[PARTENARIAT] Souvenirs from earth, chaîne de télévision indépendante diffusant des œuvres d’art vidéo

[PARTENARIAT] Souvenirs from earth, chaîne de télévision indépendante diffusant des œuvres d’art vidéo

Peintre, dessinateur et vidéaste, Marcus Kreiss est porté par une incessante volonté d’expérimenter et tend toujours plus à s’éloigner des tendances esthétiques et discursives du moment, pour amener les spectateurs sur des territoires souvent contraires à ce qu’ils ont reçu en héritage.

En tant qu’artiste « alien », tel qu’il se définit, Marcus Kreiss a toujours pris le contre-pied des habitus des institutions et du monde de l’art en préférant créer des œuvres vivantes, proches de la population, comme les mini-modules d’habitation conçus pour deux personnes qu’il plaçait au coeur de l’espace urbain et dont le public a gardé le souvenir.

Ce caractère éphémère et poétique, cette expérience dont on se souvient et capable d’atteindre tous les publics, ce rejet d’un art marchand et de l’entre-soi, est tout ce qui caractérise la chaîne Souvenirs from earth. Créée en octobre 2006 et diffusée désormais 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 sur de nombreux bouquets télévisuels en France et en Allemagne, l’histoire de sa création est exemplaire de ce qui subit la liberté de création en France.

« Art has to be part of one’s everyday life or else its not honest » Bill Viola

Comment dans ta carrière de dessinateur et de peintre en es-tu venu à l’art vidéo ?

Avant d’entrer aux Beaux-Arts d’Aix-en-Provence où je pratiquais la peinture à l’huile, j’ai fait une école de cinéma. Mais c’est seulement en 1995 que j’ai commencé à faire des vidéos avec cette volonté d’utiliser le film projeté contre le mur comme une peinture murale mouvante. Je ne conçois pas que l’on puisse rester assis à regarder un film pour vivre une autre vie. L’évolution des techniques m’a permis d’élaborer mes propres films et j’ai tout de suite développé ce concept de vidéo painting et travaillé comme vidéo jockey dans des festivals. Très vite, ce travail de production de vidéos a évolué vers la chaîne, bien que celles que je diffusais alors relevaient plus de l’entertaining que du mainstream tel que le voulait le marché de l’art. Je n’ai jamais suivi aucun courant et aucune de mes vidéos ne pouvaient, ni ne peuvent encore, entrer dans un classicisme. Elles correspondent toutes, simplement et exactement, à ce que je veux faire au moment où je le fais.

Tu ne mets donc aucune limite à l’expérimentation ?

Que les vidéos soient kitsch ou relèvent d’une sexualité primaire, je les traite de la même manière, avec juste l’intention que se rencontre expérimental et artistique. Il n’est certes pas aisé d’avoir les faveurs du marché avec ce positionnement et j’ai très vite pris conscience que, pour que la chaîne perdure, il me fallait créer une entreprise et développer une véritable économie. Je me suis donc associé en 2001 avec l’ex-chef de l’info de TF1 pour créer la chaîne Souvenirs from earth. Le concept de la chaîne, qui était de diffuser en continu 24/24, 365 jours par an de l’art vidéo, était un peu précoce pour le paysage audiovisuel. Nous avons uniquement produit pendant 4-5 ans des films artistiques pour de grandes marques comme Alain Ducasse, Séphora… 

À quel moment la chaîne Souvenirs from earth a-t-elle commencé à diffuser ?

Mon associé m’ayant quitté, j’ai pris une licence pour faire de la télévision et j’ai commencé à diffuser en octobre 2006. Sur ce premier réseau, tournait en boucle une centaine de films que j’avais réalisés sous 12 pseudos différents. Un projet extrêmement ambitieux que j’ai pu présenter, sur l’invitation de l’Institut français, à Séoul où le public a eu une réaction très positive et a apprécié cette liberté que pouvait offrir la chaîne… Ce projet se distinguait par sa nouveauté et le fait qu’il se détachait à la fois du monde de l’art et de sa dimension marchande, et du monde de la télévision dirigé par des gens qui se substituent au public, qui le détestent et qui se disent que de toute façon le public ne comprendra rien à ce qu’on lui propose… Je suis vraiment en rupture avec ces deux univers. Ce qui fait beaucoup pour un seul homme !

« Television attacked us all our lives, now we can attack it back, now we make our own TV » Nam June Paik

La chaîne Souvenirs from earth est un projet extrêmement ambitieux et qualitatif ? 

