Territoires silencieux, Sélection Internationale FIAV 2018, Casablanca Maroc

L’art vidéo peut être appréhendé comme un territoire en constance redéfinition. La sélection internationale du FIAV 2018 « Territoires silencieux » questionne la limite (le chemin qui borde entre deux frontières), la zone, l’intervalle, la borne, le tracé, le barrage, l’extrémité, le point de séparation et les lignes de démarcation entre les sociétés multiculturelles. Les vidéos de la sélection posent plusieurs questions : mais qu’est-ce qu’un territoire ? Est-il illimité comme l’horizon ? Il apparaît pourtant comme une borne à ne pas franchir ici et maintenant. Tout territoire est une frontière, il construit et déconstruit, entre ligne de fuite, fissure, fracture, bord, il crée marge, clôture, zone, ghetto. Comment passer d’ici à là-bas ? Entre là-bas et ici ? Entre le dehors et le dedans ? Le péril est en effet au coeur de la traversée. Il s’agit de voir, entendre, penser, écrire et lire « entre » les bords ou les rives de ce « nulle-part » difficilement habitable. Comment se tissent et se déploient les liens entre art vidéo et territoires ? C’est à cet ensemble de questions que tenteront de répondre les treize vidéastes invités pour la sélection internationale « Territoires silencieux », à travers un ensemble de treize œuvres vidéo. Comme lieu de conquête, cette sélection interroge aussi la question de la transmission et du passage d’un lieu a un autre ou la vidéo vient au secours des territoires délaissés. Une réflexion sur le statut de l’art vidéo comme enregistrement de territoires contradictoires.

C’est une sélection d’œuvres fédératrices avec un dispositif d’éducation à l’art vidéo, qui a pour objectif de sensibiliser et d’initier à la lecture et à la pratique artistique, en croisant les différentes manières de « faire la vidéo », de la regarder et de l’énoncer. Il s’agit de favoriser le développement d’une politique artistique et culturelle au sein de la ville de Casablanca, de créer un espace commun d’échange autour de l’art vidéo. La pratique des vidéastes invités pour cette sélection à travers leurs projets, témoigne que le territoire peut être un lieu neutre, un « non-lieu », un entre-deux, avec une spécificité de n’être ni l’un ni l’autre, ni ce bord-ci, ni ce bord-là. Il chemine entre deux bords, entre deux demeures, entre deux domaines qui ne pourront jamais se joindre. Un espace de personne – no man’s land – le neutre « même » de la limite, celle de toute frontière, de toute surface, le traçage actif de la différence et de l’opposition.

Il s’agira dans cette sélection internationale de créer des « seuils », d’aménager des interstices pour explorer les conjonctions et les disjonctions liées à ces questions de frontières et de territoires, faisant ainsi écho aux propos de Paul Ardenne, Pascal Beausse et Laurent Goumarre dans leur ouvrage commun L’art comme expérience : « Les artistes sont aujourd’hui des passeurs. En recyclant des images, réelles ou fictionnelles, ce qu’ils proposent, ce ne sont plus des œuvres, ni même des objets d’art, mais des processus, des propositions de situation à expérimenter en commun.»

mohamed thara
Commissaire de la sélection internationale
FIAV 2018, Casablanca

Visuel de présentation : Ismail Bahri, Source, 2016. Courtesy artiste.