme de sacré modeste, quotidien, mystique certes, mais sans mystères. C’est le destin de ceux qui portent la charge d’une société en manque de repères, en mal de transcendance.

Coline Davenne

Vue de l'exposition "Boaz" de Romain Kronenberg, 2022 © La Kunsthalle Mulhouse - photo : Romain Kronenberg
Vue de l’exposition « Boaz » de Romain Kronenberg à La Kunsthalle Mulhouse, 2022 © de l’artiste
Vue de l'exposition "Boaz" de Romain Kronenberg, 2022 © La Kunsthalle Mulhouse - photo : Romain Kronenberg
Vue de l’exposition « Boaz » de Romain Kronenberg à La Kunsthalle Mulhouse, 2022 © de l’artiste
Vue de l'exposition "Boaz" de Romain Kronenberg, 2022 © La Kunsthalle Mulhouse - photo : Romain Kronenberg
Vue de l’exposition « Boaz » de Romain Kronenberg à La Kunsthalle Mulhouse, 2022 © de l’artiste
Vue de l'exposition "Boaz" de Romain Kronenberg, 2022 © La Kunsthalle Mulhouse - photo : Romain Kronenberg
Vue de l’exposition « Boaz » de Romain Kronenberg à La Kunsthalle Mulhouse, 2022 © de l’artiste
Vue de l'exposition "Boaz" de Romain Kronenberg, 2022 © La Kunsthalle Mulhouse - photo : Romain Kronenberg
Vue de l’exposition « Boaz » de Romain Kronenberg à La Kunsthalle Mulhouse, 2022 © de l’artiste
Vue de l'exposition "Boaz" de Romain Kronenberg, 2022 © La Kunsthalle Mulhouse - photo : Romain Kronenberg
Vue de l’exposition « Boaz » de Romain Kronenberg à La Kunsthalle Mulhouse, 2022 © de l’artiste