Pythie, une exposition de Céline Tuloup

Pythie, une exposition de Céline Tuloup

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Pour son exposition “Pythie” au Conservatoire de Montigny-le-Bretonneux, Céline Tuloup présente plusieurs installations récentes mêlant oeuvres brodées, peintures et céramiques. Ces oeuvres puisent autant dans des problématiques contemporaines liées à l’actualité (écologie, luttes sociales ou encore crise migratoire) que dans l’univers des croyances, de la pensée magique et du chamanisme.

Ces deux orientations nous sont annoncées dans le titre de l’exposition. En effet, dans la religion grecque antique, la Pythie est l’oracle du temple d’Apollon à Delphes. Elle est consultée pour éclairer la cité de ses prophéties. Elle tire son nom de « Python », le serpent monstrueux qui vivait dans une grotte à l’emplacement du site actuel du sanctuaire, et qui terrorisait les habitants de la région autour du mont Parnasse avant d’être tué par Apollon. Cachée aux yeux des consultants, elle tombe en état de transe, comme possédée par le dieu.Ses oracles sont incompréhensibles pour le commun des mortels, et doivent être interprétés par des prêtres qualifiés, présents à la consultation.

A l’entrée de l’exposition, une première installation murale, intitulée “ Pythie ” du même nom que l’exposition, accueille le spectateur. Mêlant toiles brodées et objets divers, elle compose un tableau ésotérique. Les différents objets peuvent être interprétés comme des instruments rituels nécessaires à la naissance de visions. On dénombre ainsi un éventail en plume, une ceinture et des bracelets fluos ornés de grelots, des fleurs séchées, un tambour, des amulettes… L’artiste, ici, se présente telle une pythie contemporaine délivrant ses oracles. Les toiles brodées en tissu fleuri nous offre une partie de ces visions. Sur deux de celles-ci, sont brodées des phrases taggées : “Soulmates never die” et “I scared too but we’ll make it”. Si, au premier abord, ces graffitis tout droit issus de l’univers urbain semblent faire hiatus avec ces toiles fleuris, reflétant un univers féminin intime, ceux-ci se complètent. En effet, ils nous renvoient, tous deux, à une représentation romantique où prédomine la sensibilité et l’émotion sur la raison et la morale. Quelques éléments figuratifs présents sur les. toiles accompagnent ces messages : des traces de brûlures, un coeur, des éléments naturels (serpents, oiseaux, fleurs). Ces messages semblent issus d’un dialogue qui nous est étranger. Demeurant énigmatiques, ceux-ci sont laissés à l’interprétation du spectateur tout comme peuvent l’être, par ailleurs, les graffitis laissés par des anonymes dans l’espace urbain.

Sur deux autres grandes toiles intitulées “Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce” sont représentés des vols d’oiseaux noirs. Ce titre est emprunté à un poème de Voltairine de Cleyre, féministe et anarchiste américaine. Ces toiles évoquent la beauté des manifestations du monde naturel et le lien étroit qu’ils tissent avec le chamanisme. Si ces visions nous apparaissent aujourd’hui banales, elles sont pourtant en voie de disparition en raison des dégâts environnementaux. De par leur titre, elles peuvent aussi être interprétées comme une référence aux luttes sociales et écologiques. Une petite toile représentant un membre du black bloc fait par ailleurs écho à cela. Enfin, deux mouchoirs brodés achèvent l’ensemble du tableau. Sur l’un est inscrit “Paradise”. Cependant sa vétusté contredit le message qu’il renvoie. C’est en effet bien d’un paradis perdu dont il est question ici. Le second mouchoir apparaît alors comme une sentence :: “You will never leave this place”.

Céline Tuloup, vue de l'exposition Pythie. Arbre argent
Céline Tuloup, Arbre argent
vue de l’exposition Pythie.
Céline Tuloup, vue de l'exposition Pythie. Paradise
Céline Tuloup, Paradise
vue de l’exposition Pythie.
Céline Tuloup, vue de l'exposition Pythie. Paradise
Céline Tuloup, Paradise
vue de l’exposition Pythie.

