LA FABRIQUE DU TEMPS

LA FABRIQUE DU TEMPS

Leyla Cardenas, Interpretation of deep time second try, 2019. Video installation.
Exposition La Fabrique du Temps, du 07 mars au 25 avril 2020, Galerie Dix9 Lamarchoise, Paris

EN DIRECT / Exposition collective La Fabrique du Temps
du 07 mars au 25 avril 2020, Galerie DIX9 Hélène Lacharmoise Paris

avec Leyla Cárdenas, Karine Hoffman, Katia Kameli, Vincent Lemaire, Anila Rubiku, Paula de Solminihac, Yang Yi

Vaste sujet physique et métaphysique, la définition du temps, son origine et sa nature et de là, les multiples approches pour l’appréhender, n’ont cessé de nourrir les préoccupations humaines depuis des millénaires: qu’il s’agisse de fabriquer un temps objectif nécessaire à l’organisation sociale (pour établir calendrier, datations, horaires), mais aussi de mesurer un temps subjectif, dimension intérieure de notre conscience. 

L’écoulement du temps le plus répandu dans les sociétés monothéistes procède d’une lecture horizontale, en datant les évènements historiques avant et après une année zéro qui serait la naissance de Jésus Christ. Les archéologues quant à eux raisonnent par stratification, adoptant une lecture verticale proche notamment de la conception chinoise . 

C’est en se référant à cette approche, étudiée lors d’une résidence avec des archéologues à l’Académie Jan van Eyck à Maastricht, que Leyla Cárdenas, a créé « Interpretation of Deep Time », une installation centrée sur une vidéo filmée dans les alentours de Bogota. La caméra progresse verticalement le long d’un mur de pierre en ruine, enseveli dans la montagne érodée. Cette lecture verticale des strates horizontales vers le haut et vers le bas se traduit dans un continuum d’un présent absolu, sans début ni fin. Les images deviennent objet de méditations complexes sur le temps et les cycles de transformation/destruction. Elles se fondent dans le sol de l’espace de projection mais s’écrasent soudainement dans une nappe réflexive fixée sur ce sol, subvertissant ainsi le récit même. 

Parallèlement à cette recherche, l’artiste développe ses investigations sur le textile, résultat d’un tissage entre des fils de chaine (vertical) et des fils de trame (horizontal). Dans un même souci de matérialiser le temps, Leyla Cárdenas fait imprimer sur textile ses photographies de ruines urbaines. Détissant le tissu en enlevant les fils de trame (espace), elle souligne la disparition progressive de la ruine tout en laissant apparaitre le temps. 

S’inspirant du rayonnement fossile, nom donné à la plus ancienne image obtenue de l’univers, Vincent Lemaire réalise des photo­grammes de tubes fluorescents brisés. Partant de portraits d’ancêtres familiaux sur négatif, il réalise des tirages sur papier argentique en y superposant ces photogrammes. Dans l’installation «Rayonnement familial» qui en résulte, le motif rectiligne et aléatoire superposé à ces portraits confronte le temps humain à celui de l’univers. La dualité entre la verticalité des portraits et l’horizontalité du motif réoriente le regard à chaque instant et nous rappelle la relativité du temps à l’échelle de l’univers. 

Dans sa série sur la région des Trois Gorges, inondée par un gigantesque barrage, Yang Yi traduit trois temps dans la même image. Ses photo­graphies prises au moyen format nous montrent une ville fantomatique submergée par l’eau. Les habitants, équipés de masques et de tubas, posent pour la postérité, rejouant leur vie de tous les jours. Grâce à la retouche numérique, l’artiste chinois crée un monde irréel et drôle à la fois, en même temps qu’il « date » ses images en leur donnant les tons sépia des vieilles cartes postale: témoignage d’un temps subjectif aujourd’hui disparu. 

L’oeuvre de Karine Hoffman est un archipel regroupant des îles autonomes caractérisées par un travail sur l’intrication de strates temporelles. Ses images s’inscrivent dans des espaces temps intermédiaires incertains. L’atmosphère crépusculaire et le chaos formel de ses peintures produit un sentiment de temps suspendu, de moment primordial où les strates de souvenirs peuvent venir se déposer. Des détails peuvent laisser entendre que le lieu a été occupé, qu’une histoire s’y est déroulée, mais aucun indice n’est suffisamment précis pour se raccrocher à un véritable fil narratif. 

Dans une démarche relevant de l’archéologie contempo­raine, Paula de Solminihac imbrique temps présent et temps passé. Avec pour principal objet la terre, l’artiste chilienne expéri­mente diverses techniques et observe les cycles de production et la métamorphose des éléments. Ses livres en terre cuite sont une re-présentation d’un objet du passé symbole de culture, toujours présent comme tel dans les sociétés actuelles, un objet qui aurait traversé le temps. 

