COURANTS VERTS, UNE EXPOSITION AU CŒUR DES ENJEUX ACTUELS

COURANTS VERTS, UNE EXPOSITION AU CŒUR DES ENJEUX ACTUELS

Nicole Dextras – Vue d’exposition « Courants Verts, Créer pour l’environnement », du 16 septembre au 31 janvier 2021, espace Fondation EDF Paris – Commissariat Paul Ardenne. Photo Nikolai Saoulski

AUTOUR DE L’EXPOSITION / « Courants Verts, Créer pour l’environnement »
Du 16 septembre au 31 janvier 2021, espace Fondation EDF Paris
Commissariat Paul Ardenne

Courants verts, une exposition au cœur des enjeux actuels

par Pauline Lisowski

« Courants verts » donne la parole à des artistes de tous horizons, engagés envers les questionnements liés à l’écologie. Ils incarnent une mouvance qui influe un nouvel air à la période anthropocène que nous vivons. 

Suite à son exposition consacrée à l’arbre à l’espace Topographie de l’art1 et à son ouvrage Un art écologique2, déjà réédité, Paul Ardenne développe à la fondation EDF un projet curatorial qui tend à nous faire prendre conscience des pratiques artistiques centrées sur le vivant, les enjeux qu’imposent le changement climatique et les manières dont nous considérons notre environnement. Nombreuses sont ici les vidéos qui témoignent d’expériences in situ, d’œuvres au contact des éléments naturels, de processus de croissance et d’investigations concrètes pour faire changer nos manières de vivre.

Les artistes se font acteurs de projets qui se déploient en plein air, en relation avec différents acteurs, principalement des scientifiques et en collaboration avec de multiple êtres vivants, arbres, coraux, animaux. La scénographie permet d’aborder chaque œuvre avec un regard attentif et de comprendre les intentions défendues par les artistes. Un aspect quelque peu didactique, pédagogique et engagé émerge de cette exposition. Toutefois celle-ci nous invite à prendre le temps de contempler des paysages, des vues de milieux naturels explorés et des actions qui impliquent le corps de l’artiste dans sa relation à l’environnement. Certaines œuvres nécessitent d’être expliquées, racontées, témoignées par les propos de l’artiste tandis que d’autres se laissent aborder de façon plus sensible. 

Les artistes, travaillent « par l’exemplarité, par incitation, de façon, toujours, suggestive, et non pas autoritaire » selon Paul Ardenne. Ils commencent à nous mettre en garde contre l’urgence des bouleversements climatiques que connait la planète. L’écologie implique une dimension humaine, une expertise du terrain, un protocole, la volonté d’une transmission et un désir d’allier l’action directe à la poésie. Trois axes, avertir, agir, rêver sont développés et guident le parcours de visite. Plutôt que de regrouper les œuvres selon ces thèmes, Paul Ardenne a préféré laisser la place à la déambulation, propice au voyage et à la découverte. Des codes couleurs réunissent les travaux d’artistes contextuels dans cette traversée aux quatre coins de la planète.

Au rez-de-chaussée, la pièce d’Acroyd et Harvey nous accueille et témoigne d’une prise en considération de l’animal. Le duo d’artistes Lucy et Jorge Orta propose Symphonie for Absent Wildlife (Symphonie pour une vie sauvage absente) qui rend compte des performances lors desquelles ils donnent à entendre les chants d’espèces animales disparues ou menacées. Le film s’accompagne des masques en feutre que revêtaient les choristes. Cette œuvre nous invite à écouter des sons d’espèces en voie de disparition et dont il faut désormais prêter attention.

Le wall painting qui reprend les codes du planisphère de Christiane Geoffroy représente le rapport entre le taux d’émanation de CO2 de chaque État et son PIB (produit intérieur brut).

À l’étage, la vidéo de la performance de Sarah Trouche renforce l’engagement de l’artiste dans sa posture et interroge notre Humanité. L’artiste, à l’écoute des personnes qu’elle rencontre met en lumière une cause écologique et fait de son corps, le porte-parole d’un enjeu. 

The flood de Maria Theresa Alves a pour origine la catastrophe qu’a subi le village au Brésil dont sa famille est originaire. Ses œuvres sous forme de fragments, aquarelles, objets, textes donnent la parole à des témoins et tend à nous faire prendre conscience des événements qui fragilisent un territoire.

Les artistes inventent des protocoles de construction, s’engagent dans la reconstruction de territoires fragilisés.

Joseph Beuys est un des premiers artistes qui nous incite à prendre conscience de l’importance de l’arbre en ville. Son action politique continue de marquer une génération d’artistes investis envers la place de cet être vivant, notamment en milieu urbain. Pour rendre compte de son action, sa pelle (œuvre) est accompagnée de documents d’époque ou tirés d’un livre qui étudie de très près cette œuvre. Dans la continuité de ses pratiques et influencé par la démarche de cet artiste, Thierry Boutonnier a installé sa mini pépinière d’arbres recueillis en ville qu’il transplante pour préserver les espèces qui se sont acclimatés aux conditions rudes imposées par l’espace urbain.

Avec Corail artéfact, Jérémy Gobé allie la science à l’artisanat pour tenter de sauver le corail de blanchiment. En coopérant avec des scientifiques et avec des entreprises de textile, il a conçu une dentelle permettant à terme d’envisager la sauvegarde de cet animal marin. 

Khvay Samnang se fait arbre à caoutchouc et se promène dans les zones plantées d’hévéa, espèce destructrice de la biodiversité. L’artiste incarne un être vivant hybride qui met en évidence un milieu fragilisé. 

