Fried Patterns, Brussels Gallery Weekend

Fried Patterns, Brussels Gallery Weekend

Anastasia Bay, George Rippon
Vue de l’exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019
commissariat de Tenzing Barshee
dans le cadre du Brussels Gallery Weekend
Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)

EN DIRECT / Exposition Fried Patterns, présentant sous le commissariat de Tenzing Barshee plus de 60 contributions de 19 artistes au Vanderborght Building Pendant le Brussels Gallery Weekend.

A l’occasion du Brussels Gallery Weekend, le commissaire d’exposition invité Tenzing Barshee assisté de Laure Bensoussan et Sungyoon Ahn, a rassemblé une soixantaine d’œuvres d’art issues des ateliers de 19 artistes encore non représentés par des galeries et qui, pour la plupart, résident à Bruxelles. La diversité des origines des artistes, Anglais, Français, Israéliens, Brésiliens, Italiens, Colombiens… confirme que Bruxelles est devenue au cœur de l’Europe un pôle majeur de la création artistique contemporaine. Le commissaire a préféré, plutôt que de définir en amont un propos curatorial, opter pour des traversées, celles des cultures des médiums et des formes et ainsi traduire un moment et une dynamique plutôt qu’un aspect de la création au travers d’une thématique. Au sein du Vanderbrorght Building dont l’architecture s’organise autour d’un grand puits central, les espaces s’ouvrent les uns sur les autres et favorisent les perspectives entre les œuvres des artistes en permettant une infinité de points de vue. 

A travers « un chemin inverse » de celui de fixer les choses, le commissaire n’a cessé d’ouvrir les possibles, celui du choix des artistes, des œuvres, avec ce souci tout en privilégiant des personnalités fortes, et une forme de « précision » dans les propositions, de réunir des œuvres pour des raisons toujours très différentes, tant en regard de la pratique artistique, que de leur place dans l’histoire des arts. C’est bien une somme de subjectivités qui s’associent dans l’exposition pour créer dans ce « chaos », une unité et même faire surgir dans la diversité une forme d’harmonie. Une proposition d’une grande justesse évoquant un monde lui-même chaotique, dont il est malaisé de discerner les enjeux, mais d’où pourtant émergent de multiples voix d’une extrême pertinence. Une notion de précision qui a présidé au choix des œuvres de la part du commissaire dont les visites d’atelier, nous dit celui-ci, se sont étalées sur près d’un an.

L’exposition peut ainsi être appréhendée à travers une pluralité de niveaux de lecture et de fils conducteurs avec la possibilité pour le visiteur d’aller à la rencontre du travail des artistes. L’oeuvre contemporaine témoigne de cette expérience de soi, cette part de vécu, ce partage de la réflexion, d’expériences, de fragments de la vie personnelle. Elle se construit en dialogue avec l’autre, avec fragilité, dans une approche sensible et une forme d’invitation au regard. Chaque oeuvre est ainsi l’épicentre d’une émotion, parfois très directe, très crue, ou donnant le sentiment d’une confusion et d’un abandon comme avec l’oeuvre Les fleurs du mal (2015-2016) de Bat Sheva Ross ou qui s’élabore dans la fragilité et une touchante proximité avec la vidéo Contiguity (2019) de Lien Hüwels montrant l’intimité d’une mère avec son bébé. 

La sensibilité du commissaire se reconnaît dans ce souci d’approcher au plus près l’artiste quand celui-ci témoigne d’une expérience, rend effective une émotion quel que soit le médium. Tenzing Barshee, à travers Fried Patterns provoque avec subtilité la mise en correspondance de récits personnels, de sentiments, de moments intimes qui se trouvent révélés au regard de l’autre. L’oeuvre In (2014) de Hadrien Bruaux laisse ainsi apparaître une silhouette, une forme d’empreinte qui se perd dans le souvenir. Plusieurs propositions d’artistes renvoient à l’espace de vie comme Bed for Harmonie (2016) de George Rippon, un lit à l’échelle 1: 1 dont la structure elle aussi en tissu laisse supposer un enfoncement maximal dans la douceur des couvertures. Une idée de corps pris dans la forme du tissu que l’on retrouve dans l’oeuvre Smize (2019) créée in situ de Zinaida Tchelidze en forme de chrysalide. Le tissu couvre, enveloppe, protège, permet ce jeu du montré et du caché, du jeu amoureux, du privé que l’on retrouve dans la photographie Blue cloak (2019) de Lien Hüwels.

L’exposition Fried Patterns engage une réflexion sur l’identité, de soi et des autres, qui selon le feeling du visiteur le rapproche ou l’éloigne de ces « personnalités artistiques ». Par le fait que Tenzing Barshee a privilégié des accrochages d’ensemble d’oeuvres proposant autour d’un processus de création des variations, permettant ainsi tout en ayant une vision globale sur la série d’en voir les déclinaisons, donne aux visiteurs se sentiment réel de découvrir plus avant le travail des artistes. Le titre de l’exposition Fried Patterns directement inspiré de l’oeuvre Images frites (2019) de Charlotte Flamand composée de photographies ébouillantées dans un bain d’huile, évoquent la répétition de motifs et avertissent le visiteur que la forme de l’exposition sera soumise à sa propre humeur et à sa propre vision. Le commissaire nous rappelle que « Pattern est un mot qui n’existe pas vraiment en français. Il exprime un motif qui se répète et que l’on peut retrouver dans l’architecture, dans les actions et aussi dans les propositions. »

L’exposition s’ouvre ainsi sur une série de peintures d’Anastasia Bay, qui incite à la déambulation et renvoie à la situation même des visiteurs qui entament leur parcours avec un jeu sur les manières de l’effectuer et sur leur tenue de « marcheurs » comme le suggèrent les titres des oeuvres : Pharaoh (2019), Walkers (2019), Leggings (2019) et Floppy Legs (2019). 

