[EN DIRECT] IN SITU : un dialogue entre l’art contemporain et le patrimoine Occitan

[EN DIRECT] IN SITU : un dialogue entre l’art contemporain et le patrimoine Occitan

Jusqu’au 17 septembre prochain, la région Occitanie accueille la sixième édition de la manifestation IN SITU. Onze sites patrimoniaux étendus sur quatre départements qui accueillent dix artistes contemporains.

Instaurer un dialogue entre le patrimoine Occitan et des oeuvres contemporaines, c’est l’ambition de la manifestation IN SITU qui depuis six ans propose chaque été un parcours entre l’Ariège, l’Aude, l’Aveyron et l’Hérault.

Grâce au concours de Marie-Caroline Allaire-Matte, commissaire générale de l’évènement et l’association Le Passe Muraille ; sculptures, peintures, installations et vidéos sont exposées dans des sites classés de la région. Loin de prendre le dessus sur les architectures patrimoniales, les oeuvres sont au contraire adaptées au mieux à l’esprit des lieux. Une symbiose intelligente joliment orchestrée par les équipes d’IN SITU.

Des productions in situ

Si certaines oeuvres ont spécialement fait le déplacement pour ce séjour estival — l’une d’elles a même dû être hélitreuillée — d’autres sont des productions in situ. Dans l’Aude, à l’abbaye de Lagrasse, l’artiste Christian Jaccard a investit les 400m2 de l’ancien dortoir des moines. Pour cela il a construit un mur auto-portrant haut de sept mètres qui coupe l’espace en deux parties. Sur cette grande paroi l’artiste a tracé avec de la colle néoprène des centaines d’angles de plus en plus aigus, des V retournés qu’il a ensuite enflammés. La fumée, indépendante, a créé des ombres. C’est donc un tableau éphémère, une succession de signes gracieux même si dénués de sens, comme une partition bénédictine qu’on ne saurait traduire. Autre référence qui revient souvent dans le travail de Christian Jaccard, les dessins pariétaux. L’artiste s’inspire de ces mains en négatif pour composer à l’inverse de celles-ci tout en utilisant leur puissance d’évocation. Malheureusement, il sera difficile pour les visiteurs de découvrir en détails ces ombres de suie, ils n’auront la possibilité de voir l’oeuvre qu’à plusieurs mètres — sa fragilité l’obligeant.

 

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Ombres de suie, Partition bénédictine, 2017. Christian Jaccard © Camille Bardin
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Ombres de suie, Partition bénédictine, 2017. Christian Jaccard (détail) © Camille Bardin
 

A 40 kilomètres de l’abbaye, dans l’enceinte du château de Carcassonne, classé monument national, c’est Rainer Gross, un artiste Berlinois qui travaille en Belgique qui a conçu une oeuvre rendant hommage à l’histoire du bâtiment. Avec Pas perdus, l’artiste a parfaitement pris la mesure de la monumentalité du lieu. Mille ans d’architecture qu’il a fallu investir. Et quelle réussite ! La contrainte historique a été respectée plastiquement et sensiblement avec des faisceaux de lattes de peupliers qu’il fait surgir des ruines gallo-romaines avant de les faire s’enlacer avec l’architecture moyenâgeuse. Une forte dimension métaphorique, qui reste encrée dans la réalité de cette cour du midi dont il a restitué l’ancienne salle de prestige datant du XIIIe siècle, en ruine, grâce à une structure auto-portante. Rainer Gross s’est également appliqué à faire dépasser son oeuvre des remparts du château pour laisser au visiteur la possibilité de soupçonner sa présence.

 

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Pas perdus, 2017. Rainer Gross. © Camille Bardin

Télescopage spatio temporel

Construit aux alentours de l’an Mil, le château de Foix domine la vallée de l’Ariège. Cette année, c’est l’artiste belge Nick Ervinck qui a accepté l’invitation d’IN SITU et qui expose son oeuvre APSAADU, au pied de la tour ronde du château construite au XVe siècle. Contrairement à Christian Jaccard et Rainer Gross qui attachent une attention particulière au syncrétisme de l’art contemporain et du patrimoine, Nick Ervinck aime créer une collusion entre les deux. APSAADU est donc un jeu de contradiction absolu avec une sculpture ultra contemporaine, très sensuelle, semblable à un liquide projeté, d’un blanc écru qui dénote avec le gris des pierres du château. Pour concevoir cette sculpture étroitement liée à la Blob architecture, Nick Ervinck puise son inspiration dans les statues des divinités romaines. Des images historiques qu’il remodèle à l’aide de logiciels, ce qui créer des formes anthropomorphiques inédites. Un véritable télescopage spatio-temporel qui prend toute sa signification avec IN SITU.

 

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APSAADU, 2012-2013. Nick Ervinck © Camille Bardin

Syncrétisme et harmonie

A nouveau dans une abbaye de l’Aude, à Fortfane, le célèbre artiste Jaume Plensa a accepté de prêter l’une de ces oeuvres de la série White Forest pour la présenter cet été dans la salle capitulaire du cloitre où avaient lieu les réunions des moines. Sanna, un visage de femme, blanc et allongé, réalisé en bronze patiné, dont les yeux fermés poussent le visiteur à la contemplation, voire à la méditation. Une sorte de portrait de l’âme qui reflète pour Jaume Plensa « la voix intérieure, l’âme qui vit dans l’obscurité de nos corps. » Pour réaliser cette figure totémique d’une grande quiétude, l’artiste a scanné une photographie, l’a manipulée puis agrandie et allongée comme une flamme qui danse au rythme du vent. Ainsi il spiritualise et redonne tout son sens à la salle capitulaire de l’abbaye cistercienne, perdue dans les contreforts des Corbières.

La discrétion de Claude Viallat

Contrairement aux autres artistes invités d’IN SITU, Claude Viallat a dû investir un lieu réputé non seulement pour son architecture et son histoire, mais également pour les oeuvres qui l’habite. C’est en effet dans un musée, le Musée d’Art et d’Histoire de Narbonne que les oeuvres de l’artiste de support-surface sont dévoilées. Malheureusement, pour cette dernière étape, le dialogue avec la collection de l’ancienne résidence des archevêques de Narbonne se fait difficilement. Loin du White Cube avec des murs déjà occupé par des oeuvres, le musée de Narbonne pouvait sembler adéquat pour exposer un artiste atypique qui se revendique comme communiquant avec l’histoire de l’art. Mais les toiles libres de l’artistes pêchent avec le reste de la collection sans créer d’harmonie ou de contraste pertinent. Un bémol dans la programmation de qualité qu’est IN SITU.

Texte Camille Bardin © 2017 Point contemporain

 

Infos pratiques
IN SITU Patrimoine et art contemporain,
11 sites patrimoniaux – 10 artistes contemporains

Du 17 juin au 17 septembre 2017

Ariège, Aude, Aveyron, Hérault / Un itinéraire d’exception en Occitanie / Pyrénées-Méditerranée

Portée pour la sixième année par l’association Le Passe Muraille
Commissariat artistique est confié à Marie-Caroline Allaire-Matte.

Commissaire associé sur l’abbaye de Combelongue : Emmanuel Latreille, Directeur du Frac Languedoc-Roussillon.
Commissaire associé sur le Château de Foix et l’Abbaye de Gellone : Christa Vyvey.

http://patrimoineetartcontemporain.com