[FOCUS] Rémi Dal Negro, Aura

[FOCUS] Rémi Dal Negro, Aura

Focus sur la série d’oeuvres Aura de Rémi Dal Negro.

Artiste : Rémi Dal Negro, né en 1985. Vit et travaille à Lyon et Marseille. Diplômé depuis 2009 de l’école supérieure d’art de l’agglomération d’annecy.

 

Artiste de l’expérimentation, Rémi Dal Negro commence en 2015 un projet nommé Aura dont le principe est la vectorisation des logos des grandes marques. Connu pour ses créations sonores et visuelles, ce nouveau travail rejoint néanmoins ses précédentes recherches par l’idée de spatialisation avec la mise en évidence d’une architecture intrinsèque au logo et par un travail sur les images « assez vibrantes qui sont plus en train de révéler une sorte de manipulation, un déplacement des choses, une accumulation, d’archivation. »

Propos de Rémi Dal Negro recueillis le 15 novembre 2015 :

« Actuellement en résidence aux Ateliers de la cité (Sextant & +) à Marseille, une ville où la signalétique visuelle est omniprésente spécifiquement par le port de vêtements de sport de grandes marques, j’ai entamé un travail sur les logos des multinationales. J’effectue la vectorisation de signes très reconnaissables de grandes enseignes privées ou publiques. Ainsi, j’ai déjà vectorisé les logos du sportswear comme Adidas, Nike, New Balance, Fila…, ceux des grands groupes privés tel que Bouygues ou encore des structures comme Pôle emploi.

Pour cela, j’utilise Adobe Illustrator qui est un logiciel de vectoriel. Il me permet de faire évoluer les contours des logos par épaississement et aplatissement des transparents. En multipliant ces actions, le contour est successivement vectorisé en fonction de son épaisseur et de son trait de départ. Cette succession crée une multitude de points et de traits qui les relient. L’idée de travailler sur le logiciel même qui sert aux industries à la création de leurs logos est essentielle. Je génère une architecture structurelle très intense avec un nombre important de micro détails. Chaque logo par sa forme nécessite un process différent. Je peux soit faire une seule passe, soit les multiplier, jusqu’à dégager une forme intéressante. À chacun des transparents, le calculateur prend en compte la ou les précédentes vectorisations amplifiant de manière exponentielle l’ensemble. S’il m’est possible d’expanser le logo indéfiniment, je peux garder aussi une certaine visibilité par rapport à la forme initiale même si par extrapolation on est tout de même en présence d’un nouvel objet.

Il n’y a pas de processus figé dans ce travail, il s’agit d’une multitude de manipulations, des prospections selon des voies différentes, d’avancées et de retours en arrière pour trouver une forme intéressante.
À chaque étape je fais des choix plastiques. Je ne cherche pas à développer artificiellement une complexité. Je suis au contraire plus attiré par les formes simples. Le résultat produit par l’ordinateur varie en fonction de paramétrages très précis même s’il persiste toujours une part de surprise car il semble lui-même interpréter de manière autonome certains calculs. Il génère en effet des artefacts dont certains ont déjà des formes très intéressantes. Il est possible de les isoler de l’amalgame de lignes et de points produits par l’ordinateur.

Les formes générées peuvent évoquer, de par leur plastique, des éléments très divers : des architectures, des plans de constructions industrielles ou des vues satellites, de véritables compositions picturales en espace euclidien. Tout ce qui a un rapport avec le trait et point. Quand je travaille sur des épaisseurs très fines par couche successive, le résultat donne l’impression d’un flou.

Il y a un aspect abyssal dans ce travail qui n’a pas de limites tant par le nombre de logos sur lequel il est possible de travailler que sur le développement par couche de chacun des logos qui est aussi infini.
Dans ce travail, j’ai vu la possibilité de créer de la profondeur dans des logos qui , pour être immédiatement reconnaissables par tous, sont composés de lignes très simples. Par ces actions de vectorisations successives, je provoque une perte de lecture afin de faire émerger tout ce côté ultra structurel, multinational, gigantesque qu’ils cachent. L’image de pouvoir des grandes enseignes est liée aux hypers structures de la communication.
L’aura est une ligne qui émane autour d’une forme, un rayonnement, une subconnection liée a une sorte de spiritisme.
L’aura dans notre monde ce serait ce qui émane autour de l’écran d’internet, soit le réel. Le problème c’est que la frontière entre la réalité et l’espace virtuel s’amoindrit de plus en plus au point de se confondre. Dans ce projet j’utilise les logos de grands groupes dont le réseau de communication est à la base de leurs révélations et de leurs pouvoirs. J’amplifie leurs contours qui sont leurs seuls moyens de reconnaissances pour faire apparaitre leurs Auras. Elles se révèlent être un réseau de connexions qui exprime une globalisation du signe.
On est dans la démultiplication maximale des moyens de production et de communication. On est dans l’optimisation du temps par la mise en réseau.Nous sommes dans un néo futurisme baroque dont les ramifications internationales constituent des unités de production employant des centaines de milliers personnes. Au point que la question de la sociabilisation et de l’éthique est sous tutelle de la consommation d’image. Et cette consommation d’image est proportionnelle à la productivité de ces grandes multinationales. Nos états sont déja sous tutelle des multinationales. On cherche à nous isoler sous un marasme d’information visuelle.

Une nouvelle ère arrive. Il y a clairement une forme d’aliénation et de mysticisme qui se révèle dans les Auras.

Rémi Dal Negro, Aura "Carrefour 2.2"
Rémi Dal Negro, Aura « Carrefour 2.18 »
Pour en savoir plus :
Rémi Dal Negro présentera AURA V.- pour l’événement bibliothēca (1).
AURA V.- est une édition de 16 pages au format A2 ouvert constituant une première archive de la série Aura.
Cet objet est à la fois un support de communication comparable à un journal,
un répertoire de plan de construction pouvant faire émerger de futures pièces dans le cadre de la série et une archive des donnés de productions des Auras.
C’est un catalogue de possible à consulter comme une grande brochure commerciale de cuisine sur mesure présentée en plan éclaté.

Lors de sa prochaine exposition personnelle à la Galerie Eric Mouchet, une partie des Auras sera imprimée sur des bâches plastiques dans des dimensions avoisinant les deux mètres avec une structure métallique comme des kakémonos afin de rendre visible tous les détails des vectorisations. Ces Auras seront perçues comme des objets et se rapprocheront ainsi par leur forme et taille des supports habituels de la communication.

(1)bibliothēca, Books, Prints, Editions, Music, Design curated by Aurélie Faure aka Katarina Stella, du 17 au 24 décembre 2015, Under Construction Gallery, 06 passage des Graviiliers 75003 Paris.

Visuels tous droits réservés Rémi Dal Negro.