PIA RONDÉ & FABIEN SALEIL, CITÉ-FANTÔME, DRAWING LAB PARIS

Pia Rondé et Fabien Saleil s’intéressent à la révélation de l’image. Leur processus de travail est fondé sur le cycle des saisons, sur l’exploration d’un lieu, de paysages naturels, là où une sensation peut renvoyer à un souvenir, un texte. Chaque moment du quotidien, émotions et découvertes peut être pour eux le point de départ d’une image.  À partir de leur collecte de matériaux, d’images, de souvenirs, ils expérimentent diverses techniques, la gravure, la sculpture, la photographie.

Au Drawing Lab, nouveau lieu dédié au dessin contemporain, ce duo d’artistes propose un parcours à travers un monde hors du temps où la perception de la réalité est troublée, une descente dans les profondeurs d’une cité mystérieuse, habitée d’esprits.

Un triptyque de zinc gravé, constitué de trois formats verticaux, accueille le visiteur. Étroits, ils évoquent des cloisons et provoquent d’autant plus le désir de voir et d’imaginer ce qui s’y cache. Dans la grande salle, leur installation « Cité-fantôme » est à expérimenter, à vivre. Elle propose un voyage à la fois physique et mental. A partir de plaques et de panneaux de verre gravés, Pia Rondé et Fabien Saleil ont composé un espace, morcelé d’ouvertures et de fermetures. Les lignes noires dessinent dans l’espace, telles des structures qui guident le regard. Et des surfaces de peinture noire ou d’encre de Chine ainsi que des surfaces argentées miroitantes, aux reflets ponctués de tâches composent un paysage entre jour et nuit, apparition, disparition, rêve et cauchemar. Une certaine puissance et une fragilité émane de cet espace. Le visiteur est incité à faire une infinité de parcours pour découvrir multiples points de vue.  Il se fait archéologue, s’invente un récit, se fait surprendre par les formes sculptées qui ponctuent sa promenade.

Le paysage semble être marqué par des traces d’un événement : Des figures en verre, des présences fantomatiques traversent les parois vitrées. Ces êtres, un chat de cristal noir, une petite grenouille, une corneille, semblent surgir des profondeurs. Ils sont les témoins, gardiens du lieu.

Le voyage se poursuit dans l’autre salle avec un grand tableau mural, espace gravé de lignes, de sillons, de morsures. Des portes ouvrent vers un au-delà mystérieux, un vide dont on ne sait ce qui peut advenir. En se retournant un fragment de corps en verre ressort du mur, un élément qui procure un sentiment d’inquiétante étrangeté.

En revenant dans le labyrinthe de verres, les visiteurs sont incités à chercher l’autre partie de cette curieuse créature. Au fur et à mesure, d’autres êtres se révèlent, vestiges d’une cité enfouie.

Un film conclut ce dédale. Textes et images témoignent de ce lieu qui semble avoir existé, dont il subsistent des restes, des présences, une vie qui se poursuit.

Ainsi, cette œuvre nécessite de prendre le temps de se laisser surprendre, le regard ouvert, sa curiosité renforcée.

Texte Pauline Lisowski © 2017 Point contemporain

Visuel de présentation : Pia Rondé et Fabien Saleil, Cité-Fantôme, © photo Rebecca Fanuele