WILL RYMAN

WILL RYMAN

Festival 100 % Parc de La Villette

 

« Mon travail de création trouve ses origines dans cet état de pensée qui se situe avant la conscience. Je réfléchis le moins possible à ce que je suis en train de faire avec cette particularité pour la série Heads de les avoir sculptées les yeux fermés. »  Will Ryman

 

Dans le cadre du festival 100%, événement multidisciplinaire qui investit le parc de La Villette chaque printemps à Paris depuis 2016, l’artiste américain Will Ryman présente pour la première fois en France trois installations sculpturales en correspondance avec l’identité de ce lieu en perpétuelle évolution depuis sa création. Une proposition dans la continuité des précédentes sculptures monumentales que l’artiste positionne dans l’espace public (The Roses, 2011 le long de Park Avenue à New York ou Bird, Flatiron Plaza, New York, 2013) et par lesquelles il favorise une ouverture de l’art au plus grand nombre. Pour Will Ryman, l’interaction avec les passants, la manière dont ceux-ci s’approprient l’œuvre et la manière dont elle vient interrompre un itinéraire parcouru quotidiennement et éclairer le moment d’une vie, fait partie intégrante de l’œuvre d’art. Ses réalisations ont la particularité d’ouvrir notre champ de vision à un imaginaire, au jeu, ou encore à la méditation. Créant un lien métaphysique dans l’espace qu’elles occupent, elles incitent à la perte des repères et participent à créer une harmonie dans l’espace public. À l’opposé des images promotionnelles qui envahissent les villes, ses réalisations ont un caractère immanent qui nous libère de nos aliénations quotidiennes. En s’éloignant de la figuration, les sculptures Heads, Sisyphus et Pac-Lab, présentées au Parc de La Villette (Paris, 2018), deviennent les intercesseurs nous permettant d’accéder à un autre état de conscience. 

Quel rapport entretenez-vous avec la ville dans votre histoire personnelle ?

Je n’ai jamais vécu ailleurs que dans la ville de New York. J’ai grandi à Greenwich village, au sud de la 14e rue. La ville est une part essentielle de mon enfance, de mon expérience de la vie. J’y faisais du sport et m’amusais avec les autres gamins dans les rues du quartier. J’aime la façon dont elle se décompose en quartiers qui, même voisins, sont très différents, un peu comme si chaque quartier de New York était une ville à part entière. Cette diversité m’a toujours attiré. Beaucoup de gens habitant un quartier n’ont jamais voyagé dans celui d’à côté. Même s’ils n’ont pas de raison particulière de ne pas le faire, ils ne le font pas. Aujourd’hui encore, même si cette identité de quartier s’est sans doute atténuée, elle demeure encore. 

Que cherchez-vous à produire en installant une sculpture dans l’espace public ?

Mon but est de provoquer une réaction. Je tente de marquer la journée des passants d’une manière positive en espérant toujours que mon installation suscite de la curiosité. 

« J’essaye d’amener un peu d’enchantement dans le quotidien des gens. »

 

Comment ces villes modernes transformées en mégalopoles interragissent avec votre travail ? 

La ville est un outil très important dans le développement de mon travail. Je suis sensible à son caractère cosmopolite. Il y a une certaine beauté à voir désormais rassemblées toutes les cultures du monde dans une même ville. J’aime y rencontrer aussi tout type de personnalités, sentir les interactions entre les gens. J’aime ressentir cette vie citadine, son énergie. Cette dimension a toujours été très importante dans mon travail, notamment dans mes œuvres plus anciennes qui étaient vraiment très connectées à la ville de New York. Je m’asseyais dans les escaliers de secours des bâtiments et je regardais les gens marcher dans la rue, la vie passer. J’écrivais à ce moment-là des pièces de théâtre où se retrouvaient les scènes de vie qui s’étaient déroulées devant moi et les images de l’effervescence de la ville. 

Une sensation que vous avez également éprouvée dans le Parc de La Villette à Paris ?

