LES MAUVAISES HERBES RÉSISTERONT.

LES MAUVAISES HERBES RÉSISTERONT.

Photo Delphine Wibaux

EN DIRECT / Exposition Les mauvaises herbes résisteront.
jusqu’au 10 janvier 2021 au CACN Centre d’Art Contemporain de Nîmes

Avec Anne-Laure Franchette, Elsa Leydier, Laura Rives, Delphine Wibaux

par Alice Santiago, curatrice de l’exposition. 

« Une plante qui s’installe où elle ne devrait pas est une simple opportuniste, mais une plante qui prospère là où elle ne devrait pas est une mauvaise herbe. Nous ne lui reprochons pas son audace – toutes les graines sont audacieuses –, mais son formidable succès. L’homme s’emploie à créer un monde dans lequel seules les mauvaises herbes peuvent vivre, et pourtant nous nous scandalisons d’en trouver partout.» 
Hope Jahren, Lab girl, une histoire de science, d’arbres et d’amour, 2016

C’est dans un contexte étrangement exceptionnel que se poursuit, plus tardivement que prévu, la saison itinérante du CACN. Nous, artistes et équipe du centre d’art, avons composé ce projet d’exposition en exploitant les contraintes engendrées par la situation sanitaire, créant ainsi de nouvelles opportunités. Le cadre d’accueil s’est révélé particulièrement propice au contexte et au propos de l’exposition, qui, plus ou moins volontairement, s’est lui aussi adapté ; tout comme les propositions des artistes qui ont su rebondir et réagir avec détermination. 

D’emblée, le domaine Villary, son histoire patrimoniale, la beauté et l’exotisme de son parc, nous plongent dans une bulle de sérénité rassurante, en harmonie absolue avec l’exposition. Cependant, c’est la richesse de son passé artistique qui résonne et se réactive aujourd’hui. En effet, dès le début et jusqu’à la fin du XXème siècle, la maison Villary a vu défiler un grand nombre d’artistes régionaux.ales et internationaux.ales. Grand amateur d’histoire de l’art, le couple Aldebert a constitué une vaste collection, un fonds non négligeable d’œuvres d’art contemporain. Entre ces mêmes murs, les expositions se succédaient, les images circulaient et se renouvelaient. C’est un honneur de pouvoir, en 2020, raviver cette histoire visuelle avec une exposition qui questionne notamment la place de l’image dans notre monde contemporain. Les mauvaises herbes résisteront est née en partie de l’observation d’une passion généralisée voire obsessionnelle de l’image, dans ce qu’elle incarne de puissant comme de dérisoire. L’image aujourd’hui omniprésente, infaillible, suprême, ne cesse de titiller nos réalités. Brute ou virtuelle, elle captive ou dérange, mais domine incontestablement le monde et sa transmission.

En 1887, Baudelaire disait de la glorification du culte des images qu’elle était sa « grande, son unique, sa primitive passion». Il faisait essentiellement référence à la peinture de Delacroix qui l’animait démesurément dans l’idée qu’elle reproduisait la « pensée intime de l’artiste, qui domine le modèle, comme le créateur la création ». Près de cent trente ans plus tard, l’année 2015 marque un véritable tournant dans l’histoire des images : tous les jours, trois milliards d’images ont commencé à être partagées sur les réseaux. À titre de comparaison, le philosophe de l’art Emmanuel Alloa pointe du doigt le fait que jusqu’alors et depuis la préhistoire, la totalité des images produites se comptait en dizaines de milliers. « Aujourd’hui, dix mille images c’est rien. Trente cinq mille ans sont balayés par quelques clics et quelques algorithmes ». On est bien loin de l’engouement de Baudelaire et de ses contemporains qui découvraient tout juste la photographie et son effet de réel. Face à cette spectaculaire démocratisation de la production d’images – nous pouvons toutes et tous en produire quantitativement, sans appréciation qualitative -, et à leur circulation imposée et incessante, l’image artistique rassure en ce qu’elle apparaît comme un moyen d’action et de réaction. 

Les mauvaises herbes résisteront présente les travaux de quatre artistes qui entretiennent un rapport particulier, intime ou détaché, à l’image. Laura Rives, Elsa Leydier, Delphine Wibaux et Anne-Laure Franchette, s’imprègnent de cette prolifération d’images pour en exploiter les possibilités mais aussi les limites. Elles y voient un moyen d’exprimer leur vision du monde, mais également de questionner leur place et leur condition d’artistes. Elles font des images des complices actifs, les modifient, s’en amusent, s’en inquiètent, et n’hésitent pas à en malmener le statut. 

