[FOCUS] Mireille Blanc, Tableau

[FOCUS] Mireille Blanc, Tableau

Lauréate du Prix international de peinture Novembre à Vitry 2016, Mireille Blanc pratique une peinture dense et prend « vraiment plaisir à travailler la matière de manière très épaisse ». Elle a, comme l’a souligné Marc Molk dans un texte(1) sur Céramique (2013), « une sorte de Forêt-Noire indigeste », un rapport au « côté gourmand, jouissif de la peinture ».
De ce blanc chantilly ceinturé d’une pâte brune, l’œuvre Tableau (2015) n’échappe pas à cette comestibilité. Mais ce « tableau » révèle aussi un autre aspect de la peinture de l’artiste, une référence à l’objet trouvé qui, par sa désuétude, interroge les limites de la nature morte.

Comment a débuté ta carrière de peintre ?
J’ai commencé la peinture en 3ème année aux Beaux-Arts de Nancy. Aucun atelier n’y était vraiment dédié, j’ai fait le choix de changer d’école et ai intégré en 2005 les Beaux-Arts de Paris. La peinture y était plus valorisée et, à ce moment-là, un tiers des ateliers étaient « dirigés » par des peintres. Il était alors pour moi possible de me poser des questions de peintre sans avoir à me justifier sur le choix du médium.

Quels sont tes sujets de prédilections en peinture ?
Les sujets s’imposent de manière intuitive, il n’y a aucune forme de préméditation. La plupart du temps, je travaille à partir d’objets ou photographies trouvés dont je tire des fragments jusqu’à les épuiser. Il y a l’idée de vestige dans ces éléments qui composent une sorte d’inventaire.

Qu’est-ce qui t’a attiré dans l’objet à l’origine de l’œuvre Tableau ?
Son caractère improbable ! Je suis sensible à cette rencontre avec un objet étrange et en l’occurrence ici destiné au rebut.

Comment as-tu composé la toile ?
Je cadre plutôt que je ne compose, même pour les plus grands formats. En focalisant sur certains détails, je rends compte d’un certain doute du visible, et il y a là une tension que je recherche.

On ressent une idée de profondeur dans tes tableaux, est-ce dû à ce geste d’en extraire des éléments ?
Ce qui m’intéresse dans le matériau photographique « source », comme les photos de famille, ce sont ces espèces d’abandons dans les arrière-champs. Souvent je vais y chercher un objet, un détail, qui n’était pas là pour être montré. Il est question pour moi de révélation. Dans certaines toiles, dont fait partie Tableau, j’ai travaillé d’après des surfaces planes évacuant, en un sens, toute profondeur…

D’une manière un peu étonnante, tu as titré cette toile « Tableau »…
Au début, je donnais à mes peintures des titres génériques, essayant « d’englober » le sens de mon travail. J.M. Alberola avait eu la bonne idée de me dire d’oublier tout ce vocabulaire, d’être plus directe, concise. Je ne veux pas que le titre en dise trop, ou soit narratif, mais qu’il garde ce caractère indiciel qui caractérise aussi ma peinture.

Comment caractériserais-tu ta « touche » en tant que peintre ?
La dimension haptique m’intéresse – quelque chose de l’ordre du toucher. J’aime cette densité, cette matière huileuse épaisse. J’applique directement sur la toile la peinture sortant du tube, n’ajoutant que très peu de térébenthine.

Si mes œuvres devaient appartenir à un genre, il s’agirait de la nature morte dans laquelle l’objet est en proie à sa propre finitude.

 

(1) Mark Molk, Plein la vue. La peinture regardée autrement, 2014. http://www.marcmolk.fr/fr/portfolio/plein-la-vue-la-peinture-regardee-autrement-marc-molk-editions-wildproject-2014/

 

Pour en savoir plus sur le prix :
[PRIX] Prix international de peinture « Novembre à Vitry »

Pour en savoir plus sur l’artiste :
Mireille Blanc

Visuel de présentation : Mireille Blanc Tableau, 2015. Huile sur toile 120 x 85 cm. Courtesy artiste.

 

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