Désormais, Souvenirs from earth rassemble près de 3000 artistes. Au point même qu’elle paraît parfois inaccessible à des artistes de grandes galeries ! Le choix des vidéos ainsi que la programmation sont faits par un commissaire d’exposition qui, je l’avoue, n’hésite pas à refuser mes propres vidéos. Je souhaite intégrer dans l’équipe un nouveau curateur pour croiser les regards et introduire de nouvelles esthétiques qui pour le moment, héritées de l’École supérieure des médias de Cologne, sont très « cérébrales ». L’idéal serait de travailler avec trois personnes à plein temps. Si j’ai longtemps financé la chaîne avec la vente de mes oeuvres, je songe désormais à y introduire un peu de publicité même s’il est vrai que ce n’est pas facile de travailler avec les régies publicitaires pour qui nous sommes un peu des ovnis.

Le nom de la chaîne évoque déjà ce côté un peu ovni…

Il reflète bien le positionnement de l’artiste qui doit être un extraterrestre pour apporter un regard distancié par rapport à notre façon de vivre. Il nous met dans la réalité alors que nous sommes conditionnés. Son devoir d’artiste est de contrebalancer ça. Il est comme un alien qui a pour ambition sur terre de montrer des images et la réalité aux gens. Tandis que les autres médias essayent de pointer des choses pour qu’on les pense prioritaires ou de plus d’importance. 

Quel est le principe même de fonctionnement de la chaîne ?

Les artistes nous confient une séquence vidéo – il ne s’agit pas de films entiers – que je diffuse de manière aléatoire sur la chaîne. Les fonctionnalités de la chaîne sont en constante évolution. Nous venons de créer une application pour Apple et Android qui permettra bientôt de cliquer sur les noms des artistes afin d’accéder à leur biographie et leur playlist. Il sera même possible de commenter, partager, et revoir les films, et même de pouvoir les acheter. L’idéal serait que cet essor permette de financer la production des films des artistes.

N’est-ce pas cette volonté d’aide à la création, déjà présente lors de tes premiers projets, qui est moteur de toute cette entreprise dédiée à la vidéo ?

Un des leitmotivs de la chaîne a toujours été de trouver une économie pour la production de vidéos et d’aider les artistes. Mon premier mécène, les hôtels Le Méridien, tout en offrant pendant cinq ans à leurs clients une expérience autre que celle que les chaînes classiques pouvaient proposer, a permis de faire vivre la chaîne et de répondre aux besoins des artistes. La direction des hôtels ayant changé, je dois maintenant me tourner vers d’autres sponsors ce qui, en ces temps de crise, n’est pas facile.

D’autant plus que tu n’es pas dans le conformisme des médias télévisuels classiques…

Que ce soit dans mon travail plastique ou sur la chaîne, je cherche à libérer les images du carcan dans lequel on veut les contenir. Arriver à ce dépassement des limites est vraiment le rôle de l’artiste. Cette dimension transgressive est permanente sur la chaîne. On y voit des choses qui sont contraires à ce que l’on doit faire. Elle a clairement une dimension politique ne serait-ce que par le fait de montrer qu’un autre monde audiovisuel est possible.

Comment décrirais-tu cet autre monde ?

La chaîne propose un monde vu par les artistes et non régi par des intérêts commerciaux.  Il n’y a pas de déterminisme, rien n’est inaltérable, il est heureusement possible d’installer d’autres règles entre les hommes. Les programmes diffusés sur Souvenirs from earth s’adressent à tous les publics, ne sont pas commentés ou orientés comme sur d’autres chaînes qui se veulent culturelles. La chaîne ne favorise aucun entre-soi, ne cultive pas le cynisme.

Comment le milieu de l’art accueille-t-il la chaîne en France ?

La chaîne compte deux millions d’auditeurs sur le réseau télévisuel français, ce qui est autant que Fashion TV et paradoxalement, le monde de l’art feint de l’ignorer complètement. Il me considère comme un ovni avec ce désespoir de ne pouvoir contrôler sa programmation. Étant Allemand et basé à Düsseldorf, la chaîne est considérée comme allemande. J’ai déjà eu des réunions de travail avec des grandes institutions françaises connues pour accompagner la création mais rien n’a pu aboutir car j’ai refusé toute mainmise. Je pense qu’en étant le centre d’art ayant la plus grande affluence en France, mon indépendance est gênante pour eux. Je peux librement choisir les artistes sans me plier à des personnes influentes du milieu de l’art ou au marché régi par des intérêts personnels, à des esthétiques conceptuelles là aussi privilégiées à des fins commerciales, et je peux diffuser des contenus habituellement censurés ou ignorés dans les réseaux classiques. Par ce positionnement, je pratique avec Souvenirs from earth un activisme politique qui a d’ailleurs toujours fait partie de ma vie.

Propos de Marcus Kreiss recueillis par Point contemporain © 2017

 

Infos pratiques
Chaîne Souvenirs from earth disponible
sur Freebox canal 211,
Orange canal 221,
et Bouygues canal 217

www.souvenirsfromearth.tv