RÉSEAU – PAC – PROVENCE ART CONTEMPORAIN

RÉSEAU – PAC – PROVENCE ART CONTEMPORAIN

Jean-Baptiste Janisset, Sourire aux anges du frioul PAC 2020, Îles du Frioul, Marseille. Courtesy et photo artiste

FOCUS / Réseau PAC (Provence Art Contemporain, anciennement Marseille expos)
Publié dans la revue Point contemporain #20 juin-juillet-août 2021

Le réseau PAC (Provence Art Contemporain, anciennement Marseille expos) poursuit depuis sa création en 2007 une politique ambitieuse pour le développement de l’art contemporain sur un territoire qui s’est étendu de Marseille, à Aix, en passant par Port-de-Bouc, à toute la Provence. Situé dans ses nouveaux locaux, à proximité du centre muséal de La Vieille Charité sur les hauteurs du quartier du Panier, le PAC impulse une dynamique toujours plus active auprès des acteurs locaux, se faisant un relais efficace auprès des politiques, des instances départementales et régionales, mais aussi des structures nationales qui apportent leur soutien à la vie artistique comme le CNAP ou l’ADAGP. Un travail qui a montré son efficacité par le fait qu’en quelques années, la Région Provence-Côte d’Azur est devenue une destination appréciée des professionnels du secteur de l’art, des amateurs, mais aussi des artistes qui n’hésitent pas à y installer leur atelier. Un nouveau facteur d’attractivité qui participe à tourner la Région, déjà imprégnée d’une histoire écrite par René Char, Pagnol, Cézanne, Picasso et tant d’autres, vers une réalité qui se vit au présent par les réflexions que portent les artistes sur les questions politiques, sociétales et écologiques mais aussi à se projeter dans le futur. Pour revendiquer cette position d’être à la pointe en matière d’art contemporain, le PAC, redéfinissant son nom comme ses actions, n’a eu de cesse de se réinventer, de favoriser tous les secteurs de la création, d’étoffer ses propositions, d’allier les structures, de privilégier une politique d’ouverture à l’échelle européenne et, au fil des années, d’amener une expertise pour développer un écosystème cohérent et professionnel. Un réseau qui met en évidence la vitalité et la qualité de la création dans la Région PACA à travers une identité forte, spécifique, et autour de propositions originales qui font que l’art contemporain se vit là avec d’autres qualités.

La liberté de créer

Un des principaux gages de qualité de toute forme d’art est la liberté de créer. Dans la Région PACA, elle est due au fait qu’historiquement comme encore aujourd’hui, les initiatives culturelles sont portées par un tissu associatif très dense. Elles fleurissent tout autant dans les quartiers Nord de Marseille que sur le littoral industriel ou dans la campagne aixoise. En invitant des artistes en résidence, les projets culturels qui ont parfois très peu de moyens, sont toujours qualitatifs. Un des moments forts de l’édition 2020 du festival PAC a été conçu par Mégane Brauer, une jeune artiste diplômée en 2018, invitée par Claire Astier à investir une ancienne église désacralisée, située dans les hauteurs des quartiers Nord, transformée en centre d’accueil pour des retraités SDF. Dans les quartiers marseillais, les questions sociales et artistiques sont extrêmement liées. La Cité des Arts de la Rue qui accueille un projet de Vincent Ganivet, La Compagnie – Belsunce et bien d’autres encore sont des structures associatives ayant une double dimension, sociale et artistique. Des exemples qui, sans être non plus la majorité, expriment une dynamique créatrice éloignée du formatage imposé par les courants esthétiques à la mode. Les artistes, dont la moyenne d’âge est assez jeune, sont dans la recherche et moins soumis aux logiques du marché qui tendent à niveler la production. D’autant plus qu’ils sont dans un dialogue constant et une interaction avec les populations. Celles-ci sont valorisées par le travail des artistes et, à leur tour, elles les valorisent par leur disponibilité, leur envie d’apprendre et leur soif de découverte. Une liberté de production qui doit être encore encouragée par la mise à disposition d’un cadre adapté, et par un soutien conjoint de la ville, du département et de la Région qui pourront ainsi profiter des atouts apportés par les artistes sur le territoire, car gravitent autour de chacun d’eux, des commissaires, des collectionneurs, des amateurs. Leur activité mobilise aussi des professionnels, des universitaires, des chercheurs, des fondations, des fonds de dotation. En effet, la mise à disposition d’ateliers, la conception d’un environnement propice à la création, une politique de subventions en amont sont des éléments nécessaires pour amorcer une économie qui pourra tendre à l’équilibre et à s’auto-alimenter.