Je crois qu’il n’existe un tel lieu nulle part au monde. Toute ville devrait être pourvue d’un tel espace où se côtoient des cultures très différentes. On y rencontre des gens de tous les horizons qui sont là dans le vivre ensemble. Avec la philharmonie, le conservatoire de musique, la cité des sciences, le théâtre, les arts plastiques… toutes les formes d’art sont représentées et sont disséminées dans le parc comme le sont mes sculptures. Et je me suis dit que pour connecter des cultures très différentes, le Parc de la Villette était le bon endroit pour installer mes pièces ! Tout mon travail est en effet centré autour de l’objectif de créer un lien social. C’est pour moi la fonction la plus importante de l’art qui a pour mission de connecter les gens quelles que soient leur origine culturelle et le milieu d’où ils viennent. Quand on visite le MET, on réalise que la vocation de l’art, qui est de rassembler les gens, a toujours existé. J’ai le sentiment de perpétuer cette fonction de l’art. Cela me donne beaucoup d’espoir. L’art est la plus belle chose que l’Humanité puisse offrir. 

Des connexions dont l’oeuvre d’art se fait le catalyseur ?

Ce qui m’intéresse le plus est le processus inconscient qui articule notre pensée. J’essaye de rendre compte de ce qui se passe dans notre esprit, de ce qui précède les idées. Toute forme de créativité relève d’un processus inconscient qui se développe dans notre tête échappant à tout contrôle. Pour le Parc de La Villette, Sisyphus, Pac-Lab et Heads, sont des oeuvres qui sont toutes trois d’ordre conceptuel, liées à dada et au Surréalisme. Heads, dont le nom est tiré de répliques de la pièce de Samuel Beckett En attendant Godot (1948) fait référence au théâtre de l’absurde. Le temps nous dira quelles connexions ont pu se faire et comment les gens ont réagi face à elles. 

Les formes abstraites de la série Heads ou de Sisyphus n’expriment-elles pas une liberté de création échappant au contrôle de la pensée ?

Il est possible de dire que dans cette expérience tridimensionnelle des matériaux, je sculpte une pensée inconsciente et dans Heads des images de l’inconscient. Les deux principes essentiels qui me guident, sont l’intelligence et l’émotion. C’est l’articulation des deux qui génère de la pensée. Celle-ci ne peut exister sans l’un des deux. Les scientifiques tentent de générer de la pensée artificielle, mais le fait qu’il manque l’émotion, fera que, quelle que soit l’avancée technologique, elle ne sera qu’un programme implanté dans une machine. 

Vos œuvres ne représentent-t-elles pas l’acte de création lui-même ?

C’est exactement ce que j’essaye de faire. Il n’est pas possible de mieux le dire. Tout est basé sur le processus pour arriver quelque part. Finalement, ce n’est pas le résultat qui compte mais le chemin que l’on suit pour l’atteindre.

 

Entretien réalisé par Valérie Toubas et Daniel Guionnet initialement paru dans la revue Point contemporain #9 © 2018 Point contemporain

 

Infos pratiques

Du 22 mars au 16 septembre 2018,
WILL RYMAN

dans le cadre du festival 100 % Parc de La Villette, 211, avenue Jean Jaurès 75019 Paris.

 

 

Will Ryman
Né en 1969 à New York.
Vit et travaille à New York.

www.willryman.com

Will Ryman, Pac-Lab, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Pac-Lab, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Pac-Lab, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Pac-Lab, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Pac-Lab, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Pac-Lab, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Heads, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Heads, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Heads, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Heads, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Heads, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Heads, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Heads, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Heads, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Heads, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Heads, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Heads, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Heads, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Heads, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Heads, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Sisyphus, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Sisyphus, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Sisyphus, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Sisyphus, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Sisyphus, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Sisyphus, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman (c) Hyphen
Will Ryman (c) Hyphen
Will Ryman, Pac-Lab, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images
Will Ryman, Pac-Lab, 2018 (c) Will Ryman, photo Antoine Antoniol-Getty Images