Léo Dorfner, Images pieuses subversives

Léo Dorfner, Images pieuses subversives

Léo Dorfner, Kamasutra – La méditation, Feutre sur image pieuse, 2018. Courtesy artiste.

FOCUS / Images pieuses subversives de Léo Dorfner par LT

Sans même utiliser l’iconographie religieuse, les œuvres de Léo Dorfner avaient déjà tout des cartes de prières : statues antiques, portraits et autres illustrations issues de la culture populaire se trouvaient accompagnés de courts textes ou de simples phrases qui sonnent comme des poèmes ou des maximes. En 2011, Jésus-Christ et la Sainte Vierge s’invitent sur des héliogravures et se donnent tout entiers à l’artiste qui s’emploie à une relecture de ces figures sacrées.

« J’ai récupéré il y a quelques temps une boîte remplie d’une centaine d’images pieuses. À l’époque, je ne savais pas trop quoi en faire, la plupart de ces images sont trop petites pour les traiter comme je le fais avec des plus grandes estampes religieuses, c’est à dire les tatouages. Mais depuis ma pratique a évolué et souvent, j’utilise seulement du texte dans mon travail ».

Léo Dorfner

Cette série de petits dessins nés du détournement de ces bondieuseries forme une parenthèse intime, curieuse et minimaliste dans la production de Léo Dorfner. Les œuvres, si elles témoignent du pouvoir imaginatif de l’artiste et de sa maîtrise du subversif, dévoilent aussi le pouvoir d’évocation intemporel des images religieuses et de leur universalité.

« Je pense surtout que ce sont les premières images pop, au sens où elles ont été massivement diffusées : tout le monde connait Jésus aujourd’hui ! Mais effectivement, il y a dans les représentations religieuses, un coté universel. Les histoires de la Bible, dans le sens anecdotique, sont, à proprement parler, universelles. C’est pour cela qu’il est si simple de les détourner et de les réactualiser. J’essaie de leur trouver un nouveau sens, qu’il soit drôle ou non. Il y a également une sorte de poésie assez minimale qui s’en dégage.
J’aime beaucoup les mots, les bons mots, les beaux mots et avec cette série, je parviens à mettre en avant cet aspect-là de mon travail ».

Léo Dorfner

Ces images, par leur petit format, deviennent des objets précieux. Leur fragilité oblige nos gestes à une certaine précaution : bien que détourné, on ne tient Jésus dans ses mains qu’en tremblotant.

« Travailler de si petits formats me force à l’économie de l’espace et donc à une sorte de minimalisme. Forcément, cela implique des contraintes, mais je crois qu’in fine cela produit quelque chose d’intéressant, dans le sens où je travaille beaucoup plus l’aspect graphique et moins le côté technique. Ce sont notamment les seules œuvres de ma production qui ne sont pas conçues encadrées ».

Léo Dorfner

Un rapport à l’image propice à tous les outrages… qu’ils conduisent à l’apparition d’un « nouvel érotisme » ou à l’annihilation de l’image religieuse, à la limite de l’iconoclasme.  

« Cela m’amuse de diriger les images vers un nouvel érotisme. A priori, ce n’est pas dans cette iconographie là que l’on trouve le plus d’évocation érotique. Mais il y a indubitablement une représentation du corps et de la nudité en particulier, qui peut être troublante.
Je pense que toute image ou presque peut être érotique dans un certain contexte ; une phrase peut l’être par exemple. J’aime beaucoup ces interventions à travers lesquelles j’efface complètement les figures religieuses derrière de grands écrans noirs. J’aime qu’il ne reste plus que le titre de l’image et les dentelles qui l’entourent. J’aime effacer le religieux parce que c’est à mon avis le sens de l’Histoire. L’idée de sanctuariser le monochrome noir me plaît aussi. Je trouve ça beau ! ».

Léo Dorfner
Léo Dorfner, Lick my nipple, Feutre sur carte pieuse, 2018. Courtesy artiste.
Léo Dorfner, Lick my nipple, Feutre sur carte pieuse, 2018. Courtesy artiste.
Léo Dorfner, Drugs, Feutre sur carte pieuse, 2018. Collection privée.
Léo Dorfner, Drugs, Feutre sur carte pieuse, 2018. Collection privée.
Léo Dorfner, Acte de contrition, Feutre sur carte pieuse, 2018. Courtesy artiste.
Léo Dorfner, Acte de contrition, Feutre sur carte pieuse, 2018. Courtesy artiste.

www.leodorfner.net

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