L’accrochage profitant des murs, des angles, des sols comme des hauteurs sous plafond, laisse une liberté de points de vue, s’ouvrent à toutes les dérives et aux surprises avec pour fil conducteur les œuvres « animalières » de George Rippon qui accompagnent le visiteur d’espace en espace. L’animal est ici l’être qui permet d’échapper à toute forme de rigidité. Il renvoie au domestique, à l’affect et au-delà à notre propre animalité. De la construction enfantine Maison pour les lapins (2019) à la photographie d’un chien toiletté Le feu sous la cendre (2018) de Hadrien Bruaux, aux peintures aux accents naïfs de Laurant Dupont, les visiteurs font des incursions dans l’intimité de la maison, dans la maison de la maison, la forêt, au plus près du secret des vies invisibles, jusqu’aux profondeurs des visions inconscientes. Des incursions dans l’intimité qui se poursuivent dans la mémoire, la trace laissée par nos animaux dont on reconnaît la présence sur les alèses de George Rippon (Untitled, 2017) où les traces liquides aquarellées dessinent des portraits d’animaux familiers.

L’intimité évoquée est aussi celle de l’atelier et des préoccupations de l’artiste quand celui-ci tisse un réseau argumentatif ou construit avec dextérité une œuvre d’une extrême technicité. Elle est aussi ce lien très fort entre l’artiste et son matériau. Un matériau qu’il connaît et qu’il sculpte avec virtuosité. On retient de la structure en plexiglas Mabel Longhetti (2019) de Batsheva Ross, non pas une prouesse technique mais son équilibre fragile et une intense émotion. Elle rend presque tactile la difficulté de créer. Une tension qui tout à coup se relâche dans les vidéos Workation (2019) de Sofia Caesar. Le commissaire a voulu rendre compte d’une construction, nous faire accéder à une émotion à la fois personnelle et commune. En présentant les variations d’une série, il multiplie les chances de satisfaire la sensibilité de chacun. Les œuvres The Liquid song of the birds (2019) de Charlotte Vander Borght en forme d’assises résinées sont à la fois uniques et rappellent pourtant communément les sièges des salles d’attente. Une proposition qui exprime métaphoriquement cette volonté du commissaire de répondre à l’unicité de chacun pris dans une histoire collective, mais aussi à ce dépassement permanent des catégorisations par le fait que ces œuvres peuvent être perçues comme des sculptures ou des peintures. Des oeuvres dont on sent qu’elles sont taillées par l’artiste tout autant pour le corps que pour l’imaginaire.

Daniel Guionnet

Laurent Dupont Vue de l'exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019 commissariat de Tenzing Barshee  dans le cadre du Brussels Gallery Weekend Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
Laurent Dupont
Vue de l’exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019
commissariat de Tenzing Barshee
dans le cadre du Brussels Gallery Weekend
Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
Hadrien Bruaux, David Tobón Vue de l'exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019 commissariat de Tenzing Barshee  dans le cadre du Brussels Gallery Weekend Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
Hadrien Bruaux, David Tobón
Vue de l’exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019
commissariat de Tenzing Barshee
dans le cadre du Brussels Gallery Weekend
Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
Lien Hüwels Vue de l'exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019 commissariat de Tenzing Barshee  dans le cadre du Brussels Gallery Weekend Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
Lien Hüwels
Vue de l’exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019
commissariat de Tenzing Barshee
dans le cadre du Brussels Gallery Weekend
Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
George Rippon Vue de l'exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019 commissariat de Tenzing Barshee  dans le cadre du Brussels Gallery Weekend Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
George Rippon
Vue de l’exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019
commissariat de Tenzing Barshee
dans le cadre du Brussels Gallery Weekend
Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
Charlotte Flamand Vue de l'exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019 commissariat de Tenzing Barshee  dans le cadre du Brussels Gallery Weekend Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
Charlotte Flamand
Vue de l’exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019
commissariat de Tenzing Barshee
dans le cadre du Brussels Gallery Weekend
Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
Bat Sheva Ross, Sarah Smolders Vue de l'exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019 commissariat de Tenzing Barshee dans le cadre du Brussels Gallery Weekend Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
Bat Sheva Ross, Sarah Smolders
Vue de l’exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019
commissariat de Tenzing Barshee
dans le cadre du Brussels Gallery Weekend
Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
Zinaïda Tchelidze, Charlotte vander Borght Vue de l'exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019 commissariat de Tenzing Barshee  dans le cadre du Brussels Gallery Weekend Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
Zinaïda Tchelidze, Charlotte vander Borght
Vue de l’exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019
commissariat de Tenzing Barshee
dans le cadre du Brussels Gallery Weekend
Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
Charlotte vander Borght Vue de l'exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019 commissariat de Tenzing Barshee  dans le cadre du Brussels Gallery Weekend Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
Charlotte vander Borght
Vue de l’exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019
commissariat de Tenzing Barshee
dans le cadre du Brussels Gallery Weekend
Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
Sarah Smolders, Sofia Caesar Vue de l'exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019 commissariat de Tenzing Barshee  dans le cadre du Brussels Gallery Weekend Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)
Sarah Smolders, Sofia Caesar
Vue de l’exposition Fried Patterns du 05 au 08 septembre 2019
commissariat de Tenzing Barshee
dans le cadre du Brussels Gallery Weekend
Photo ©StokkStudio (@AndriSoren)