Si l’image ne se confond plus avec la réalité, elle est elle-même une réalité. Elle a sa propre histoire, ses propres intérêts, ses limites et ses vertus, caractéristiques dont les artistes se saisissent pour interroger, scrupuleusement, son rapport au réel. Ainsi, à travers différents processus de déformation du réel par l’image et de l’image par le réel, les quatre artistes sont créatrices d’une réalité nouvelle. Par une orchestration maîtrisée de leurs interventions plastiques, elles imposent leur réalité à celle de l’image, faisant inévitablement entrer en jeu la question de la matérialité, et octroyant au réel le rôle de protagoniste principal. Qu’il soit matière, élément, espace ou temps, qu’il soit palpable ou imperceptible, le réel est ici étroitement lié à la nature. C’est elle qui interfère dans ces différentes démarches de métamorphose visuelle. C’est sa puissance et sa fragilité qui guident les artistes dans leur questionnement matériel, et, bien au-delà, politique et social. 

Le travail de Delphine Wibaux illustre parfaitement, avec optimisme et poésie, la relation de confiance qui règne entre l’artiste et la nature, véritable décisionnaire de l’œuvre finale. L’artiste attache une importance particulière à l’image photographique qu’elle utilise souvent comme un point de départ pour proposer des expériences hasardeuses d’évolution visuelle. Privilégiant un processus de transformation lent, elle confronte ses images aux éléments naturels, comme la lumière, les variations de températures, les intempéries. Selon une démarche aiguillée et presque scientifique, elle définit ses expérimentations dans le temps et l’espace, à la recherche de rendus esthétiques totalement imprévisibles. C’est l’interférence du réel sur ses images et la survie de celles-ci après modifications qui permettent à Delphine Wibaux de créer une symbiose entre ses œuvres et la nature.

Pour l’exposition, elle présente une nouvelle production qui, de par son grand format, se distingue de ses travaux habituels. Absorption, Tbilisi – lichen relie en une fine jonction une vue urbaine un peu floue à l’image d’une montagne creusée d’anciennes habitations troglodytes. La rencontre entre ces deux paysages géorgiens est mince et quasi imperceptible. Reprenant une technique mise au point dans ses précédentes recherches, l’artiste travaille à partir de prises de vues argentiques via un processus qu’on rapprocherait de celui de la sérigraphie. Les images imprimées sont révélées par l’application de teintures végétales, macérations expérimentales qu’elle élabore avec les plantes qui l’entourent, et par une phase d’exposition à la lumière qui crée la nuance et dévoile la métamorphose. Confinée dans le Luberon, l’artiste a profité de ces moments de suspension temporelle, au cœur d’une nature calme et sauvage, pour exposer quotidiennement son Absorption en plein soleil pendant une semaine. Telle une plante, l’image a absorbé la lumière, incarnant ainsi le principe de la photosynthèse. La chaleur est intervenue sur la matière, la lumière intense sur la couleur, et vice-versa. C’est avec force que l’image a résisté, avec fatalité qu’elle s’est inclinée, donnant ainsi naissance à une nouvelle image, plus dense, plus matérielle, vivante, qui ne cesse d’évoluer et pourra par la suite avoir plusieurs vies et se montrer sous plusieurs formes.

C’est par le biais d’une méthode sérendipidienne, incontrôlable, et en collaboration totale avec la nature et ses aléas, que Delphine Wibaux déconstruit l’image, résistant alors à son statut hégémonique mais également au désir humain de maîtrise et de possession. Cette notion de résistance est, d’une façon ou d’une autre, inhérente au travail des artistes présentées ici. À travers l’image et au moyen d’approches plastiques et esthétiques distinctes, les quatre artistes suggèrent une forme de résistance à ce que l’Homme entreprend, impose et possède, bien souvent au détriment de la nature. 

