Li Chevalier [ENTRETIEN]

Li Chevalier [ENTRETIEN]

Vue d’atelier de Li Chevalier. Courtesy et photo Li Chevalier

« Parfois je me demande, si c’est moi qui peint à l’encre
ou si c’est l’encre qui me peint.»
Li Chevalier

Pour cette artiste qui a appris la langue italienne dans un couvent dominicain du XIIIe siècle, qui a vécu en Chine, en France et au Japon et qui a enrichi sa pratique picturale à Londres, la réflexion centrale de son travail, au-delà de toutes religions ou pensées philosophiques des pays de résidence, est celle qui lie le matériel et le spirituel. Une question à laquelle Li Chevalier répond à travers la représentation du paysage dans l’immensité duquel se reconnaît la figure isolée et mélancolique de l’artiste, ce penseur du monde. Ainsi, de ses nombreux séjours en Italie dans la région de Sienne, Li Chevalier a retenu la tradition des peintures murales qu’elle a pu contempler dans les bâtiments religieux. Des fresques qui viennent désormais hanter son travail de peinture et ses compositions de paysages à l’encre de Chine.

Nous avons découvert ton travail par cette image troublante où l’on te voit penchée au-dessus d’une toile semblant déverser, non seulement de l’encre, mais également un peu de toi-même…

C’est une plongée qui est tout autant spirituelle que corporelle. Je dois être bien préparée, dans une condition physique et mentale parfaite, car la fatigue mentale ou physique perturbe évidemment la création. Je suis très active et réactive dans la vie ; on avance, on recule, on subit. En revanche, la création dans l’atelier consiste en des moments de monologues, où l’on se confronte à sa propre intériorité : on peut dire que l’atelier m’offre un lieu de repli, un espace intime qui me permet de « ruminer », de me plaindre, me fâcher, et enfin de me faire une raison par une sublimation de mes vécus dans la création. C’est un lieu où l’on fait la paix avec la vie, en restituant ses blessures sur les œuvres. Après ma participation à la dernière élection à l’académie des Beaux-arts, j’ai notamment créé deux œuvres : La visite de courtoisie et L’illusion de lumière sur lesquelles je me suis bien relaxée. La solitude et la mélancolie sont presque inévitables car elles relèvent de notre condition d’existence. L’œuvre d’art est le paysage d’une intériorité quelle que soit sa couleur ou sa forme. Pour mon exposition à Paris en novembre 2018, j’ai présenté une installation incitant à la méditation que j’avais déjà eu l’opportunité de montrer au Musée de Shanghai et dont le titre se traduit du chinois par « regard sur le monde d’un lettré en retrait ». L’atelier est d’un lieu d’engagement. Il est également un lieu de retrait.

Un univers sombre qui pourtant ne confine jamais jusqu’à l’enfermement…

Un souffle et une lueur animent toujours la toile. Si l’encre de  chine est intense dans ses noirs, c’est l’eau qui lui donne tout son éclat de transparence et de lumière. L’œuvre naît de cette rencontre entre ce noir très puissant et de l’eau très limpide, posés sur la toile d’une blancheur immaculée. Une immense respiration relie l’ensemble. Sans l’eau et les réserves de blanc, il n’y aurait plus d’interaction et la toile serait prisonnière de ce noir qui, en lui-même, n’offrant aucune ouverture, annihilerait toute forme de vie.

Une vie que tu exprimes aussi par le mouvement ?

Le mouvement provient de l’encre très liquide que je dirige en soulevant légèrement la toile par endroits. Je peins la toile posée à plat au sol comme pouvait le faire Pollock. La gestuelle, qui est très liée à l’art calligraphique, a d’ailleurs longtemps fasciné des maitres modernes ou contemporains parmi les plasticiens occidentaux, comme Franz Kline, Jackson Pollock, Henri Michaux ; ceci explique une certaine parenté entre ma façon de faire et celle de l’expressionnisme abstrait. Ma peinture rejoint l’esprit de ces œuvres gestuelles à la fois calligraphiques et très énergiques. Comment représenter des mouvements et le figer à un bon moment sur toile, sans que l’œuvre ait l’air elle-même figé, est un grand « challenge ».

[…]

Extrait d’un entretien avec Li Chevalier réalisé par Valérie Toubas et Daniel Guionnet à retrouver dans son intégralité dans le numéro #13 à paraître de la revue trimestrielle Point contemporain disponible en pré-commande : www.revuepointcontemporain.bigcartel.com/products

Li Chevalier
Née en 1961 à Pékin.
Vit et travaille entre Pékin et Paris
Diplômée du Central Saint Martins Collège of Art and Design Londres section Beaux Arts 
www.lichevalier.com

ACTUALITÉS
Art Paris Art Fair
Du 04 au 07 avril 2019
Stand G17
représentée par Raibaudi Wang Gallery

Li Chevalier, Solitude Haunting Man, 2015
Peinture, technique mixte, 100 x 100 cm.
Raibaudi Wang Gallery