[FOCUS] Nicolas Muller

[FOCUS] Nicolas Muller

Inspiré des paysages de son enfance, l’enceinte d’un centre pénitencier aux côtés duquel il a grandi, Nicolas Muller en reconstruit sur le papier l’arrête des murs, la végétation qui semble vouloir s’en évader. Son travail est naturellement marqué par le motif de la délimitation et par celui de tous ces espaces secrets qui échappent au regard.

 » Avant de les comprimer sur le papier, je suis intervenu sur les mauvaises herbes qui poussaient aux abords de l’atelier en les trempant dans une encre habituellement utilisée pour l’impression sur les emballages en aluminium. Un procédé qui participe à ce dialogue entre deux formes très opposées : un élément végétal, organique, un peu explosif, imprévisible qui va se retrouver contrecarré par une architecture qui ici qui prend la forme d’un tuteur et qui rappelle l’usine. Le côté mécanique m’intéresse toujours mais il m’intéresse encore plus à partir du moment où il y a un petit grain de sable dans la mécanique. »

 

Veille, 2016. Encre industrielle et graphite sur papier, 30 x 20 cm © Nicolas Muller
Veille, 2016. Encre industrielle et graphite sur papier, 30 x 20 cm © Nicolas Muller

 

Les dessins de Nicolas Muller mêlent éléments dessinés et éléments peints. Ils conjuguent des tracés rectilignes, d’architectures, des lignes dures et des zones moins délimitées, qui semblent bien que contenues vouloir s’étendre, gagner de l’espace au-delà des lignes.

 » Dans mes dessins, on a souvent tendance à penser que le trait est en dessous. C’est-à-dire que l’élément peint à l’encre vient par superposition mais en fait ce n’est pas un jeu de plans mais un travail de juxtaposition. Les traits s’arrêtent net au moment où ils rencontrent la peinture. C’est plutôt un encadrement. Les traits viennent encadrer la forme pour la mettre en évidence, pour la dévoiler un peu plus; Quand ils ne sont pas là, les contours de la forme ne sont pas définis. « 

 

Mauvaises herbes, 2016. Encre industrielle sur papier, 70 x 50 cm © Nicolas Muller
Mauvaises herbes, 2016. Encre industrielle sur papier, 70 x 50 cm © Nicolas Muller

 

Les notions de périmètre et d’univers contraint sont également présentes dans les Tourelles, une série de sept bras en acier inoxydable dont la mise en action forme un dessin qui est le résultat d’un seul mouvement, celui du pinceau maintenu sur une tige et tournant autour d’un axe mobile.

 » Le diamètre du cercle est toujours le même car les bras en aciers fonctionnent comme un compas. Je mets le pinceau dans la vis de serrage et à chaque fois je fais juste un tour. Ce qui m’intéresse dans cette logique sérielle c’est que le cercle prend les aspérités du mur, il y a des irrégularités qui contrastent avec l’outil que j’ai dessiné qui lui vient marquer la mesure d’une manière assez impitoyable. « 

 

Tourelles, 2013. 7 bras en acier inoxydable et acrylique sur mur, dimensions variables © Sylvain Bonniol
Tourelles, 2013. 7 bras en acier inoxydable et acrylique sur mur, dimensions variables © Sylvain Bonniol

 

On retrouve dans les représentations de l’artiste les motifs du passeur, du jardin défendu. Il y a dans son travail une dimension initiatique, une volonté de revenir à une véritable proximité avec les motifs originels qui passe par une expérimentation chimique,  ici l’encre industrielle, liant les temporalités, l’autorisé et l’interdit à travers par exemple l’usage du trichloéthylène pour la série de transferts sur papier et béton White Cedar. Un procédé qui ramène, par un système de connexions complexes et de processus répété, tout sur un même plan.

 » L’univers carcéral a éduqué mon regard. J’habitais tout près d’un centre de détention et c’était des paysages que je voyais tous les jours en sortant de chez moi : un grand mur qui délimitait un fond de jardin et puis des éléments végétaux que l’on voyait par dessus qui suggéraient éventuellement l’envers du décor, ce qu’il y avait de l’autre côté. Je conçois aussi la série White Cedar comme des petites maquettes. Un élément fort, robuste, situé au premier plan qui laisse s’échapper un petit peu l’arrière plan. « 

 

White Cedar, 2016. Transfert sur papier et béton, 7,8 x 4,7 cm © Nicolas Muller
White Cedar, 2016. Transfert sur papier et béton, 7,8 x 4,7 cm © Nicolas Muller

 

Propos recueillis le 27 août 2016 sur le stand de la galerie Maubert à PARÉIDOLIE, Salon International du dessin contemporain Château de Servières 19 boulevard Boisson 13004 Marseille.

Pour en savoir plus sur l’artiste :
Nicolas Muller

Pour en savoir plus sur l’événement :
PARÉIDOLIE