SÉMAPHORE

SÉMAPHORE

Yann Bagot, Pointe du Grouin #06, 2019. Encre de chine sur papier, 56 x 76 cm

EN DIRECT / Exposition Sémaphore avec les travaux de Yann Bagot, Antinea Jimena, Didier Legaré-Gravel, project space de la maison artéfact Paris

par Pauline Lisowski

Exposition Sémaphore : l’expérience d’un site pour observer et ressentir la mer 

Yann Bagot peint à l’encre de Chine, porté par l’expérience du paysage, Antinea Jimena est plasticienne et pratique la performance, Didier Legaré Gravel utilise la gravure et la vidéo comme médiums, tous trois ont fait surgir leurs sensations éprouvées dans le terrain escarpé du sémaphore de la Pointe du Grouin en Bretagne. Cette résidence fait suite aux voyages des artistes depuis une dizaine d’années. Ils ont profité de ce lieu singulier offrant une vue surprenante et inspirante sur la mer, horizon à perte de vue. 

Suite à leur expérience artistique dans ce site, ils ont composé une exposition qui propose aux visiteurs une expérience intime de leurs oeuvres d’art. Dans l’espace d’Artéfact, celles-ci s’immiscent parmi d’autres et invitent à un voyage à travers leurs travaux. Ce lieu dédié à la culture du thé et aux différents arts permet la découverte au fur et à mesure d’une approche des éléments constituant le paysage vers des oeuvres qui transmettent les sensations éprouvées par le corps. Les odeurs et la dégustation du thé entrent en relation avec les perceptions ainsi que l’écoute des sons de la nature. Les vidéos restituent la dimension corporelle présente dans leur démarche artistique et l’atmosphère qui règne dans le territoire breton qu’ils ont parcouru. Du rez-de-chaussée à la mezzanine où Kaleigh Johnson présente de manière délicate et harmonieuse un ensemble de pièces de petits formats et des éditions, leurs créations renvoient à un environnement perçu, du proche au lointain. 

De quelles manières un site naturel peut-il influer sur la création d’un artiste ? Comment réagir à un contexte en perpétuel changement ? Que produit l’expérience de la nature sur le corps et de quelles façons transmettre les sensations et les courants perçus en ce lieu ? Les oeuvres de ces artistes enregistrent les dessins et traces qui naissent des remous de la mer. Engagés physiquement au contact des éléments naturels et attentifs aux dessins que ceux-ci produisent en continu, ils ont bravé les phénomènes physiques qui influençaient leur perception du paysage et les obligeaient à faire corps avec celui-ci. Les trois artistes s’unissent par leur travail sensible au coeur de l’environnement, marqué également par une recherche de rythmes et d’émotions, transmises dans leur dessins et gravures. 

Yann Bagot trouve dans les lieux où il est amené à dessiner une énergie, des relations aux éléments naturels qui se révèlent dans ses oeuvres. Réalisées en plein air en observant le paysage et ses mouvements, ses peintures à l’encre de Chine sur papier témoignent de l’effet de l’eau au contact de l’encre, technique élaborée dans l’instant qui traduit les variations que subissent les milieux naturels où il s’installe pour dessiner. 

Les Phases réalisées à l’encre de Chine sur aluminium, de format circulaire, font écho à la vision circulaire des longues vues de vigie. Dans le sémaphore, lieu à l’écart du monde, reculé, la mer s’impose par son immensité, ses changements au fil de la journée et les sons qu’elle transmet. Les artistes se sont engagés physiquement dans ce site dont le panorama fascine autant qu’il inspire la méditation et l’attention envers les êtres vivants. Les traces, textures, lignes et écoulements traversent leurs oeuvres ici réunies. Ce poste de surveillance et habitat insolite éloigné des flux humains convoque le temps long, l’attente et invite à se remémorer des récits de voyageurs, des traditions et gestes. 

Les éditions Promontoires et Où le regard s’arrête accompagnent leurs oeuvres et constituent une trace de l’expérience de la résidence comme un récit dessiné du travail pictural en plein air. 

