Muriel Leray, Obscène, Galerie Escougnou-Cetraro

Muriel Leray, Obscène, Galerie Escougnou-Cetraro

En direct de l’exposition Obscène, une exposition personnelle de Muriel Leray, du 06 février au 03 mars 2016, Galerie Escougnou-Cetraro, 7 rue Saint-Claude 75003 Paris.

Artiste : Muriel Leray, née en 1987, vit et travaille à Paris. Diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Représentée par la Galerie Escougnou-Cetraro.

Au déferlement continu des images et à leur exubérance, Muriel Leray oppose des cadres noirs dénués de tout motif accompagnés de phrases jouant avec la syntaxe. Des dispositifs minimalistes qui se font le réceptacle du « bruit du monde », de cette cacophonie qui nous entoure. Ce dépouillement introduit une temporalité proche de celle de la contemplation propre à la poésie et la peinture. Un rapport à la perception et à la compréhension qui n’est plus immédiat ou porté par l’analyse mais qui se découvre quand s’animent les éléments (titre des oeuvres, phrases, reflets) qui se répondent. Une mécanique que Muriel Leray fixe dans le titre Obscène, à comprendre dans le sens de « observer la scène » avec un rapport à l’obscène que serait une monstration trop évidente.

Muriel Leray, vue d'exposition Obscène, galerie Escougnou-Cetraro
Muriel Leray, vue d’exposition Obscène, galerie Escougnou-Cetraro

La mise en espace des oeuvres rompt avec l’idée de continuité propre aux scénographies actuelles avec une idée sous jacente de narration. Les installations de Muriel Leray fonctionnent comme des pièces autonomes, englobent le spectateur dans l’espace scénique qu’elles composent. Un fonctionnement que l’artiste accentue en plaçant selon la disposition des pièces, une chaise ou un banc. Se joue ici un rapport à l’œuvre à la fois très théâtral et très personnel, pouvant évoquer des moments de solitude.

Muriel Leray, vue d'exposition Obscène, galerie Escougnou-Cetraro
Muriel Leray, vue d’exposition Obscène, galerie Escougnou-Cetraro

Les cadres noirs renvoient par leurs dimensions à des tableaux de la peinture classique tandis que leur disposition répond aux standards de présentation : diptyque, triptyque et même, dans le registre du sacré, au retable. Une évocation à la peinture italienne dont l’artiste avait précédemment joué en insérant des phrases en italien. La disposition même des oeuvres est liée à l’espace, avec des échos renvoyant aux éléments architecturaux et une mise à l’échelle de la pièce. Le positionnement des chaises et du banc est défini par rapport à ce qu’il est possible de percevoir dans les reflets.

Muriel Leray, vue d'exposition Obscène, galerie Escougnou-Cetraro
Muriel Leray, vue d’exposition Obscène, galerie Escougnou-Cetraro

Paradoxalement, à cette apparente fixité du dispositif, répond une activation des pièces par le spectateur par son déplacement autour de celles-ci. Il suffirait par exemple de monter sur une chaise pour atteindre son reflet, comme pour la pièce This is a set up on tour knees or against – stay a while. Le reflet traduit une sorte de connexion avec le monde, l’espace environnant et le spectateur lui-même. En 2010, lors du duo show Reflets, coïncidence (1) les oeuvres d’Anna Tomaszewski se reflétaient dans les cadres de Muriel Leray. Un questionnement permanent de l’image qui est au centre des projets de l’artiste comme lors de l’exposition collective originale où elle invitait les artistes à exposer dans un container les uns après les autres. Une expérience qu’elle prolongea dans l’espace de la galerie Florence Loewy en cloisonnant l’espace afin d’isoler les oeuvres de chaque artiste et éviter ainsi toute interférence (2).

Muriel Leray, Starting Blocks, 2014
Muriel Leray, Starting Blocks, 2014

Si les titres des oeuvres concourent à donner un sens à l’installation, un des principes est de se laisser happer par une situation, par une intuition. Contrairement au triptyque présenté à la YIA Art Fair 2015 où les lettres vinyles étaient collées sur les vitres des cadres, l’artiste les place ici sur le mur, accentuant ainsi l’idée de composition. De plus, les phases sont conçues pour pouvoir se répéter en boucle, à l’infini : two hours « it would require » about. Annulant toute forme de syntaxe, l’artiste privilégie une scansion toute poétique, utilisant ici l’anglais ou le français.

« J’ai cherché votre année une forme de réalité formée. Est-ce mécanique et exacte se met en une inévitable composition. Je pense qu’on présentait soit l’hypothèse ou soit art. Constructions.
Mais un patronyme séparé, qui produit baigneur en maillot cohabitent, certains que le résultat aussi – olé olé dans un cas pour celle-ci ; ils s’agitèrent, tutélaires en images (toujours elles), réveillent une situation, et le changement, on ne fera pas d’histoires. » Muriel Leray, citation extraite du communiqué de presse.

Les dispositifs de Muriel Leray laissent ainsi au spectateur la liberté que l’on pourrait qualifier de proustienne « d’ajuster les pièces de la mécanique au millimètre près, pour que tout se fonde, devienne vrai […] »(3) Comme dans certaines pratiques de lecture rapide, il se produit des coïncidences entre les mots qui forment un sens encore en suspend. Les titres eux-mêmes des oeuvres ouvrent sur des possibles car ils renvoient à des éléments sans attache directe avec l’œuvre, à des références qui lui sont extérieures. Par ces manques de repères, par ces dénuements, l’artiste compose des formes d’abstraction. Muriel Leray met en relation « pensée abstraite » et « cadre mental », elle active notre capacité à « discerner les propriétés communes, de planifier et d’assumer des simulacres, et de songer et d’agir symboliquement »(4).

Muriel Leray, vue d'exposition Obscène, galerie Escougnou-Cetraro
Muriel Leray, vue d’exposition Obscène, galerie Escougnou-Cetraro

 

(1) Reflets, coïncidence, une exposition de Muriel Leray et Anna Tomaszewski sous le commissariat de Deriva, du 10 janvier au 14 février 2015, Galerie Escougnou-Cetraro Paris.

(2) Toujours + réunit les dix artistes du projet Plus Une Pièce | Plus Un Multiple chez Florence Loewy du 6 au 20 septembre 2014. Source : http://www.florenceloewy.com

(3) Lettre d’André Hardellet à Sim Marty du 23 août 1971, Oeuvres complètes, édition Gallimard, coll. L’Arpenteur, T. III, p. 364.

(4) Source : http://lesdefinitions.fr/pensee-abstraite

Pour en savoir plus :
escougnou-cetraro.fr

muriel-leray.info

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