DOCUMENTA 14 ATHENES – CHAP. 2 Perspectives historiques : de l’antique au contemporain

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DANS LE CADRE DE « PERSPECTIVES SUR L’ART CONTEMPORAIN GREC »
PAR MARIA XYPOLOPOULOU

TOUT L’ÉTÉ RETROUVEZ SOUS FORME D’ÉPISODES HEBDOMADAIRES LE COMPTE-RENDU DE NOTRE CONTRIBUTRICE GRECQUE MARIA XYPOLOPOULOU SUR DOCUMENTA 14. 

 
Un regard de l’intérieur porté par cette doctorante en art contemporain, en contact avec les artistes et autres professionnels locaux. Alors que le pays est en crise, que dire des propositions des promoteurs de l’art contemporain qui littéralement font d’un pays en ruine leur terrain de jeu, qui scénarisent dans un décor si authentique et si bienvenue, leurs propos sur le monde contemporain. Quelle distance peut avoir un discours quand il correspond si parfaitement à son contexte ? « Documenter » le monde est-il véritablement un geste artistique ? Qu’apporte la contextualisation au concept artistique ? Eléments de réponse avec Maria Xypolopoulou…
 

« Malgré les bonnes intentions de Adam Szymczyk, cette délocalisation de la 14ème Documenta, a parfois été perçue par les Grecs comme impérialiste, et n’a pas manqué de faire polémique comme le montre la biennale d’Athènes se déroulant simultanément qui est intitulé « en attendant les barbares… ». Certains ne manquant même pas de dénoncer une sorte de « tourisme de crise » et de parler de relents impérialistes et d’un néo-colonialisme culturel. » Maria Xypolopoulou

CHAP. 2 PERSPECTIVES HISTORIQUES : DE L’ANTIQUE AU CONTEMPORAIN

Dans Athènes où l’Acropole sert de point de repère au visiteur égaré, l’allusion à l’antique semble incontournable. Alors que Documenta s’est, au cours des 60 dernières années, concentrée sur l’art contemporain, elle présente cette fois-ci de nombreux travaux historiques couvrant des périodes très différentes, de l’antiquité grecque à l’histoire récente par l’évocation des guerres d’Irak et de Syrie. 

Des maîtres de temple apparaissent dans les photographies de la série La monnaie vivante (The living currency, 1970) de Pierre Zucca, photographe usant du noir et blanc avec un sens de la théâtralisation propice à la mise en scène de fantasmes et perversions. En portant ses réflexions sur le classicisme et l’idéal guerrier antique, Daniel Garcia Andujar en montre dans son œuvre Disasters of war (2017) la dimension politique de la guerre, et par extension la manière dont elle devient un moyen de domination économique, culturelle et visuelle. L’artiste espagnol a disposé dans la salle d’exposition des sculptures imprimées en 3-D en référence aux 82 gravures créées par le peintre espagnol Francisco Goya entre 1810 et 1820 critiquant la violence déployée contre la population pendant les guerres entre l’Empire napoléonien et l’Espagne. 

Toujours dans le registre de la guerre, tout le volume du troisième étage du Musée National de l’Art Contemporain accueille le projet de Piotr Uklanski dont l’installation The Greek Way fait référence à la période du la Seconde Guerre Mondiale. L’artiste qui lui-même a invité le duo d’artistes McDermott & McGough à exposer les œuvres de leur série Hitler and the Homosexuals (2001) à côté de sa propre série basée sur le film Olympia de Leni Riefenstahl. 

Le lien à l’expérience traumatique est chez Olu Oguibe dans sa pièce Biafra Time Capsule (2017) extrêmement présent. Il a vécu enfant la Guerre civile nigérienne à la fin des années 1960. Dans son œuvre, le passé est le miroir du présent. Il nous permet de nous rendre compte par la présentation d’articles, de disques, d’ouvrages politiques mais aussi des romans populaires d’espionnage, réunis dans trois vitrines aux couleurs panafricaines, de l’ampleur de cette guerre civile mais aussi de questionner les nombreux événements désastreux et leurs conséquences durables sur l’histoire africaine contemporaine.  

Les œuvres présentées dans la partie grecque de la 14e Documenta se montrent très conscientes du poids de l’histoire indigène qui fonde la culture latino-américaine du XXe siècle. L’artiste chilienne Cecilia Vicuna explicite le passage de l’histoire précolombienne à la mythologie de la Grèce antique. Ses projets sculpturaux composent des poèmes dans l’espace, des « quipoems » par une contraction du poème et du quipu et qui convoquent « un lyrisme en trois dimensions ». L’artiste utilise un type d’écriture précolombienne composé de cordelettes nouées dans sa pièce allégorique Quipu Womb (The story of the red thread Athens, 2017). Des brins géants de laine non traitée, issus d’un fournisseur grec local, teints en cramoisi en l’honneur d’une tradition religieuse syncrétique, évoquant le cordon ombilical aussi bien que le flux menstruel, reliant ainsi les déesses mères andines aux mythologies maritimes de la Grèce antique.

Documenta répond bien à sa vocation de documenter un état du monde, et notamment lors que sont citées précisément des situations politiques complexes ou des guerres, passées ou actuelles, les artistes jouant le jeu de l’archive, exploitant documents et textes de référence. Un traitement de l’événement historique qui, même s’il joue un rôle prépondérant, n’est toutefois pas exclusif avec un déplacement du propos vers des enjeux plus universaux et des développements plastiques laissent ouverts leur propos.

Texte Maria Xypolopoulou © 2017 Point contemporain

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