LA FIGURATION DÉFIGURÉE. AUTOUR DE BERNARD GAUBE

LA FIGURATION DÉFIGURÉE. AUTOUR DE BERNARD GAUBE

Bernard Gaube, 2019-2021, Face aux grelots, 46x37cm, huile sur toile

EN DIRECT / Exposition « La figuration défigurée » qui réunit autour du travail de Bernard Gaube celui de Guillemette Coutellier et Yasemin Senel à voir jusqu’au 15 janvier 2023, Galerie DYS, Bruxelles.

La question et le questionnement de la figuration sont constitutifs de l’identité de la Galerie DYS. Bernard Gaube questionne non seulement la figuration mais plus largement la peinture. Au travers d’une pratique rigoureuse et libre, respectueuse d’un art qu’il révère, auquel il aime poser questions, proposer hypothèses et réponses ouvertes, il construit une œuvre comme on construit seul une forteresse idéale : brique après brique, toile après toile. L’œuvre est déjà, par le nombre, monumentale, et aussi par la variété des entrées possibles : bouquets, autoportraits, abstractions gestuelles ou minimales, portraits, textes et mots mêlés d’images… Gaube s’adonne à l’exercice de la peinture avec discipline, endossant le costume du peintre jusqu’à en faire sa peau. Il joue et découvre, invente et déconstruit l’histoire de l’art occidentale dans son atelier. La vingtaine d’œuvres présentées ici est une sélection de peintures figuratives réalisées depuis la fin des années 90 à aujourd’hui, dans lesquelles on observe la figuration se faire malmener, parfois avec malice. Les visages dédoublés, floutés, grillés et grillagés, les membres fantômes, les plans superposés et troués, constituent un répertoire de formes, de motifs dans lequel le peintre s’amuse infiniment.

S’y joignent les œuvres sur papier de Guillemette Coutellier qui défigure les photos de famille et surimpose aux visages figés des grimaces de mauvais génies qui se veulent à la fois invention et révélation. Elle travaille également à partir de la feuille blanche, y développant de fluides silhouettes qui tentent férocement d’échapper à leur sort.

Quant à la figure trompeuse, au visage marqué par la mort mais sur lequel le masque vient fallacieusement apporter la joie et la jeunesse, on les retrouve dans le travail de Yasemin Senel. Dans son étrange carnaval, les contraires et les faux-semblants sabotent les perceptions : les dames du temps jadis cachent leur visage émacié sous des voiles de vierges et des fleurs fraîches, et les marches funèbres sont jouées avec force pipeaux et tambourins.

Trois artistes qui défigurent la figuration par amour, travestissent la forme pour faire rendre gorge au conformisme des canons académiques et rendre plus vive encore la jubilation de réinventer leur art.

Justine Jacquemin