Une série de céramique complète cette installation. De petits paysages composites aux couleurs pastels émergent sur des tas de charbon. Nous retrouvons de nouveau la présence des oiseaux, ceux-ci semblent être les témoins d’un monde en mutation, entre perdition et renaissance.

Une seconde installation murale “Signes noirs” occupe l’autre moitié de l’espace principal d’exposition. Elle se compose de 28 éléments dont 25 broderies, 2 céramiques et une pièce en verre reliées entre elles par des fils. Une partie de ces éléments s’inspire directement d’images puisées dans l’actualité comme « La traversée » , broderie réalisée à partir d’une photographie de migrants sur un canot pneumatique ou encore « L’échouage » réalisée à partir d’une photographie d’un échouage massif de baleine sur les côtes. D’autres sont en lien directement avec l’imaginaire. Cette installation se veut aussi résolument ésotérique par les liens tissés entre ces différents « signes », sans rapport rationnel évident les uns avec les autres. La présence de la couleur « or » est par ailleurs est une référence aux icônes et par-delà à la question de la croyance. « Signes noirs » s’inspire des théories millénaristes ayant cours à notre époque et dans lesquels des événements totalement étrangers les uns aux autres sont reliés entre eux pour être interprétés comme des présages. Elle reflète aussi l’univers en rhizome propre au développement de l’internet où de multiples connexions peuvent se réaliser sans qu’il n’y est de hiérarchie dans les images qui les composent.

Céline Tuloup, exposition Pythie. Installation Errances
Céline Tuloup, vue de l’exposition Pythie.
Installation Errances
Céline Tuloup, vue de l'exposition Pythie.  Installation Errances
Céline Tuloup, vue de l’exposition Pythie.
Installation Errances
Céline Tuloup, vue de l'exposition Pythie.  Installation Errances
Céline Tuloup, vue de l’exposition Pythie.
Installation Errances (détail)

Dans la seconde pièce de l’espace d’exposition, le spectateur est invité à découvrir l’installation “Errances”. Celle-ci comporte quatre bâches brodées de scènes maritimes. Il s’agit d’embarcations, allant du radeau au trois-mâts, naviguant sans but apparent. Plusieurs époques se croisent sur un même plan. On retrouvent ainsi des scènes issues du Moyen-Âge ou de la Renaissance côtoyées des embarcations de migrants surgies de notre époque contemporaine . Les bateaux se frôlent sans jamais sembler se rencontrer.

Ces scènes maritimes sont brodées en blanc tel l’écume sur la mer représentée par les bâches en plastique bleues. Ils apparaissent comme des traces laissées tout au long de notre histoire. La broderie renoue avec sa fonction historique, celle de raconter des histoires. Seulement, il n’y a ici ni début, ni fin. Seules des bribes historiques, des scénettes sont représentées et laissées à l’appréciation du spectateur. “Errances” se veut une ode au voyage, au désir de découverte de nouvelles contrées et par-delà à l’espoir d’une existence meilleure ou d’une nouvelle vie. Cependant la terre promise ici se fait absente. Si elle apparaît, c’est en creux. Une planisphère est en effet découpée dans une couverture de survie suspendue entre ces étendues marines. La couverture de survie, de couleur or, semble ici rongée.

Céline Tuloup, vue de l'exposition Pythie.  Installation Errances
Céline Tuloup, vue de l’exposition Pythie.
Eldorado

Au centre de la pièce, des bâches bleues assemblées en patchwork se présentent tel un tapis composite sur lequel de petits bateaux en papier doré tournent en rond. L’aspect géométrique de cette mer artificielle renvoie à l’aspect factice du découpage des territoires et de leur appropriation. La vulnérabilité de ces embarcations fait écho à la précarité des matériaux utilisés pour l’ensemble de l’installation. Elle se veut un reflet de l’incertitude quant aux destinées de ces traversées.

Céline Tuloup, vue de l'exposition Pythie
Céline Tuloup, vue de l’exposition Pythie

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