[FOCUS] Benjamin Sabatier, Sans titre, 2016

[FOCUS] Benjamin Sabatier, Sans titre, 2016

Focus sur l’oeuvre Sans titre, 2016, béton et chêne brûlé.

Artiste : Benjamin Sabatier, né en 1977 au Mans. Vit et travaille à Paris.

Oeuvre : Sans titre, 2016, béton et chêne brûlé

Présentée à la galerie Bertrand Grimont lors de l’exposition One pièce at a time, la pièce Sans titre, 2016, béton et chêne brûlé est la dernière « tentative » de Benjamin Sabatier. L’artiste évoque en effet son travail comme une succession « d’actions » qui sont la concrétisation d’idées, de concepts ou de gestes. Ces derniers expriment dans la réflexion de l’artiste un déplacement du domaine de l’art vers des plans connexes, économiques ou politiques. Le terme d’action qui inclut, lui, une temporalité, une succession d’étapes qu’il lui est impossible de déterminer en amont mais aussi une prise de position. La pièce trouvant son aboutissement au fur et à mesure de sa création, elle résiste en effet à l’idée de produit, au phénomène de marchandisation qui touche le domaine de l’art. Du matériau brut à la finition la plus parfaite, ses oeuvres portent en elles toutes les étapes de ces expérimentations propres au dépassement que seul une oeuvre d’art permet.

Propos de Benjamin Sabatier recueillis le 12 mai 2016 :

 » Le bois brûlé donne le sentiment, comme pour le bois flottant, d’une légèreté,  d’une perte de densité de matière alors qu’il s’agit en réalité d’un bois de chêne extrêmement lourd. Une inversion que l’on retrouve pour le sac de ciment qui donne aussi une impression de légèreté alors qu’il pèse 40 kg.

L’ensemble est un emboîtage pour lequel j’ai dû trouver un équilibre en tronçonnant peu à peu la poutre de bois qui était bien plus longue. Le but étant que la poutre reste en suspension dans l’espace malgré la lourdeur du matériau qui la compose. Ainsi, il y a tout un jeu entre le lourd et le léger. On ne peut pas parler de ready-made, mais plutôt de ce que j’appelle un ready-made modifié dans le sens où j’interviens sur la pièce jusqu’à ce qu’elle trouve son équilibre.

Même si j’ai une idée assez précise des formes qui seront générées, je suis amené au cours du processus d’élaboration à penser d’autres formes. Je ne cherche pas à concevoir une forme équilibrée en amont. En revanche, pour une pièce comme celle-ci, il est important de bien gérer la densité de mon bois afin que la structure s’étire et trouve une certaine amplitude dans l’espace.

Il est important que dans le trajet de la création, j’ai la possibilité de changer de schéma, de bifurquer, qu’il y ait des déplacements dans les formes. Je ne cherche pas à appréhender une pièce de manière empirique.

Ne pouvant pas pré déterminer quel tournant prendra la fabrication de la pièce, je ne peux pas en déléguer certaines étapes. Je parle donc d’expérimentations car je réalise tout moi-même et fais l’apprentissage des compétences qui me seront nécessaires pour réaliser la pièce.

Benjamin Sabatier Vue d'exposition One piece at a time Galerie Bertrand Grimont
Vue d’exposition One piece at a time Galerie Bertrand Grimont

Ma démarche porte sur une critique du fonctionnement économique de notre société, notamment des grandes enseignes commerciales, mais aussi du domaine de l’art. Ce questionnement économique a toujours été présent dans mes travaux par le choix de travailler avec certains matériaux comme le bois ou le béton. On est aussi dans une économie personnelle, une facilité d’action parce que ces matériaux sont disponibles et peu chers.

L’utilisation de ces matériaux est aussi liée à mon histoire personnelle car mon grand-père était menuisier et mon arrière-grand-père était plâtrier. Leurs métiers renvoient tous deux à la construction d’intérieur, l’un concevant des meubles, l’autre des murs en béton ou en plâtre. Au fur et à mesure des années, j’ai redécouvert ces matériaux.

Mon atelier aujourd’hui est une grande menuiserie dans laquelle je retrouve les odeurs qui m’environnaient enfant. D’ailleurs je ne traite pas le bois, je le laisse brut et je ne suis pas non plus dans la maestria de la fabrication. Les formes que je conçois émergent d’elles-mêmes.

J’ai beaucoup réfléchi sur la question de la relation entre la création et le travail. J’ai pour la première fois rédigé le texte de ma propre exposition en m’interrogeant sur la manière dont l’artiste investit le domaine du travail. Je pose la question de la liberté de créer, de la volonté de faire ressortir des formes ou de faire des expérimentations. « 

 

 

POUR EN SAVOIR PLUS SUR L’ARTISTE