Antinea Jimena laisse exprimer son corps au contact de la nature. Son approche semblable à celle de l’improvisation l’amène à prendre connaissance du lieu et à se laisser guider par ses explorations corporelles. Elle a ressenti l’environnement, les rochers à partir des instructions transmises par la danseuse Majo Pérez Castro, depuis le Mexique, dans la continuité d’une démarche engagée depuis dix ans. Cette expérience l’a incité à parcourir et ressentir l’environnement par les mouvements de son corps. Elle se connecte aux éléments naturels et libère un geste qui témoigne de rythmes, de pas, de mouvements présents dans les éléments marins. La peinture sur papier amate Mar dévoile les phénomènes observés, la mer à perte de vue. 

Dans les oeuvres Sédiments, Fil d’écume et Hippocampe, Antinea Jimena fait référence à une pratique ancienne qui se transmet, le crochet. Ses oeuvres furent réalisées à partir de fils confiés par la grand-mère de Yann et d’autres par sa propre grand-mère. Ses pièces délicates rendent hommage à un savoir-faire qui nécessite de la patience et renvoient à un ouvrage qu’on réalise en attendant un être cher. Elles rappellent également les fils utilisés par les pêcheurs. Ses travaux en crochet pris dans les sédiments trouvent dans l’espace d’artéfact une forme qui s’accentue avec l’ombre et la lumière, suggérant un animal marin. 

Les dessins de l’édition Mar adentro, mar afuera d’Antinea Jimena convoquent les différents phénomènes captés par son corps. Chaque signe, point, ligne composent un espace qui révèle une dimension invisible du paysage. Telle une écriture automatique, sa pratique du dessin s’élabore dans une recherche d’intériorité, de prise de conscience de ce qui émerge en elle. 

Suite à une collaboration de longue date, Didier Legaré-Gravel a composé une oeuvre vidéo à partir des dessins à l’encre de Yann Bagot et de vues de la mer. Comme observés depuis le sémaphore, les plans dévoilent au fur et à mesure les variations d’intensité des remous de l’eau et la lumière changeante. Cette vidéo propose un voyage à travers l’univers marin qui se métamorphose en monde lunaire. Les couleurs se modifient au fil des images et rendent les variations du paysage en perpétuel changement. De la mer et ses vagues aux dessins réalisés avec l’action de la fluidité de l’encre, ce film captive notre regard invité à se laisser porter par les flux de vagues et de tracés à l’encre qui s’entremêlent. Mémoire d’une contemplation d’un paysage d’une grande puissance visuelle et sonore, cette oeuvre réunit plusieurs sensations perçues et interprétations d’un même lieu. La bande son composée avec le guitariste Pierre Durand est partie prenante de ce ballet marin où se joue la transformation des formes et du temps. L’artiste a passé de longues journées à arpenter le terrain pour saisir les bouillonnements de la mer en contrebas. Pour lui, le paysage est à vivre, à ressentir, à subir, d’où son approche de la vidéo qui lui permet d’allier expérience visuelle et sonore. 

Didier Legaré Gravel présente également des gravures sur papier minéral dont le volume suggère un terrain lointain, une planète. Entre dessin et sculpture, ses oeuvres évoquent la topographie d’un site, d’un rocher et captent la lumière. 

La vie dans ce lieu où l’homme peut ressentir la force des éléments naturels a marqué la mémoire des trois artistes. Leurs oeuvres révèlent l’infinité de mouvements contemplés et éprouvés. Elles nous invitent à être d’autant plus humbles et respectueux des milieux fragiles où prendre soin des végétaux, roches et autres êtres qui y habitent. Cette exposition est une ode, un hommage à un paysage auquel les artistes se sont attachés. 

