Célia Coëtte, Bâtir en détournant fluidifiant

Célia Coëtte, Bâtir en détournant fluidifiant

Invitée par la galerie Au Médicis, l’artiste Célia Coëtte a proposé, du 11 au 18 septembre, l’exposition « Architectures réemployées réinventées ». Il s’agissait au début d’une rencontre avec l’architecte Renaud Haerlingen de l’agence ROTOR (spécialiste du réemploi des matériaux de bâtiments en voie de destruction – l’agence est intervenue en préfigurant la fondation Lafayette Anticipations, avant l’intervention finale de Rem Koolhaas). Puis, de cette rencontre lui est venue l’idée de réaliser cette exposition autour du réemploi d’éléments architecturaux dans le processus artistique, et d’inviter une série d’artistes et d’architectes pour répondre à ce sujet lancé. Retour sur quelques œuvres présentées.

A l’entrée, une tour en terre tente de s’ériger : Kairos (2017). Travaillée à l’aide d’une sorte de pilier fait de fers à béton cernés de terre, cet amas, qui tient, nous rappelle la dure et éternelle mission de cet élément d’architecture qu’est la colonne ou le pilier. Elément premier de toute construction, debout comme brisé, il garde toujours une teneur tragique qui palpite car, voué à l’éphémère. Julia Gault est la sculptrice. Au bout de sa sculpture : son intention, qui est, peut-être (on ne saurait saisir d’une traite le but d’une œuvre si tant est qu’elle en ait un précis), de produire selon d’autres modalités de création. Non plus « bâtir » sans se soucier des dommages exercés sur la nature, mais « garder debout », lisse, cette tour en terre – vouée à tomber à cause de la pesanteur – le temps de l’exposition et, surtout, la re-disperser dehors une fois l’exposition terminée. Continuer à bâtir, différemment certes, mais continuer. Et créer une relation poétique entre ce pilier, élément industriel, et la terre. Comme cette œuvre de l’artiste plasticienne Caisa Sandgren intitulée Toile de souvenirs (2018), faite de bouts de fils de fer. Matériaux qui deviennent sous l’imagination de l’artiste un amas de fils de fer emboités les uns sur les autres formant des séries de lignes de cubes, formant eux des souvenirs de pièces d’appartements qu’elle se souvient avoir vus. Ces matériaux d’architecture font le pas inverse, reviennent dans la schématisation, dans la conceptualisation. Dessin dans l’espace, coin d’imagination, cette installation est probablement une préfiguration d’une architecture future rêvée par l’artiste.

Et puis cette tige…

Cette sculpture (installation ?) de l’artiste plasticienne Célia Coëtte faite d’une grande tige en fer à béton (qui continue en son haut en se pliant, se divisant en plusieurs autres tiges, formant comme une sorte de chapeau)  avec, en son bas, du ciment. En regardant l’œuvre, on imagine (ou pas)  ces formes qui recouvrent ou qui ont pour fonction de couver (parapluie, palmier…). 

(On pense surtout à ces « représentations exotiques » qui ne sont, à chaque fois, que le fruit d’une défaite d’une relation à l’autre – ce qui est « exotique », ne l’est qu’au regard d’un œil qui fantasme, qui délire, qui ne voit ni l’ « autre » ni le « différent ». La figure du palmier est un bon exemple. A lui seul, il est le signe de l’ailleurs et le symbole d’une vie douce et paisible. Mais la force de l’œuvre de Célia Cöette tient au fait qu’elle ne fait qu’évoquer. Elle n’est ni critique ni éloge de l’exotisme. On a beau chercher l’intention de l’artiste pour accoler une signification à l’œuvre, on ne tombe que sur ce trait d’humour, qui est le titre de l’œuvre : Sans Ombrage. Célia pratique ici l’art du dévoilement pour que l’on ne saisisse que l’image nue, l’image-exotique qui, malgré le fait qu’elle ne soit qu’une réduction de paysages (exemple : le palmier) et, donc, qu’un stéréotype, reste l’image d’un désir d’ « autre chose ». Comme le palmier qui reste le signe d’un désir d’évasion. Et c’est de ce coin (même pauvre) de rêveries, que l’artiste dégage des possibles, comme ce  fer-à-béton-palmier, ou ce palmier-fer-à-béton. Et cela, dans le but de faire dire autre chose que ce que les matériaux semblent dire.)

L’artiste tente probablement ici de poétiser le monde industriel. De redéfinir le flot du réel. De décontextualiser puis re-contextualiser pour fluidifier les matériaux et créer des tensions nouvelles. A partir d’impossibles, à partir du réel qui cogne, de la matière et de sa signification à priori : bâtir en détournant pour re-fluidifier. Pour nous permettre de sortir de nos vues parfois réductrices et systématiques, de nos idées en bloc, qui ne conviennent plus à notre ère numérique et digitale, de nos architectures encore trop pérennes et fières de leur puissance, pour approcher à chaque fois de nouvelles architectures comme autant de nouveaux lieux de vie souhaitables.

Texte Chris Cyrille © Point contemporain

Infos pratiques

11▷18/09 – ARCHITECTURES REEMPLOYEES REINVENTEES – GALERIE AU MEDICIS PARIS

FREAKS FreeArchitects, Julia Gault, Simon Gérard, Audrey Matt-Aubert, Raphaël Maman, Caisa Sandgren, Célia Coëtte

Visuel de présentation : vue de l’exposition Architectures réemployées réinventées – Galerie Au Medicis Paris. Photo Adrien Thibault

vue de l'exposition Architectures réemployées réinventées - Galerie Au Medicis Paris. Photo Adrien Thibault
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