BRUNO BALTZER ET LEONORA BISAGNO

BRUNO BALTZER ET LEONORA BISAGNO

Bruno Baltzer & Leonora Bisagno, Au-delà, 2021 © Baltzer et Bisagno

PORTRAIT D’ARTISTE / Bruno Baltzer et Leonora Bisagno
par Margot Delalande

ENGLISH VERSION BELOW

Bruno Baltzer et Leonora Bisagno travaillent en collectif depuis 2014. Tous les deux photographes, ils développent ensemble une pratique tournée vers des actions participatives, in situ et des recherches sur l’image contemporaine. 

Ils proposent un travail qui s’appuie sur les sujets de société les plus polémiques comme les LuxLeaks, le Brexit, l’accueil des demandeurs d’asile, les peuples des Premières Nations au Canada, les Wikileaks, la politique de Donald Trump. “Notre travail évoque ce qui est intraduisible, au niveau politique et social. Il est en lien avec ce qui est puissant d’un côté et marginalisé de l’autre”, résume Leonora Bisagno. Les moyens qu’ils mettent au service de leur œuvre sont à la hauteur des sujets géopolitiques qui les inspirent : l’organisation d’une manifestation, une inscription sur un site de neiges éternelles ou une installation de 45m de long sur un monument classé à l’Unesco. 

Leurs œuvres sont liées à un territoire particulier et ce dernier varie en fonction des projets. Ils y séjournent, s’y imprègnent et cherchent à comprendre les enjeux qui l’habitent. Ils mettent alors leur imagination et leur poésie au service des habitant.es de ce lieu. 

C’est de cette façon qu’ils ont travaillé à Briançon (France), sur la Citadelle Vauban. Là-bas, ils ont réalisé leur œuvre Au-delà (2021), qui est une inscription creusée dans le sol. Depuis dix ans, cette ville frontalière est un haut lieu de passage pour les personnes qui cherchent à rejoindre la France, depuis l’Italie, pour trouver refuge. “Le titre renvoie à cette idée d’aller au-delà du désert, de la Méditerranée, de la montagne”, explique Bruno Baltzer avant d’ajouter “pour nous tous et toutes, du capitalisme”. 

Ils se sont également rendus dans le village de Greve in Chianti en Toscane (Italie), région d’où est originaire Leonora Bisagno, pour proposer leur performance et installation Cassiopea (2021). Pour cette œuvre, il s’agissait avec un groupe d’habitant.es d’organiser une manifestation théâtrale, afin de dénoncer la monoculture du vin et l’utilisation massive de pesticides. Les participant.es portaient en procession des légumes contaminés, gravés de slogans. Cette action artistique a permis de lancer une pétition dans le village allant contre les intérêts des grands groupes agroalimentaires des alentours. 

Si je me souviens (2019), qui est également une inscription sur le sol, a été réalisée à Montréal (Canada), dans une ancienne carrière de pierre. Cet endroit est aujourd’hui utilisé comme déchèterie pour les neiges noires, salies par la pollution, qui encombrent la ville. Avec l’aide d’un alpiniste, les artistes ont fait inscrire la devise du Québec “Je me souviens”, en ajoutant la conjonction “si” pour introduire une idée de doute. Comme ils l’expliquent, la devise québécoise vise à se rappeler des origines européennes du Québec, ce qui revient à oublier les peuples des Premières Nations. Quand on cherche à cacher cette neige sale qui gêne le système et oublier la présence des Premières Nations, les artistes insistent sur leur existence. Cette œuvre va à l’encontre du processus d’invisibilisation. 

Leurs œuvres in situ ont une dimension globale. Elles interpellent et sont évocatrices quelque soit sa connaissance de la situation dans laquelle elles ont été créées. Au-delà de toute signification politique, elles restent poétiques et mystérieuses. 

Margot Delalande
Texte rédigé avec le soutien de Kultur | lx – Arts Council Luxembourg

Bruno Baltzer & Leonora Bisagno

Photographers, Bruno Baltzer and Leonora Bisagno work as an artist collective since 2014. Together, they have developed a practice that explores participatory actions in specific contexts, in situ, as well as a research on the contemporary image.

Their work draws on debates around controversial social issues, such as Brexit, LuxLeaks, the arrival of asylum seekers, the First Nations in Canada, Wikileaks, or Donald Trump’s policies. « Our work evokes something inexpressible, at a political and social level. It is connected with power dynamics, on the one hand, and marginalised realities on the other, » explains Leonora Bisagno. The techniques they employ for their works echo the geopolitical events from which they draw inspiration: an organised protest, an inscription in the snowline, or a 45-metre long installation on a UNESCO classified monument. 