Être au cœur de la production artistique

En développant son réseau de résidences, en multipliant les espaces de production, tous les acteurs du PAC participent à ouvrir la Région à la création nationale et internationale, notamment Triangle France – Astérides qui accueille des artistes d’horizons différents, mais aussi Dos Mares qui entretient un jumelage avec des project-run spaces d’Amérique du Sud. Les appels à résidence, souvent sur des temporalités assez longues, favorisent ce brassage des arts, et donnent un côté cosmopolite à la création dans la Région PACA et à Marseille qui est une ville portuaire naturellement portée à l’ouverture. Marseille est aussi une ville industrielle avec des infrastructures pouvant accueillir des artistes pour leur production. Ils s’y sentent à l’aise et souvent y demeurent après leur résidence. Le réseau de résidences Voyons Voir, l’Atelier Ni qui offre des compétences sur le travail du métal, Sud Side qui est sur l’ingénierie, l’atelier d’édition de multiples Tchikebe, accueillent tout au long de l’année des artistes qui ont l’occasion de s’exprimer pleinement quelle que soit leur discipline. Ils participent à identifier les lieux comme des laboratoires qui décryptent avec acuité l’identité d’un territoire. Les lieux de création sont aussi nombreux que les espaces d’exposition dans la Région. Les artistes sont attirés par cette possibilité de développer leur pratique selon de nouvelles perspectives, comme la Savoyarde Charlotte Gautier Van Tour qui travaille à partir d’algues (spiruline) ou Jean-Baptiste Janisset qui vient de Nantes et qui a présenté cette année une installation sur les îles du Frioul. Les artistes, porteurs ou non de projet, savent qu’ils pourront concrétiser leur envie car il est aisé de faire de très bonnes connexions dans la Région. Ceux qui viennent d’ailleurs apportent aussi leur dynamique, certains repartent, d’autres reviennent… La notion d’échange est permanente. Les jeunes talents sont aussi encouragés par la présence d’artistes expérimentés qui résident et travaillent dans la région comme Nicolas Daubanes qui présente ses œuvres au Palais de Tokyo, Gilles Pourtier et Anne-Valérie Gasc qui ont exposé à l’URDLA à Villeurbanne. Ils ont également l’opportunité d’exposer aux côtés d’artistes internationaux invités par le Frac PACA, les musées de la Ville de Marseille, la Friche la Belle de Mai, … pour des projets d’envergure qui n’ont rien à envier aux expositions parisiennes.

Mégane Brauer, Déjà Vierge. vue d’installation Église de Tour Sainte, Marseille, 2020. Photo Clara Sfadj
Mégane Brauer, Déjà Vierge. vue d’installation Église de Tour Sainte, Marseille, 2020. Photo Clara Sfadj

