Rezvan Projects par Saghi Parkhideh

Rezvan Projects par Saghi Parkhideh

Tout projet qui développe une réflexion sur la manière de montrer des oeuvres d’art hors d’une finalité simplement commerciale, est le fruit du croisement de rencontres, d’histoires personnelles, de passions communes. Quand Saghi Parkhideh a créé en Iran une maison d’édition d’art contemporain, c’est à l’issue d’un parcours où l’ensemble des chemins, fortuits ou réfléchis, menaient à l’évidence de cette création. Rezvan Projects, en associant méthode artisanale et technologie contemporaine, interroge la façon dont le travail d’un artiste peut s’exprimer hors des cimaises pour créer un moment intime avec le collectionneur quand celui-ci découvre, dans cette intimité incomparable qu’offre l’objet, un coffret d’artiste.

Comment est né ce projet d’édition ?

Saghi Parkhideh : Après une formation à  l’université d’art de Téhéran ou j’ai obtenu un Bachelor en peinture, je me suis initiée à la gravure et à l’édition limitée, j’ai poursuivi mes études en France à l’école des Beaux-Arts de Grenoble, où j’ai obtenu un DNSEP en art. Le sujet d’étude de mon mémoire portait sur les multiples et je me suis très vite lancée dans la réalisation d’éditions limitées qui conjuguaient imprimerie et dessin. J’ai commencé à faire des livres d’artiste pour mes propres projets, puis j’ai voulu développer cette idée en collaboration avec d’autres artistes avec la volonté de leur donner une identité particulière. Le coffret renvoie à l’idée de la boîte à secrets ou à souvenirs. Il induit une dimension très personnelle. Il est donc primordial que dans sa conception il représente les goûts de l’artiste. Concevoir un projet d’édition nécessite d’explorer l’univers de l’artiste pour être à même de lui faire des propositions cohérentes qu’il acceptera, infléchira dans une direction ou une autre ou tout simplement refusera.

 

 » Rezvan était le nom de ma tante, à présent décédée, qui m’a introduite dans le monde de l’art. J’ai installé mon studio et ma maison d’édition dans sa maison en Iran et j’y invite les artistes pour y travailler sur leur projet.  »  Saghi Parkhideh

 

En faisant le choix du coffret plutôt que du livre d’artiste, tu endosses le rôle de commissaire d’exposition et va plus loin dans ton rôle d’éditrice…

Saghi Parkhideh : Je suis vraiment dans un positionnement de commissaire qui fait des propositions à partir de son interprétation de l’oeuvre de l’artiste. Je considère qu’un coffret est en lui-même une petite exposition. Le projet a une dimension curatoriale dont un des objectifs est de montrer une partie du travail d’un artiste dans un contexte et un format différents. Le coffret induit une relation plus complète avec l’ensemble du travail de l’artiste car il rassemble un dessin original, des travaux d’impression que je réalise dans mon studio et de la photographie. Il ne se contente pas de proposer des reproductions d’oeuvres. Chaque planche a été pensée avec l’artiste. Il ouvre sur un aspect différent du travail de l’artiste qui profite de ce projet pour s’exprimer à une autre échelle, sur des supports différents. C’est une façon pour lui d’amorcer un travail avec des artisans ou d’expérimenter de nouvelles techniques, d’engager de nouvelles collaborations, tout en restant dans sa démarche.

Quels sont les éléments qui font pour toi l’identité du travail de Frédéric Léglise et sous quelles formes as-tu voulu les traduire par ce coffret ?

Saghi Parkhideh : Il me paraissait évident que devait être mis en avant le caractère asiatique de ces peintures et aquarelles. J’ai aussi étudié les couleurs qu’il utilise afin de répondre le plus exactement possible à sa gamme chromatique notamment par ce bleu profond et ce rose de la carnation. Chaque détail fonctionne comme un indice qui doit suggérer ce que peut être le travail de l’artiste. Un autre détail était le fermoir qui clôt le coffret et qui renvoie au vêtement chinois. Il y a évocation du vêtement et de la nudité qu’il renferme. Le coffret introduit un rapport différent avec son oeuvre car il propose un format différent et vient donc compléter une collection.

Frédéric, comment as-tu reçu cette proposition de Saghi ?