Pauline Lisowski

vue de l'exposition Sémaphore avec les travaux de Yann Bagot,  Antinea Jimena, Didier Legaré-Gravel, project space de la maison artéfact Paris
vue de l’exposition Sémaphore avec les travaux de Yann Bagot, Antinea Jimena, Didier Legaré-Gravel, project space de la maison artéfact Paris
vue de l'exposition Sémaphore avec les travaux de Yann Bagot,  Antinea Jimena, Didier Legaré-Gravel, project space de la maison artéfact Paris
vue de l’exposition Sémaphore avec les travaux de Yann Bagot, Antinea Jimena, Didier Legaré-Gravel, project space de la maison artéfact Paris
vue de l'exposition Sémaphore avec les travaux de Yann Bagot,  Antinea Jimena, Didier Legaré-Gravel, project space de la maison artéfact Paris
vue de l’exposition Sémaphore avec les travaux de Yann Bagot, Antinea Jimena, Didier Legaré-Gravel, project space de la maison artéfact Paris
vue de l'exposition Sémaphore avec les travaux de Yann Bagot,  Antinea Jimena, Didier Legaré-Gravel, project space de la maison artéfact Paris
vue de l’exposition Sémaphore avec les travaux de Yann Bagot, Antinea Jimena, Didier Legaré-Gravel, project space de la maison artéfact Paris

YANN BAGOT
Dessinant à l’air libre lors de résidences au coeur d’espaces naturels (littoraux, montagnes, forêts…), ses recherches portent sur la représentation du paysage à l’encre de Chine sur papier. Il expose ses créations lors d’expositions personnelles ou collectives en France, en Europe et en Asie.

Yann Bagot, Pointe du Grouin #37, 2019. Encre de chine sur papier, 31,5 x 22,5 cm
Yann Bagot, Pointe du Grouin #37, 2019. Encre de chine sur papier, 31,5 x 22,5 cm
Yann Bagot, Phases #01, 2019. Acrylique et encre de chine sur aluminium, 38,5 cm
Yann Bagot, Phases #01, 2019. Acrylique et encre de chine sur aluminium, 38,5 cm

ANTINEA JIMENA
Son travail se situe entre le végétal et l’humain, l’enracinement et le déracine- ment, la fragilité et le vécu de la matérialité. Par le dessin, la peinture et la performance, elle représente paysages et corps, guidée par la singularité, l’irrégularité et la vulnérabilité des matières vivantes.

Antinea Jimena, Sédimentations, 2019. Tissage et sédiments sur papier amate, 50 x 65 cm
Antinea Jimena, Sédimentations, 2019. Tissage et sédiments sur papier amate, 50 x 65 cm
Antinea Jimena, Corteza de luna encres sur papier amate «calado», 120 x 40 cm, 2015
Antinea Jimena, Corteza de luna, 2015. Encres sur papier amate «calado», 120 x 40 cm

DIDIER LEGARÉ-GRAVEL
Dessinateur et vidéaste, le temps est au cœur de sa pratique. Ses œuvres puissant leur inspiration la nature et ses forces démesurées, sa Terribilità, sont exposées en France et en Europe. Il enseigne également le dessin et le film dans des associations et écoles d’art, à des publics adultes et enfants.

Didier Legaré- Gravel, In girum... #3, 2018 (détail). Papier minéral gravé, 13 x 27 cm
Didier Legaré- Gravel, In girum… #3, 2018 (détail). Papier minéral gravé, 13 x 27 cm
Tempestaires - photogrammes tirages Tirage Piezo Pro Charbon sur Kozo 8 exemplaires numérotés, signés, encadrés 30 x 40 cm, 2020
Tempestaires – photogrammes tirages
Tirage Piezo Pro Charbon sur Kozo 8 exemplaires numérotés, signés, encadrés 30 x 40 cm, 2020

ASSOCIATION LA SOURCE
Créée en 1991 à l’initiative du peintre Gérard Garouste, La Source est une association d’intérêt général à vocation sociale et éducative par l’expression artistique. Elle organise des ateliers de création artistique au près de publics en difficulté, et accueille des artistes en résidence.
https://www.associationlasource.fr

Artéfact Paris
Fondée en 2014 par Kaleigh Johnson et Fadel Imendjerioune, la maison artéfact se compose d’une boutique/salon de thé et d’un espace d’exposition située dans le coeur du Marais à Paris.
https://artefact-marais.com