AURÉLIE FERRUEL ET FLORENTINE GUEDON, LA SUÉE DU DINDON

AURÉLIE FERRUEL ET FLORENTINE GUEDON, LA SUÉE DU DINDON

Aurélie Ferruel et Florentine Guédon, Annie Jean-Rose, 2019
photo : A. Pichon/Le 19, Crac

EN DIRECT / Exposition La suée du dindon d’Aurélie Ferruel et Florentine Guedon jusqu’au 23 août 2020, Le 19 Crac Montbéliard

Légendes, traditions (rituels, costumes), récits d’habitants et savoir-faire locaux constituent la matière première du travail de ces deux artistes d’origine rurale, dont les recherches en amont des œuvres relèvent d’une démarche anthropologique au cœur de laquelle se situe la rencontre et le partage avec l’autre. En 2010, elles unissent leurs deux outils de travail, l’aiguille à coudre et la tronçonneuse, pour former un duo au nom duquel naîtront toutes les œuvres à venir. En une dizaine d’années de collaboration, elles prennent aussi quelques chemins de traverse pour explorer d’autres techniques, en phase avec cette nouvelle génération d’artistes qui a entrepris de renouer avec des techniques traditionnelles ou artisanales comme la sculpture sur bois, la broderie, le verre, la céramique, le torchis, etc. A travers une « intelligence » du faire, elles louent la transmission par l’apprentissage pour mieux réactiver, actualiser et questionner coutumes et savoirs collectifs (fest-noz, rassemblement de bikers ou de conscrits, confréries gastronomiques, concours de bûcheron…).

Leurs recherches aboutissent tout d’abord à une production d’objets à la frontière de l’artistique et de l’utilitaire, du fétiche et du symbolique. Les performances – jamais filmées – « chargent » ensuite ces objets d’une énergie chaque fois renouvelée selon les contextes et les rencontres qui les déclenchent. Enfin, chaque exposition génère un agencement – un montage – inédit de ces objets en de nouvelles entités venant libérer de nouveaux récits.

De nombreuses études ont montré combien objets et savoir- faire traditionnels résultent souvent d’un lent métissage dont les provenances géographiquement éloignées contredisent l’idée d’une identité territoriale homogène. Pour Ferruel et Guédon, une actualisation des traditions passe effectivement par leur hybridation à d’autres cultures, garante d’une ouverture à l’altérité revivifiante. C’est ainsi qu’en 2017 par exemple, la performance Nos accordailles, une danse de salutation en hommage à leur collaboration, s’inspire d’un masque à double porteur de Papouasie-Nouvelle Guinée. La suée du dindon n’est pas en reste : s’y entremêlent des visions de basse- cour, de fontaines-lavoirs du Pays de Montbéliard, de sculptures de sable, de chimères et de figures grotesques de Bretagne.

Entre célébration joyeuse et chasse aux faux-semblants ou aux servitudes du folklore, Ferruel et Guédon s’appliquent, avec beaucoup d’humour, à rendre une forme vivante aux traditions, y compris celle, paillarde, qu’une certaine bienséance intellectuelle tend à honnir de nos jours. Vaniteux, cocu, nigaud, dupe…, toute désuète soit-elle, l’expression populaire n’est pas tendre avec le dindon qui prêtera pourtant sa plastique à la fontaine transpirant au centre de l’exposition du 19. En ravivant cette mémoire langagière, La suée du dindon propose de se réconcilier avec une forme d’idiotie, celle dont a fait l’éloge une lignée d’artistes allant de Marcel Duchamp à Robert Filliou et Paul McCarthy. Une idiotie permettant de tout recommencer pour mieux aller voir ailleurs, une idiotie insaisissable et fluctuante comme l’eau qui suintera en continu dans cette exposition entre solide et liquide…

En parallèle de l’exposition, Ferruel et Guédon exploreront quelques communes rurales du Pays de Montbéliard lors d’une résidence de recherche et de production. À suivre…

Anne Giffon-Selle

Aurélie Ferruel et Florentine Guédon, vue d'exposition La suée du dindon, 2020, Le 19, Crac
Aurélie Ferruel et Florentine Guédon, vue d’exposition La suée du dindon, 2020, Le 19, Crac
Aurélie Ferruel et Florentine Guédon, La suée du dindon, 2020
Aurélie Ferruel et Florentine Guédon, La suée du dindon, 2020
photo : A. Pichon/Le 19, Crac
Aurélie Ferruel et Florentine Guédon, Tripailles, 2020
Aurélie Ferruel et Florentine Guédon, Tripailles, 2020
photo : A. Pichon/Le 19, Crac
Aurélie Ferruel et Florentine Guédon, Tripailles, 2020
Aurélie Ferruel et Florentine Guédon, Tripailles, 2020
photo : A. Pichon/Le 19, Crac

FERRUEL / GUEDON – BIOGRAPHIE
Aurélie Ferruel, née en 1988.
Florentine Guédon, née en 1990.

http://ferruelguedon.com

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