Frédéric Léglise : De manière très positive car elle m’offre l’opportunité de renouer avec l’édition limitée. C’est une expérience que j’ai vécue avec les livres d’artistes Leporello, mais j’étais enthousiaste à l’idée de travailler sur un coffret. C’était aussi l’occasion de retravailler sur mes Self-Portraits Of My Shadows et de les exposer pour la première fois en Iran. J’aime aussi le principe de reproductibilité qui diffère de ma manière de travailler car je fais habituellement ces portraits sur des anciens livres d’art. Là, j’ai réalisé 25 self-portraits tous différents pour chaque coffret à partir d’une même forme de “ Shadow”. Le geste est plus spontané, sériel et porte ainsi un propos qui diffère légèrement. A ces dessins originaux, viennent s’ajouter cinq reproductions imprimées et numerotées qui complètent le coffret.

Saghi, de quelles personnes t’entoures-tu pour tes projets ?

Saghi Parkhideh : Je travaille avec des artisans spécialisés afin d’avoir une qualité d’exception. Ma formation de graveur me permet de fabriquer certains éléments comme pour le premier coffret que j’ai conçu avec l’artiste iranien Farrokh Mahdavi pour lequel j’ai réalisé moi-même les gravures alors que lui a créé les encres, notamment un rose, élément très important dans son travail. Nous avons travaillé sur un coffret de 30 x 40 cm avec des éditions à l’intérieur. Le travail a duré près de quatre mois car le processus, entièrement manuel, est très complexe et nécessite près d’une heure pour chacune des impressions. Pour Frédéric, j’ai fait appel à une technique qui utilise des clichés photopolymères fabriqués au Japon dont la précision est de l’ordre du micron soit 100 fois plus précis que la sérigraphie car je voulais que les détails de sa peinture soient respectés, et pour l’impression de ces gravures, j’ai utilisé une technique française qui date de plus d’un siècle, l’encrage à la poupée, qui se caractérise par le fait que toutes les couleurs sont posées sur la matrice et ne se mélangent que très légèrement.

Des procédés très divers qui répondent à un travail d’atelier…

Frédéric Léglise : Complètement, j’effectue moi-même des glissements de couleurs car je mélange de la peinture industrielle glycéro avec de la peinture à l’huile. J’ai aussi apprécié le fait de pouvoir aborder un travail de gravure car je n’avais auparavant jamais travaillé l’impression avec une presse. J’ai vraiment été intéressé par ce projet car il m’a amené sur d’autres registres avec toujours une dimension plastique car aucune étape ne relève de la simple reproduction. De la peinture à la photographie numérique, une intervention est venue à chaque fois se superposer à mon travail.

Entretien réalisé par Valérie Toubas et Daniel Guionnet © Point contemporain 2019

 

A propos
Fondé en 2017 par l’artiste iranienne Saghi Parkhideh

Saghi Parkhideh est née à Téhéran, Iran en 1989.

Frédéric Léglise, artiste peintre français, né en 1972, vit et travaille à Paris, ses oeuvres ont été montrées notamment au Frissiras Museum d’Athènes, au FRAC Haute-Normandie ou au Passage de Retz à Paris.
A lire sur le travail de Frédéric Léglise : www.pointcontemporain.com/tag/frederic-leglise/

 

Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows - Rezvan Projects par Saghi Parkhideh
Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows – Rezvan Projects par Saghi Parkhideh

 

Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows - Rezvan Projects par Saghi Parkhideh
Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows – Rezvan Projects par Saghi Parkhideh

 

Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows - Rezvan Projects par Saghi Parkhideh
Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows – Rezvan Projects par Saghi Parkhideh

 

Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows - Rezvan Projects par Saghi Parkhideh
Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows – Rezvan Projects par Saghi Parkhideh

 

Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows - Rezvan Projects par Saghi Parkhideh
Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows – Rezvan Projects par Saghi Parkhideh

 

Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows - Rezvan Projects par Saghi Parkhideh
Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows – Rezvan Projects par Saghi Parkhideh

 

Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows - Rezvan Projects par Saghi Parkhideh
Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows – Rezvan Projects par Saghi Parkhideh

 

Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows - Rezvan Projects par Saghi Parkhideh
Frédéric Léglise, Self-Portraits Of My Shadows – Rezvan Projects par Saghi Parkhideh