Laura Rives travaille la photographie. Non pas comme une photographe, mais comme une plasticienne qui en interroge la matière, le support, et la dimension numérique. Accordant une importance primordiale au processus, elle prend comme base ses propres photographies qu’elle manipule en expérimentant de multiples gestes numériques, chimiques et physiques. Dans une démarche presque performative, l’image photographique est altérée, torturée, vulnérabilisée. La représentation disparaît au profit d’images abstraites qui s’imposent dans l’espace. Laura Rives questionne la notion de médium et de matérialité dans un monde numérique où prône l’immatériel. En brutalisant l’image pour lui offrir de nouvelles valeur et réalité, elle crée un parallèle avec la catastrophe des images numériques qui, loin de rester vaporeuses dans les nuages, voyagent via des câbles marins et existent bel et bien à travers un médium, celui des Datacenter. En chauffe permanente, ces serveurs, installés dans des terrains isolés de plus en plus nordiques, ont un impact environnemental dévastateur. Le coût énergétique qu’exige la question de la matérialité des images est devenu un immense problème à la fois écologique et économique. Les artistes nous apparaissent être alors les seul.e.s en capacité de rendre visible cette « économie invisible qui sous-tend l’architecture contemporaine des images », qui renvoie au concept d’iconomie, théorisé par Peter Szendy. C’est en confrontant ces nouvelles notions d’invisibilisations et d’hypervisibilités et en opposition à cette matérialisation destructrice du virtuel que Laura Rives donne à son geste destructeur une dimension positive, constructive, un acte de résistance dans lequel le hasard trouve aussi sa place. Tel un flux, l’image est mouvante, s’efface, et interroge sa propre obsolescence. La métamorphose est bien réelle et tend à remettre en place notre vision d’un monde déformé par la suprématie du numérique. 

Pour l’exposition, Laura Rives pousse encore plus loin son étude de la résistance en expérimentant un matériau de synthèse, le plexiglas, sur lequel elle imprime directement des photographies représentant un mélange varié et coloré de substances nettoyantes, type gels douches. L’artiste travaille ensuite la matière par découpe, déformation thermique et superposition, et teste la résilience du plexiglas, c’est-à-dire son élasticité, sa capacité à absorber de l’énergie au cours de sa transformation, et donc à résister. Sortis de leur contexte et associés à la matière plastique, les produits destinés à laver, adoucir et embellir la peau –essentiellement féminine– se révèlent dès lors dénués de tous bienfaits. De leur éclat de couleur, c’est toute leur agressivité et leur pouvoir polluant qui nous explosent à la vue. Dans cette démarche de morcellement de l’image, c’est aussi la notion de résilience écologique qui est invoquée. Le pouvoir d’adaptation, de survie de la nature face aux conséquences de l’activité humaine. On perçoit d’ailleurs quelque chose d’organique, de géologique voire d’animal dans les formes créées par l’artiste. Le choix d’utiliser le plexiglas n’est pas anodin. Il reflète, dans une période de crise, la peur et le besoin humains de se parer, de se protéger de l’Autre, mais aussi d’une nature qui, dans une certaine mesure, reprendrait ses droits. Bien que ses propriétés polluantes et néfastes ne soient plus à démontrer, le plastique est revenu en un rien de temps sur le devant de la scène, faisant alors office d’outil de contrôle et de domination planétaire. 

À l’aune de l’anthropocène, l’épuisement des ressources naturelles et la fragilisation de la nature engendrés par la surconsommation – matérielle et virtuelle – ont entrainé la nature dans une action de résilience sans retour possible. Face à cette puissance, l’humanité persiste et résiste, et son empreinte, mobilisée et dénoncée, détermine les enjeux actuels de la création contemporaine. Si Delphine Wibaux propose une vision d’un monde plus pacifique en agissant avec la nature, Laura Rives agit sur la matière tout comme nos sociétés occidentales agissent sur la nature. Elsa Leydier, elle, combine les deux actions en déconstruisant des images mentales idéalisées de paysages pour les ramener à l’inquiétante réalité du monde, et en laissant au libre rythme de la nature le choix aléatoire du devenir de ses œuvres. 