Des œuvres qui ont une âme

Implantés sur le territoire, les lieux d’art ont la particularité d’avoir une forte identité. Le 3bisf est situé dans un pavillon du Centre Hospitalier psychiatrique Montperrin à Aix-en-Provence, le centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques (Cirva), la Compagnie, Vidéochroniques, La Friche La Belle de Mai, sont tous des sites exceptionnels qui offrent un cadre très apprécié aux visiteurs et participent à donner une intensité aux œuvres par une dimension toujours prospective. Nul besoin d’entrer dans des cases ou d’exposer dans des caves ! Les artistes n’hésitent pas à investir les sites patrimoniaux comme Mark Dion qui installe un cabinet de curiosités au Palais Longchamp en 2017, Olivier Mosset au MaMo en 2018 ou Sophie Calle dans les musées de Marseille en 2019. Des installations et expositions fleurissent aussi hors les murs avec une vue imprenable sur la ville ou sur la mer comme La Cabane Georgina ou l’exposition du Collective dans les bunkers de l’Escalette en 2019. La mer, autre facteur de diversité des propositions est toujours très présente, les artistes aimant occuper certains espaces du littoral comme l’anse du Pharo ou les calanques. Ainsi une une régate de huit voiliers avec des voiles peintes par seize artistes dont Ann-Veronica Janssen a été organisée par Art-o-rama. La traversée de la rade de Marseille pouvait se faire sur un pointu, un bateau marseillais typique équipé pour l’occasion d’une chaudière à charbon dans un esprit steampunk mais qui était en réalité équipé de panneaux solaires par le studio Forlane 6 studio sur l’invitation de Voyons Voir et du Centre d’art Fernand Léger. Le chantier naval Borg a accueilli cette année Olivier Millagou, après Félix Pinquier en 2019. La question territoriale est dans l’ADN du réseau PAC par le fait qu’il s’engage auprès de chaque lieu où peut émerger un désir de mener un projet artistique. Le travail des artistes s’inscrit dans une réalité qui est celle d’une région qui véhicule un imaginaire tout en restituant aussi une réalité sociale par endroits très difficile. À la différence de Paris où s’est développée une logique d’archipels concentrés, avec des regroupements de dix à vingt galeries sur deux, trois rues qui investissent n’importe quel ancien commerce comme à Belleville, dans le Marais ou à Saint-Germain, dans la région PACA le territoire est bien plus étendu et les espaces démultipliés. Marseille est la deuxième ville la plus vaste de France après Arles qui couvre la Camargue et les salins. Les espaces d’art dépassent pour la plupart les 150 m2 avec de belles hauteurs sous plafond, ce qui permet aux artistes de s’exprimer plus largement et de proposer des installations bien plus grandes. De beaux volumes dont les artistes et même les étudiants en art s’emparent en proposant des formats exceptionnels comme Mahatsanga Le Dantec lors de l’édition 2016 d’Art-o-rama ou encore Nina Tomàs en 2017.

L’accueil, une priorité

Accueillir, c’est innover, proposer toute l’année des événements, des expositions et donner corps aux festivals en lançant des invitations à des artistes émergents locaux comme à des artistes internationaux de renom. C’est recevoir des personnalités de l’art comme Philippe Piguet invité pour l’édition 2019 de PARÉIDOLIE. C’est aussi faire découvrir des sites d’exception à travers une multiplicité de propositions qui touchent tous les médiums (photographie, installations, performances, peinture…). Le Printemps de l’art contemporain, Art-o-rama, la Saison du dessin proposent des parcours qui amènent les visiteurs dans des musées, galeries, artist-run spaces. Un visiteur qui sort de son TGV ou de son avion, pourra dès la prochaine édition se rendre à l’espace d’accueil du PAC, office du tourisme pour l’art contemporain et agora, où il sera renseigné sur tout ce qui se passe dans la Région en matière d’art contemporain. Un accueil qui est aussi digital avec un site internet entièrement redesigné en 2020, doté d’un nouveau graphisme, une présence sur les réseaux accrue pour donner envie de se déplacer et d’aller voir les œuvres in situ. Renouveler la charte graphique et l’identité visuelle, revoir la politique de communication, mettre en place des outils performants tout en étant graphique, facilite, nous confient Jean-Christophe Arcos responsable de la coordination et Clara Sfadj, responsable de la communication du réseau, la cohésion entre les propositions en terme de calendrier, de partager les budgets mais aussi de mettre en place une charte d’accueil pour les visiteurs. Pour assurer un confort de visite, des fascicules sont édités toute l’année avec une grille de programmation offrant en un coup d’œil les informations sur le lieu, le ou les artistes exposés, les dates des expositions et des vernissages, ainsi que sur les événements organisés.

Le professionnalisme, une méthodologie

Si les propositions artistiques ne cessent de gagner en qualité, sans doute est-ce aussi parce que le réseau PAC a voulu sortir d’un rôle de communicant et de programmateur pour offrir un champ d’expertise aux structures et aux artistes avec pour objectif une professionnalisation de tous les acteurs. S’inscrivant sous l’impulsion de la DRAC dans le SODAVI (Schéma d’Orientation pour le Développement des Arts Visuels) seulement quatre ans après sa création, il devient alors similaire à une instance de représentation avec pour mission d’être à l’écoute et représentatif d’un ensemble d’acteurs : artistes, médiateurs, directeurs de lieux d’art, etc. afin de mutualiser les réflexions pour améliorer le secteur des arts. Un chantier ambitieux qui passe par un partage, un appel à des entités compétentes dans des domaines comme le droit d’auteur avec l’ADAGP, la recherche de fonds, de partenaires, de répondre à des appels à candidatures. Aider les artistes sur des sujets comme les droits fiscaux et sociaux, les questions juridiques, les dépôts de dossiers de candidature, permet de garder du temps pour la création et d’offrir de meilleures conditions à l’artiste pour réaliser ses projets et offrir aux visiteurs des propositions abouties, cohérentes, développées dans leur entièreté.

