LÉA BELOOUSSOVITCH, Maroua, Cameroun, 22 juillet 2015 (marché central) [FOCUS]

LÉA BELOOUSSOVITCH, Maroua, Cameroun, 22 juillet 2015 (marché central) [FOCUS]

À l’image de l’artiste Joseph Beuys, dont la mythologie personnelle dit qu’il fut recueilli et soigné par de la graisse et du feutre à la suite du crash de l’avion qu’il pilotait, l’usage du feutre chez Léa Belooussovitch porte l’empreinte d’une action thérapeutique. Si le feutre mène à la guérison ou protège les meubles lors d’un déménagement, il atténue aussi les sons. Chez Léa, il absorbe les cris de douleurs et la violence des images, mais dans le même temps, il isole du bruit des informations : du relais tant attendu de ceux pour qui le crime est devenu un spectacle. Le mitraillage de l’information, non content de nous hypnotiser et de nous maintenir dans un état de peur quotidien, a le double effet d’amplifier la présence terroriste et de starifier les protagonistes, à défaut des victimes.

Les dessins réalisés par Léa Beloousssovitch proviennent des images postées sur internet du double attentat-suicide qui eut lieu à Maroua, dans l’extrême nord du pays en juillet 2015. Parce qu’elle abrite le commandement des opérations de l’armée camerounaise, cette région régulièrement ciblée par les insurgés nigérians de Boko Haram est devenue le théâtre d’affrontements sanguinaires. Sur ces images, non soutenables, Léa pose un voile de pudeur et choisit celles dont un fond d’humanité transperce et nous empêche d’accepter la fatalité. Car c’est la seule image que les consciences endeuillées doivent retenir. Dans l’impossible résilience, ses images aux formes floues et duveteuses exercent sur celui qui les regarde une attraction qui le plonge dans la couleur et la douceur de la matière. Sorte de régression réconfortante, Léa inverse le processus d’hypnose, ce n’est plus l’image atroce qui s’imprime en boucle dans les cerveaux, mais une brume dont on espère qu’il ne sera plus qu’un lointain souvenir.

Texte de Marion Zilio publié à l’occasion de la participation de l’artiste à l’exposition Newwwar. It’s just a game ?

Visuel de présentation : Léa Belooussovitch, Maroua, Cameroun, 22 juillet 2015 (marché central) 1/3. Série de 3 dessins aux crayons de couleurs sur feutre textile, 55 x 40,5 cm. Courtesy de l’artiste.

 

Léa Belooussovitch
Née en 1989 à Paris.

Vit et travaille à Bruxelles.

http://www.leabelooussovitch.com

 

LÉA BELOOUSSOVITCH, Maroua, Cameroun, 22 juillet 2015 (marché central) 1/3
LÉA BELOOUSSOVITCH, Maroua, Cameroun, 22 juillet 2015 (marché central) 1/3

 

LÉA BELOOUSSOVITCH, Maroua, Cameroun, 22 juillet 2015 (marché central) 2/3
LÉA BELOOUSSOVITCH, Maroua, Cameroun, 22 juillet 2015 (marché central) 2/3

 

LÉA BELOOUSSOVITCH, Maroua, Cameroun, 22 juillet 2015 (marché central) 3/3
LÉA BELOOUSSOVITCH, Maroua, Cameroun, 22 juillet 2015 (marché central) 3/3