Diplômée de l’École Nationale Supérieure de Photographie d’Arles, l’artiste mène une réflexion autour de l’image dans un contexte socio-politique bien particulier, celui du Brésil, où elle vit depuis 2015. Empreintes de la nature et des spécificités territoriales brésiliennes et sud-américaines, ses photographies invitent, au premier regard, au voyage et à l’exotisme. Mais la fascination procurée par ces images à l’esthétisme pur et poétique nous apparait bien vite suspecte. Détournées ou plastiquement modifiées, elles sont en effet le fruit d’un processus de déconstruction d’images elles-mêmes manipulées. L’artiste interroge ainsi la notion de représentation collective et mentale du paysage et la rapporte à la réalité. Le travail d’Elsa Leydier évolue au fil du temps dans une recherche perpétuelle de vérité, une nécessité implacable dans un monde contemporain bâti sur des croyances et des mensonges. En confrontant subtilement la beauté de paysages mentaux universels à des réalités politiques concrètes, ce sont les failles du capitalisme et les limites de la société de l’image qu’elle dénonce. Témoin de situations écologiques inévitablement alarmantes, elle pointe du doigt l’absurdité de l’histoire et de la suprématie humaine. Les séries Plátanos con platino et Braços verdes e olho cheios de asas mettent en lumière la domination exercée par l’homme occidental sur des territoires, sur la nature, sur les femmes. 

Pour l’exposition, l’artiste se nourrit de ses travaux photographiques pour proposer de nouvelles créations, plus matérielles. C’est à travers l’image de la femme, surexposée, qu’elle exploite la notion de résistance. En faisant directement pousser des graines au milieu de pages de magazines réservées à des publicités pour cosmétiques féminins qui idéalisent la femme jeune et son visage lisse, elle crée des failles, des bugs, des rides incontrôlables. Intégrées dans des petites jardinières, les images évoluent alors de façon aléatoire, au gré de la pousse des plantes qui viendront perturber de plus en plus intensément la parfaite carnation. Détaché de tout contrôle humain, le rendu final est, ici aussi, dépendant de l’expérimentation et de la dynamique de la nature. De l’évident parallèle entre la femme et la nature apparaît naturellement la notion d’écoféminisme, déjà contenue dans les séries photographiques d’Elsa Leydier. Mouvement quasi impossible à définir tant il est complexe et divers, l’écoféminisme voit, entre de multiples autres considérations, un lien intrinsèque entre l’oppression des femmes et la destruction de la nature, et ce depuis « une mutation extrêmement violente du monde social qui s’est appuyée sur la construction d’un nouvel ordre patriarcal fondée sur l’exclusion des femmes du travail salarié, qui détruisit la quasi-totalité des savoirs et des pouvoirs possédés par les femmes jusque-là ». Structurellement patriarcal, le capitalisme a constitué dès sa naissance une défaite historique pour les femmes qui ont peu à peu trouvé dans la cause écologique des résonnances avec leur combat quotidien contre la domination masculine. Il y a un peu de cette lutte dans les jardinières d’Elsa Leydier car, en plus de laisser la nature et la femme prendre mutuellement soin d’elles-mêmes, les plantes qui y poussent sont en fait des semences interdites à la vente et à la plantation en Europe. En contournant une loi qui réduit la libre circulation des plantes et des connaissances qui y sont associées, l’artiste choisit son camp, prend position et impose sa puissance féminine en se réappropriant un savoir humain fondamental. Car la botanique, tout comme un grand nombre de métiers d’artisanat, était, au Moyen-Âge et avant les épisodes de chasses aux sorcières, une pratique maitrisée par les femmes. Si le capitalisme a réduit les femmes et leur travail à la sphère domestique en s’appropriant le pouvoir de production et de reproduction, l’écoféminisme valorise le pouvoir de création, la maternité entendue dans son sens social, en temps que construction et qualité. 