D’autres artistes créent des œuvres invitant à rêver à un monde plus en harmonie avec le vivant et quelque peu utopique. La Shared Propulson Car de Michel de Brouen est un véhicule qui implique un ralentissement. Le moteur a été remplacé par un système à pédales. La voiture devenue ainsi légère incarne un retour à la force-motrice de l’homme et un désir de réduire la pollution.

L’arbre aux quarante fruits de Sam Van Aken est une œuvre, ode aux espèces disparues. L’artiste invente un nouvel arbre fruitier qui suscite l’émerveillement et nous incite à restaurer notre lien à une culture plus saine des fruits. 

Le végétal se retrouve dans la robe de mariée en plantes de Nicole Dextras qui symbolise l’union de l’homme avec la nature. L’artiste remet en question le monde de la mode et nous propose d’autres manières de concevoir les tissus.

Fernando Prats associe la nature et principalement la fumée au processus pictural. Ses toiles enfumées sont d’abord disposées en extérieur et sont ensuite transformées au gré de la météo aléatoire. L’artiste privilégie le travail des éléments naturels et des phénomènes à celui de l’homme. Il recueille ses œuvres réalisées par l’action de mouvements, de remous dans le temps.

L’installation de Nathan Grimes a ce quelque chose de mystérieux qui nous conduit à nous laisser croire à un chant possible d’un arbre.

La nécessité d’un engagement envers l’écologie, dont on parle de plus en plus, apparait également à travers la Bande Dessinée. Les thèmes de l’apocalypse, de la catastrophe, de la force des éléments apparaissent dans ce 9e art. 

« Courants verts » a une allure de manifeste pour songer à des façons de lutter contre les bouleversements climatiques. Cette exposition dévoile l’émergence d’une dynamique artistique impliquée dans une restauration et un soin envers les êtres vivants. Les artistes prennent la mesure de l’urgence des enjeux du contexte d’une nature fragilisée. Ils innovent, procèdent par expérience et par recherche action pour inventer des formes de vie nouvelles ou des instruments pour explorer l’environnement. Ils redonnent de la vigueur à la force des éléments et certaines œuvres nécessitent un temps long pour comprendre l’enjeu qu’elles convoquent. 

Un ouvrage3 enrichit cette exposition par des ouvertures sur des pensées de spécialistes proposant des relations entre art et écologie. Ce livre déploie des réflexions et des investigations d’acteurs qui soutiennent des pratiques artistiques ainsi exposées à la fondation EDF.

1 – « Dendromorphies – Créer avec l’arbre », exposition collective à l’espace Topographie de l’art, du 26 janvier 2016 au 11 janvier 2017
2 – Paul Ardenne, Un art écologique, création artistique et anthropocène, Editions Le bord de l’eau, septembre 2019
3 – Paul Ardenne, Lauranne Germont, Bénédicte Ramade, Alice Audouin, Courants verts, Editions le bord de l’eau, 2020

Pauline Lisowski

Jérémy Gobé, Corail Artefact. Vue d'exposition « Courants Verts, Créer pour l'environnement », du 16 septembre au 31 janvier 2021, espace Fondation EDF Paris - Commissariat Paul Ardenne
Jérémy Gobé, Corail Artefact.
Vue d’exposition « Courants Verts, Créer pour l’environnement », du 16 septembre au 31 janvier 2021, espace Fondation EDF Paris – Commissariat Paul Ardenne
Photo Nikolai Saoulski
Christiane Geoffroy, La dérive des continents, 2010. Vue d'exposition « Courants Verts, Créer pour l'environnement », du 16 septembre au 31 janvier 2021, espace Fondation EDF Paris - Commissariat Paul Ardenne
Christiane Geoffroy, La dérive des continents, 2010.
Vue d’exposition « Courants Verts, Créer pour l’environnement », du 16 septembre au 31 janvier 2021, espace Fondation EDF Paris – Commissariat Paul Ardenne
Photo Nikolai Saoulski
MICHEL DE BROIN SHARED PROPULSION CAR, 2007. Carrosserie de voiture modifiée (Buick Regal, 1986), pédaliers, sièges et bougies. Dimensions : 510 x 182 x 139 cm. Vidéo. Durée : 3’ 48”. Documentation juridique. Collection FRAC Poitou-Charentes (Région Aquitaine). Photo Collection FRAC Poitou-Charentes
Michel de Broin, Shared propulsion car, 2007. Carrosserie de voiture modifiée (Buick Regal, 1986), pédaliers, sièges et bougies. Dimensions : 510 x 182 x 139 cm. Vidéo. Durée : 3’ 48”. Documentation juridique. Collection FRAC Poitou-Charentes (Région Aquitaine)
Photo Collection FRAC Poitou-Charentes

EXPOSITION
Courants verts
Créer pour l’environnement
16 septembre 2020 — 31 janvier 2021
Commissariat : Paul Ardenne

Artistes
Ackroyd et Harvey, Maria Thereza Alves, Joseph Beuys, Janet Biggs, Thierry Boutonnier, Michel de Broin, Nicole Dextras, Couturier Lafargue, Christiane Geoffroy, Jérémy Gobé, Nathan Grimes, Olga Kisseleva, Janet Laurence, Barbara et Michael Leisgen, Lucy et Jorge Orta, Fernando Prats, Jean-François Robic, Jacques Rougerie, Khvay Samnang, Sarah Trouche, Sam Van Aken