Léa Porré, Historical Amnesia

EN DIRECT / Exposition personnelle Historical Amnesia de Léa Porré au Château de Lantheuil (14) jusqu’au 20 octobre 2019

I repeat, I said the King is Back.
The King is Back in France.
Louis XX triumphed last night.
The throne is restored.

Maybe it was all a dream.

But I swear I felt it last night. I could hear his partisans claming his victory, chanting his return.
I felt whole, complete, at last.
My King was Back.

Maybe it was all a dream.

But I swear, I felt it last night.
‘How likely is such a disaster? Not unlikely as you might think.’

Historical Amnesia met en question notre passé national en relation aux pouvoirs en place. Ce passé royal, tantôt tabou ou tourné en dérision, tantôt haï ou aimé, image l’ambivalence du peuple français avec son Histoire. Léa Porré explore cette amnésie collective à travers le prisme des politiques contemporaines et du néocapitalisme décadent. Mêlant codes contemporains et symboles royaux, ses oeuvres exposent une satire humoristique de la monarchie française dans lequel nous pouvons reconnaître l’absurdité de notre règne.

Au travers de vidéos, sculptures, installations, textes, et pièces sonores se forme un univers immersif invitant le spectateur dans un monde à la fois familier et mystérieux questionnant notre rapport a la réalité.
Parmi les oeuvres installées au sein du Chateau: “LE ROI EST MORT VIVE LE ROI” met en évidence la fracture de la concorde du peuple français avec son Histoire et sa monarchie représenté par la moulure en plâtre, trace évidente d’un passé violent.

“error. Génocide Vendée?” emploie le médium de la tapisserie à partir d’une conception digitale, pour critiquer la subjectivité de l’Histoire comme frontière de la réalité.
“Louis XX for 2020, The King is Back. promo” explore le ‘non-évènement’ du retour du roi en France dans une volonté d’examiner un système achevé à travers des dispositifs de représentation actuels.

Ici le retour du roi est traité comme un évènement médiatique. En effet, Louis XX fait la une des chaînes d’information continu, qui sans cesse annoncent son retour fictif. Ce retour ne serait alors qu’un slogan et colore le dysfonctionnement collectif des politiques contemporaines, dénonçant un décalage débilisant entre pouvoirs et peuples.

Loin de provoquer une renaissance, cette exposition veut provoquer une reflexion qui du passé vers l’avenir nous emmène en voyage au delà de l’amnésie historique. Ce parti pris critique peut énerver par son emploi excessif de la symbolisation mais nous rappelle notre fatigante soumission à ce système de communication de masse.

Le retour de la royauté passe par la commercialisation du prétendant au trône, Louis XX, à travers des drapeaux publicitaires ornés de Fleur de Lys et des affiches promotionnelles au slogan ‘Louis XX for 2020’. La nature d’autodérision et comique du mouvement se révèle par cette répétition obsessionnelle des slogans et symboles: “The King is Back?”
(Merci de passer par le gift shop).

Dans le salon Louis XVI, si aucune oeuvre physique n’est installée le dernier discours du roi avant sa mort peut y être entendu. Dans les autres salons, “How to be a Good Royalist” est composé de multiples installations qui explorent la tension entre le fan et l’objet idolâtré.
Ce royalisme poussé à l’extrême explore la manière dont les produits dérivés encadrent notre relation au sacré, entre désodorisants de voiture, vitraux Fleur de Lys ou figurines aux effigies royales.

Historical Amnesia nous laisse apercevoir un univers en marge ; un royalisme qui questionne sa pertinence dans l’échiquier politique actuel et qui sert ainsi de miroir de la société aux tréfonds de nous-mêmes. Cette figure royaliste à la fois insensée et dramatique nous renvoie aux récents éboulements politiques de 2018-2019 où l’individu marginalisé s’est montré plus irrépressible que décisif.

À travers la tension hyperréelle des oeuvres, à un moment où le chaos est omnipresent, entre calamités et banqueroutes, Historical Amnesia pousse le visiteur a faire un recul critique et contempler le bord du gouffre. L’histoire éclatante du lieu exacerbe la tension entre le réel et l’irréel, entre le passé, le présent et l’avenir à la vue des oeuvres mêlées à l’architecture de ce monument vivant. L’exposition mêle installations digitales, gigantesques et interventions quasi imperceptibles aux souvenirs historiques. Le visiteur est amené a se perdre dans une expérience déroutante où il pourra cultiver ce contraste fort entre le contexte historique et réel du lieu et les oeuvres hyperéelles de Léa Porré qui forment un ensemble pour créer une histoire alternative.

Eugenia Durandy de Naurois-Turgot