Ceija Stojka, une artiste rom dans le siècle, la maison rouge Paris

Ceija Stojka, une artiste rom dans le siècle, la maison rouge Paris

L’artiste Ceija Stojka (1933-2013) est exposée pour la première fois à Paris par la Maison Rouge du 23 février au 20 mai 2018.

L’exposition rassemble plus de cent cinquante œuvres inédites de l’artiste d’origine rom autrichienne. Déportée à l’âge de 10 ans, elle parvient à survivre aux camps de la mort d’Auschwitz-Birkenau, Ravensbrück et Bergen-Belsen. 

Ceija Stoika débute sa vie à l’arrière d’une roulotte au sein d’une fratrie de 6 enfants. Lorsque survient la Grande Guerre, sa famille est déportée et séparée. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, elle grandit dans les camps de concentration avec sa mère, et par miracle réussit à survivre. Ce n’est qu’à l’âge de 55 ans que Ceija Stojka débute un travail d’écriture et s’attèle à la peinture. L’artiste délivre au spectateur des morceaux d’un destin hors du commun, entre nostalgie et tragédie d’une vie de liberté à l’arrière d’une roulotte à une enfance enfermée dans un camp de prisonniers.

L’exposition débute en présentant les origines de l’artiste, qui, sans parler de déterminisme, ont fortement influencé son œuvre. Ceija Stojka est autodidacte, son art est le fruit de son histoire et des souvenirs d’une femme nomade, de par ses origines roms, par son destin tragique de déportée, mais surtout grâce à son esprit artistique et sa force de vivre. 

Nous découvrons les œuvres que Ceija Stojka a réalisées de 1988 à 2012, debout dans sa cuisine à la lumière du matin. Ces peintures inédites sont scénographiées selon une logique thématique et chronologique qui invite le visiteur à découvrir l’évolution artistique de Ceija Stojka au cours de ses 15 années de création. 

Au début de l’exposition, nous découvrons une série de tableaux très colorés. L’artiste témoigne de ces longs voyages en roulottes entourée de ses parents et de ses 5 frères et sœurs. Des œuvres expressives à travers lesquelles transparaît une forte nostalgie, celle d’une vie à traverser les beautés simples du monde. Ceija Stojka nous plonge dans le souvenir d’une enfance bercée par le chant de l’aurore et le bruit des sabots qui raisonne. L’artiste construit sa peinture grâce à des aplats de peinture très vifs, plongeant le spectateur dans une atmosphère onirique. Le temps passe avec les saisons et le ciel sert de miroir aux émotions. 

L’exposition se poursuit sur une série de noir et blanc. Sa qualité d’autodidacte permet à l’artiste de s’émanciper d’une seule manière de faire pour se frotter à différentes techniques. Le spectateur peut admirer une série d’encre où l’artiste fait résonner le son des bottes nazies et l’odeur de la peur. En contraste avec la première salle rappelant  » la vie d’avant « , les salles suivantes témoignent de la froideur des camps lorsque sa mère formait un petit tas de poussière sous la hanche de l’artiste pour protéger son corps fragile. 

Ceija Stojka témoigne. Elle témoigne de la violence de la déportation, les familles séparées, les trains bondés, loin du confort de la roulotte familiale. À travers l’œuvre de Ceija Stojka, le spectateur fait l’expérience des camps grâce à des œuvres à la touche agitée et des couleurs tranchées. 

Dans un long couloir sombre, des scènes de camp aux couleurs vives font face à des cartons de noir et blanc jouant sur les contrastes et démontrant une nouvelle fois la diversité de l’œuvre de l’artiste. 

Lorsqu’on s’approche lentement des encres et peintures, il est surprenant d’apercevoir que la peintre utilise une légère couche de peinture dorée et mordorée comme un voile posé sur cette lutte pour survivre.

Le génie d’une artiste qui témoigne d’une vie de turbulences et de violence usant d’une planéité troublante transpirant d’émotion et de vie. Aurait-elle rêvé Matisse ? Nous ne pouvons l’affirmer. 

L’exposition se termine dans un champ de tournesols marquant le retour à la vie après avoir traversé l’enfer. Nous retrouvons les couleurs de la première salle, ces jaunes, ces roses et ces verts tranchés qui marque la renaissance d’un espoir presque mort à l’image de l’obscurité de la nuit qui laisse finalement place aux couleurs du matin.

Texte Lorraine Pipart © 2018 Point contemporain

 

Vue de l'exposition Ceija Stojka, une artiste rom dans le siècle, la maison rouge Paris © Marc Domage
Vue de l’exposition Ceija Stojka, une artiste rom dans le siècle, la maison rouge Paris © Marc Domage

 

Vue de l'exposition Ceija Stojka, une artiste rom dans le siècle, la maison rouge Paris © Marc Domage
Vue de l’exposition Ceija Stojka, une artiste rom dans le siècle, la maison rouge Paris © Marc Domage

 

 

 

Infos pratiques

Visuel de présentation : Vue de l’exposition Ceija Stojka, une artiste rom dans le siècle, la maison rouge Paris © Marc Domage