The duo’s works are linked to specific regions, varying from project to project. They spend time on location, immerse themselves in the context, and try to understand what is at stake. Then they offer their imagination and poetry to the people who live there. This is how they worked, for example, at the Vauban Citadel in Briançon, France, where they created Au-delà (2021), an inscription carved into the ground. For ten years now, this border town has been a hot spot for people trying to enter France from Italy and find refuge. « The title refers to the idea of going beyond the desert, the Mediterranean, the mountains, » explains Bruno Baltzer before adding « for all of us, beyond capitalism ».

In 2021, they went to Greve in Chianti (a village in Leonora Bisagno’s own region, Tuscany, Italy) to work on the performance and installation Cassiopea. With a group of local residents and performers, they created a theatrical performance that questioned the vine monoculture and mass use of pesticides in the area. One by one, the participants displayed a series of contaminated vegetables bearing slogans. This artistic project helped the launch of a local petition against the big agri-food groups in the region. 

Si je me souviens (2019), another inscription engraved into the ground, was created in an old stone quarry in Montreal (Canada). Today, this site is used as a dumping ground for the black snow – dirtied by the pollution – that clogs up the city. The artists got a professional climber to scratch Quebec’s motto “Je me souviens” (I remember) into the snow, adding a conditional si (if) to introduce doubt. For them, the motto recalls the city’s European roots, essentially forgetting the people of the First Nations. This hidden, dirty snow that hampers the system, combined with the attempt to forget the presence of the First Nations, becomes a work where the artists highlight their very existence: a work that counters the process of invisibilisation. 

Their site-specific works act on a global dimension. They engage and are evocative, regardless of the knowledge that one has of the context in which they were created. Beyond their political meaning – they are also poetic and mysterious. 

BRUNO BALTZER ET LEONORA BISAGNO – BIOGRAPHIE
Bruno Baltzer (Nyons, 1965 – FR) et Leonora Bisagno (Zürich, 1977 – IT) constituent un duo d’artistes depuis 2014, après une série de collaborations et deux démarches personnelles distinctes. Ils vivent et travaillent entre Luxembourg et Florence.

Projets récents et en cours : 2022 Intraduisible, dans le cadre de Manifestiamo, Villa Romana, Florence (IT) ; 2021 Le Voyageur, l’Obstacle, la Grâce, curateur : Akim Pasquet, exposition collective FRAC Provence-Alpes-Côte d’Azur au Centre d’art contemporain de Briançon (FR) ; 2021 Repenser le paysage, exposition collective, curateur : Paul Di Felice, Musée d’histoire et d’art Luxembourg (LU) ; 2021 Cassiopea, performance, Greve in Chianti (FI) 2020 LEAP, Rotondes, Luxembourg (LU) ; 2019 Monumento (s)fatto, curateurs : Alessandro Gallicchio et Pierre Sintès, dans le cadre du projet MonuMed, Villa Romana, Florence (IT) ; 2018 Tâte l’état, Les Limbes, Saint-Etienne (FR) ; Déformation, curateur : Kevin Muhlen, BlackBox, Casino Luxembourg – Forum d’art contemporain, Luxembourg, (LU) ; les expositions collectives: 2018 An image is an image is an image, Arendt & Medernach, Luxembourg (LU), Alla ricerca dell’aura perduta, Galleria regionale d’arte contemporanea Spazzapan, Gorizia (IT).

Bruno Baltzer et Leonora Bisagno ont été les lauréats de la résidence de recherche et de création pour artistes plasticiens, Bourse Focuna, Fonderie Darling, Montréal (CA) et de la Bourse CNA 2020 pour leur projet Démolir la façade en Italie. Leur travail a été présenté lors de conférences et journées d’études parmi lesquelles : 2018 Jamais deux sans trois, si je me souviens, artist talk, Fonderie Darling, Montreal (CA), 2018 Les dialogues de l’urbain, conférence #16, Fondation Vasarely, Aix en Provence (FR), 2016 Projection & artist talk, Musée de l’Elysée, Lausanne (CH). Ils participent à des plateformes et projets collaboratifs, 2021 The broken archive, Villa Romana, Florence (IT) 2018 MonuMed, Monumentalisation et espace urbain dans les Balkans et en Méditerranée, TELEMMe, INHA. Leur première monographie a été éditée en 2018 sous le titre T’est qui toi?.

http://www.baltzer-bisagno.net