C’est aussi au livre que s’intéresse Katia Kameli, plus précisément aux sources multiples et croisées qui ont pu nourrir les Fables de La Fontaine. Au cours du temps, chaque déplacement et traduc­tion de manuscrits anciens a enrichi les histoires que traduit l’artiste par des collages. Ce faisant, elle combine les iconographies issues de différentes versions, nées à différentes époques, dont elle souligne l’intertextualité par des interventions de dorure à la feuille. A quel temps avons-nous là affaire?

Karine Hoffman, escape game 6048, 2020. Huile sur toile, 35 x 27 cm
Karine Hoffman, Espace Game 6048, 2019
huile sur toile, 35×27 cm
Katia Kameli, La souris métamorphosée en fille
Katia Kameli, La souris métamorphosée en fille, 2017
impression fine art, dorée à la feuille d’or 22 carats sur papier Awagami, 29,5 x 25,5 cm + cadre
Paula de Solminihac White Book, 2014. White clay paper, 35 x 26 x 16 cm
Paula de Solminihac, White Book, 2014.
Terre cuite, 35x26x16 cm
Vincent Lemaire, Rayonnement Familial, 2019
Vincent Lemaire, Rayonnement familial, 2019
Installation de 30 photographies-photogrammes tirées sur papier Ilford baryté brillant, carton de bois, verre, adhésif tissu 231,5 x 191 cm (chaque photo 45,5 x 31 cm)
Yang Yi, Uprooted #14, le pecheur, C-print, 150x100 cm
Yang Yi, Uprooted #14, 2007.
 Impression jet d’encre, 150×100 cm

Lien vers la visite virtuelle de l’exposition :

Leyla Cárdenas
Née en Colombie, Leyla Cardenas vit et travaille à Bogota. Ses oeuvres questionnent les ruines urbaines et les espaces abandonnés pour révéler les transformations sociales et les mémoires perdues. Elles analysent les différentes couches constitutives des choses et des lieux. Directement liées à la physicalité de l’espace, elles révèlent ces couches d’information propres au lieu étudié. La peau superficielle devient une voie à explorer et à creuser pour faire apparaitre différentes strates du temps. Dans un geste sculptural, l’artiste scrute ainsi des restes d’espaces apparemment vides et révèle les fragments récupérés comme autant de témoins d’un temps passé. 

http://www.galeriedix9.com/fr/artistes/bio/8125/leyla-cardenas

Karine Hoffman
Peintre avant tout, Karine Hoffman nourrit ses toiles de traces de mémoire fantôme. A travers son histoire personnelle, l’artiste française propose une peinture de l’oubli, une peinture qui évoque la possibilité d’une reconstruction personnelle et collective. La peinture de cette artiste française ne décrit pas un événement circonscrit, facilement discer­nable, mais au contraire, elle met en scène une multitude de micro évènements ouverts et non achevés, dont la collision renvoie au mécanisme du rêve. Ce que l’artiste dépose sur la toile relève d’une tentative de « sauvetage » et d’un projet de préservation d’un monde toujours en péril. 

http://www.galeriedix9.com/fr/artistes/bio/10166/karine-hoffman

Katia Kameli
La pratique de Katia Kameli, artiste et réalisatrice franco-algérienne, repose sur une démarche de recherche : le fait historique et culturel alimente les formes plurielles de son imaginaire plastique et poétique. Dans sa démarche de «traductrice» où sont mises en question les notions d’original et de copie, elle réécrit des récits et met en lumière une histoire globale, faite de frontières poreuses et d’influences réciproques afin d’ouvrir une voie réflexive et génératrice d’un regard critique sur le monde. 

https://katiakameli.com/expositions/

Vincent Lemaire
Artiste français, Vincent Lemaire est diplômé des Beaux-Arts de Paris. Fasciné par l’univers spatial et le temps géologique, il expérimente sans cesse avec le medium photographie, créant des dispositifs où il opère des croisements entre diverses techniques et sources d’image: photogramme, négatifs, internet…il aime accumu­ler, indexer les qualités des espaces pour créer des calendriers obscurs. 

https://www.20100lemaire.com/assets/vincentlemaire_fr.pdf

Paula de Solminihac
Née au Chili, Paula de Solminihac vit et travaille à Santiago. Depuis plus de dix ans, sa recherche artistique se concentre sur la terre et les procédés utilisant ce matériau, tant du point de vue historique et anthropologique que formel. Fixant son attention sur les processus de création, et en privilégiant la production artistique sur site, l’artiste s’attache à la valeur germinative du faire et la conscience de l´être-par-le-faire, propre de la vision du monde suprématiste de Malevich. 

http://www.galeriedix9.com/fr/artistes/bio/8207/paula-de-solminihac

Yang Yi
Yang Yi est né dans la région des Trois Gorges dans le centre de la Chine où sa famille vivait depuis plusieurs générations. Graphiste de formation, il a étudié la photographie à l’université de Pékin. Face à la mort annoncée de sa ville natale après l’ouverture d’un gigantesque barrage en 2009, il a consacré plusieurs années de sa vie à produire un travail de mémoire à la fin d’un monde .