Laure Tixier [FOCUS]

Laure Tixier [FOCUS]

Tout le travail de Laure Tixier, aussi diversifié qu’il soit au niveau des rendus, des techniques et des émotions liées aux premiers regards sur les oeuvres, est lié à l’architecture, à l’habitat et à l’urbanisme et nous évoque, de multiples manières, les systèmes sociaux qui les soutendent. Dans le cadre de cette recherche sans fin qui prend ses racines dans l’enfance de l’artiste, il fallait, dit-elle, qu’elle s’attelle à l’espace clos et imposé de la prison, à ces espaces de vie clos qu’elle aborde par Piranese dans un premier temps. Les prisons de Piranese ? Des espaces infinis mais clos et angoissants, qu’elle reconstruit dans un premier temps en utilisant des sucreries comme matériau de sculpture, puis en peignant ces sculptures à l’aquarelle, fascinée par le fait que même en en enlevant la noirceur, les espaces de Piranese qu’elle re-présente avec délicatesse conservent leur charge d’angoisse. 

Dix ans plus tard, elle se perd quelque part entre les 13ème et 14ème arrondissements et, se mettant à chercher sa destination sur Google Earth, constate qu’il manque à cet endroit un morceau de Paris, une partie floutée, qu’il existe comme un trou dans la ville : la Prison de la Santé. Amorce d’un long projet qu’elle poursuit aujourd’hui avec les prisons genevoises, alors qu’elle le considérait comme clos et qui l’aura amenée à investiguer de multiples prisons pour en retenir trente-trois – trente six désormais avec Champ-Dollon, Curabilis et La Brenaz. L’artiste s’est plongée dans les histoires des prisons et rend compte de cette histoire complexe par des abstractions : les formes de l’architecture des prisons qui parlent, tout abstraites qu’elles deviennent entre les mains de l’artiste, de l’histoire des prisons du monde. 

Dans le contexte de « LA PRISON EXPOSÉE, Champ-Dollon à Penthes », l’artiste découvre l’architecture des établissements genevois et s’étonne de trouver trois dessins complètement différents sur un même territoire, « comme le début d’un inventaire », dit-elle, elle qui travaille souvent en inventoriant, justement. 

Paroles d’artiste : 

« Champ Dollon a quelque chose du jeu de construction, c’est presque un tableau constructiviste ou cubiste. Son plan n’est pas facilement lisible, il est complexe, il évoque un personnage que l’on verrait à la fois de face et de profil, un gendarme peut-être, avec un casque et quelque chose entre les mains, peut-être des armes… » 

« Curabilis, c’est à la fois l’oeil et l’insecte, l’oeil qui est tellement central dans l’histoire des prisons avec le panoptique mais ici il ne reste que l’oeil – et l’insecte ou l’araignée avec toutes ses pattes. Un dessin qui tout à la fois surveille et pourrait fuir aussi. » 

« L’Etablissement de la Brenaz quant à lui est très construit, sa forme est de l’ordre du langage, on dirait une lettre de l’alphabet, c’est d’ailleurs quelque chose que l’on retrouve assez souvent dans les prisons. Sa forme évoque aussi une caméra, un écran… » 

Avec ses créations abstraites ancrées dans le concret, Laure Tixier offre au spectateur, par l’intermédiaire des plans qu’elle revisite avec une puissance créative qui éclaire et nourrit la délicatesse d’autres parties de son oeuvre, une lecture possible du sens de l’enfermement. 

Texte Barbara Polla © 2018

 

Laure Tixier
Née en 1972 à Clermont-Ferrand.

Pensionnaire de la Villa Kujoyama à Kyōto en 2000.

Représentée par la galerie Polaris à Paris.

www.lauretixier.com

 

 

Laure Tixier Curabilis, 2018 Peinture murale, Edition spéciale pour « LA PRISON EXPOSEE »
Laure Tixier
Curabilis, 2018
Peinture murale, Edition spéciale pour « LA PRISON EXPOSEE »

 

Laure Tixier Prison de Champ Dollon, 2018 Peinture murale, Edition spéciale pour « LA PRISON EXPOSEE »
Laure Tixier
Prison de Champ Dollon, 2018
Peinture murale, Edition spéciale pour « LA PRISON EXPOSEE »

 

Visuel de présentation : Laure Tixier, Etablissement de La Brenaz, 2018. Peinture murale, Edition spéciale pour « LA PRISON EXPOSEE »