De nouveaux chantiers à entreprendre

Toujours plus nombreux chaque année, les professionnels viennent jauger de cette énergie qui irradie Marseille et la Région PACA sur les temps forts du festival du Printemps de l’art contemporain. Au fil des éditions, artistes et commissaires viennent glaner des opportunités car tous ont bien compris que les choses pouvaient s’y faire autrement et que l’ampleur du territoire, la diversité des espaces d’exposition, multipliaient leur chance. Le confinement ayant entravé ce développement, le réseau a adapté ses missions pour apporter un soutien administratif aux artistes pour les demandes d’aides financières. En œuvrant ensemble, les membres dirigeants de l’École des Beaux-Arts, et les membres du PAC, ont réussi à doubler le montant d’acquisition d’œuvres dans les collections publiques. De son côté, une partie du financement de l’édition 2020 du PAC a été reversée aux artistes et aux structures de la Région sous forme de commandes. Le futur de l’art contemporain dépend désormais de la mise en œuvre de chantiers pour développer et ancrer ces potentialités et faire entrer la ville dans le circuit européen de l’art. Capitale européenne de la culture en 2013 et hôte de la biennale internationale Manifesta cette année, les efforts portés par les membres du réseau PAC montre que les défis peuvent être relevés par les acteurs locaux et que, au-delà des événements ponctuels, ils savent poursuivre tout au long de l’année le développement d’une identité forte autour de l’art contemporain pour l’ancrer dans les esprits et l’identifier comme un sérieux atout de la Région PACA.

Article réalisé à partir des propos échangés avec Jean-Christophe Arcos en septembre 2020

pacfestival-marseille-2021

Conception graphique de l’identité visuelle, du site internet et des supports de communication imprimés Léna Araguas et Alaric Garnier

Rendez-vous du 13 mai au 13 juin 2021
pour la 13e édition du PAC – Printemps de l’art contemporain
d’Arles à La Ciotat, de Marseille à Istres, d’Aix-en-Provence à Port de Bouc, de Rognes à Aubagne.
https://p-a-c.fr/le-festival

PAC – Provence Art Contemporain 20 rue Saint-Antoine, 13002 Marseille

Membres du réseau PAC (Provence Art Contemporain) 1Cube, 3 bis f | Centre d’art, Altiplano, American Gallery, art-cade – galerie des grands bains douches de la Plaine, Artothèque Antonin Artaud, Artothèque Intercommunale – Territoire Istres Ouest Provence, Arts éphémères, Atelier-galerie Zemma, Atelier Ni, Ateliers Jeanne Barret, Atelier Vis-à-Vis, Atlantis Lumière, Catherine Bastide Projects, Centre d’art contemporain les Pénitents Noirs, Centre d’art contemporain intercommunal Istres, Centre d’Arts Plastiques Fernand Léger, Centre Photographique Marseille, Château de Servières, CIRVA, Crèvecœur, Digitale Zone Documents d’artistes PACA, Dos Mares, Double V Gallery, Espace d’exposition GT Fotokino, Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur, Friche la Belle de Mai, Fræme, Galerie-librairie Zoème, Galerie Béa-Ba, Galerie de la Scep, Galerie HO, Galerie Parallax, Galerie Polysémie, Galerie Territoires Partagés, Lab Gamerz, La Compagnie lieu de création, La ville blanche, Le Cabinet d’Ulysse, Les Beaux-Arts de Marseille, Les Pas Perdus, MAC Arteum – musée d’Art Contemporain, Mucem, Musées d’Aix-en-Provence, Musées de Marseille, PAC Planète Émergences, Rond-Point Projects, Salon du Salon, Seconde Nature, SISSI club, Southway Studio, Spring – agence d’art contemporain, Tank art space, Tchikebe, Triangle France – Astérides, Urban Gallery, Vidéochroniques voyons voir | art contemporain et territoire, [mac] musée d’art contemporain

Le réseau PAC bénéficie du soutien financier du Ministère de la Culture/DRAC PACA