Interrogeant la catégorisation des plantes et la hiérarchisation des pratiques créatives, le travail d’Anne-Laure Franchette s’inscrit également dans une démarche de revalorisation du travail artisanal et manuel. Émanant d’un riche intérêt pour l’anthropologie socio-culturelle, ses productions explorent la notion de perception culturelle et la représentation de la nature dans un système de globalisation. En s’éloignant de l’image pour aller au plus près de la matière physique, l’artiste questionne le monde naturel et sa relation au monde du travail. Elle « tente de visualiser formellement des circulations « invasives », indésirables et non cartographiées entre les mondes naturel et humain, questionnant nos systèmes de connaissance, de croyance et d’émotion ». C’est suite à de longues déambulations au sein de sites industriels hyper-urbanisés, de grands travaux de construction où toutes traces d’aléatoire, de nature et de vie ont été anéanties, mais aussi de sites naturels contrôlés par l’humain, que ses projets voient le jour. Anne-Laure Franchette y collecte des végétaux, des mauvaises herbes qui poussent selon leur bon vouloir et en toute liberté. Figés ensuite dans une résine artificielle et insérés dans des ensembles sculpturaux, ils rendent hommage et revendiquent ainsi le pouvoir d’adaptation d’une nature victorieuse. Pour Les mauvaises herbes résisteront, l’artiste s’est entièrement imprégnée de l’environnement de l’exposition puisque c’est ici-même, au cœur du domaine Villary, qu’elle a produit l’ensemble des œuvres qu’elle présente. Telle une archéologue-exploratrice inspirée par l’atmosphère du lieu, par son histoire et celle de ses propriétaires passionnés d’art et de voyages, elle a organisé son travail en deux temporalités : celle du repérage, de la recherche et de la récolte, puis celle de la production in situ. Ainsi, après avoir attentivement observé et cueilli des mauvaises herbes et plantes invasives qui parviennent à échapper à l’attention du paysagiste, l’artiste a exclusivement utilisé des outils et matériaux trouvés sur place, dans le jardin ou la grange du domaine. Enfermées dans des pampilles de résine colorées et suspendues par des structures artisanales, les mauvaises herbes deviennent des totems, des bijoux fins et précieux. On y lit une certaine glorification du pouvoir de résistance de la nature « sauvage » mais également du travail local et artisanal, en opposition au productivisme. La technique du tissage, parfaitement maniée par l’artiste, renvoie à une pratique qui a été, tout comme le tricot, associée au féminin et utilisée pour asservir les femmes du fait notamment de sa compatibilité avec l’éducation d’un enfant. En revalorisant et reliant à l’histoire du lieu cet artisanat délégué aux femmes, l’artiste lutte et impose sa vision d’un autre monde. 

Ponctuant l’exposition et complétant les travaux plus visuels des trois autres artistes, les installations d’Anne-Laure Franchette interrogent les communications qui existent entre plusieurs composantes physiques. C’est en délaissant l’image qu’elle cherche à capter les énergies et les désirs des matériaux et des végétaux, au-delà de leur fonctionnalité et de leur histoire. Son travail minutieux questionne les rapports entre force physique et force sensible que nos constructions sociétales associent respectivement au masculin et au féminin, les caractéristiques du premier étant davantage valorisées que celles du second. Déjouant ces classifications réductrices, les pièces d’Anne-Laure Franchette, pensées à la fois pour l’intérieur et pour l’extérieur –entre la sphère dite féminine et celle dite masculine- tendent à chambouler un système qui fabrique essentiellement du masculin. Ses installations sont des passerelles entre l’espace d’exposition et le jardin, permettant ainsi aux images de Delphine Wibaux, Elsa Leydier et Laura Rives d’être symboliquement liées à une nature dont elles revendiquent la grandeur et à laquelle elles s’unissent pour résister à la domestication planétaire. 

Enfin, si l’espèce humaine est nommée Homme, c’est clairement en tant que Femmes que nos quatre artistes résistent. Le statut des artistes femmes n’est pas la revendication de l’exposition ; l’art n’est pas censé avoir de sexe. Pourtant il est tentant de faire résonner la puissance créatrice de leurs interventions avec les efforts dont doivent redoubler ces résistantes pour s’imposer dans un monde de l’art contemporain encore majoritairement dirigé par des hommes. Renoncer au statut de «belle plante» qui leur est attribué d’emblée, opter pour celui de «mauvaise herbe», se battre pour exister, persister ou recommencer.

Alice Santiago, curatrice de l’exposition. 

©Laura Rives - Photo Delphine Wibaux
©Laura Rives – Photo Delphine Wibaux
©Laura Rives - Photo Delphine Wibaux
©Laura Rives – Photo Delphine Wibaux
©Laura Rives - Photo Delphine Wibaux
©Laura Rives – Photo Delphine Wibaux
©Anne-Laure Franchette - Photo Delphine Wibaux
©Anne-Laure Franchette – Photo Delphine Wibaux
©Anne-Laure Franchette - Photo Delphine Wibaux
©Anne-Laure Franchette – Photo Delphine Wibaux
©Anne-Laure Franchette - Photo Delphine Wibaux
©Anne-Laure Franchette – Photo Delphine Wibaux
©Elsa Leydier - Photo Delphine Wibaux
©Elsa Leydier – Photo Delphine Wibaux
©Elsa Leydier - Photo Delphine Wibaux
©Elsa Leydier – Photo Delphine Wibaux
©Elsa Leydier - Photo Delphine Wibaux
©Elsa Leydier – Photo Delphine Wibaux
©Delphine Wibaux
©Delphine Wibaux