EVEN THE ROCKS REACH OUT TO KISS YOU

EVEN THE ROCKS REACH OUT TO KISS YOU

EN DIRECT / exposition collective Even the rocks reach out to kiss you,
Jusqu’au 30 mai 2021, Transpalette, centre d’art contemporain, Bourges
Curatrice : Julie Crenn

Artistes invité.e.s : Laëtitia Bourget, Craig Calderwood, Marinette Cueco, Gaëlle Choisne, Odonchimeg Davaadorj, Emma Di Orio, Vidya Gastaldon, Lundy Grandpré, Balthazar Heisch, Suzanne Husky, ïan Larue, MALAXA [Tabita Rezaire & Alicia Mersy], Nadja Verena Marcin, Myriam Mihindou, Elena Moaty, Pistil Paeonia, Sanjeeyann Paléatchy, Annie Sprinkle et Beth Stephens, Aniara Rodado, Karine Rougier, Lara Wonderland, Zheng Bo.

par Pauline Lisowski

Julie Crenn poursuit ses recherches autour du féminisme et des relations des artistes à ce courant de pensée en mettant en lumière des pratiques éco-féministes. Elle observe l’engouement actuel pour ces actions et ces rituels ainsi que l’émergence de textes. Ce qui l’amène à convoquer un possible décloisonnement entre nature et culture dans les œuvres d’artistes contemporains. Pour cette exposition au Transpalette, centre d’art contemporain de Bourges, l’historienne, critique d’art et curatrice réunit des œuvres de différents médiums de plus d’une vingtaine d’artistes de tous horizons, âges, nationalités afin de nous proposer un parcours à la découverte de diverses cultures et relations de soin envers la terre Mère.

Comme image forte introduisant l’exposition, la photographie de Nadja Verena Marcin montre une femme guerrière armée d’un cactus. Au centre d’une première salle, Suzanne Husky a conçu un temple dédié à la nature, en collaborant avec une militante. Son installation nous invite à la traverser et à prendre le temps de méditer sur nos relations aux plantes. Elle constitue la pierre angulaire de l’exposition. Ses tapisseries représentent des scènes qui révèlent nos liens à la terre. Noble Pastorale, par exemple, est une réinterprétation de La dame à la Licorne, chef-d’œuvre de la tapisserie médiévale et présente des enjeux forestiers. Dans un tout autre registre plastique, Emma Di Orio fait partie des artistes qui s’intéressent aux récits et aux mythes des territoires. Elle illustre différents biotopes de l’île de La Réunion, d’où elle est originaire, en dessinant des créatures mi femmes mi paysages ainsi que des femmes de différentes origines.

Des artistes s’interrogent sur nos relations avec les éléments naturels et sur notre ancrage au monde. Certaines réalisent également des rituels telle que Pistil Paeonia. Les traces de son œuvre performative Eteindre le serpent gardienne sont ainsi visibles formant un ensemble de matières en cercle. Marinette Cueco, qui a une grande connaissance des plantes et de leurs vertus, les tresse avec finesse pour composer Grande Mue. Le tissage et les liens sont également au cœur du travail artistique d’Odonchimeg Davaadorj, originaire de Mongolie. Dans son installation, elle relie des êtres hybrides entre eux par des fils rouges, symboles de l’interconnexion entre les êtres vivants. 

Gaëlle Choisne explore pour la première fois le médium pictural et réalise des œuvres dans lesquelles elle emprisonne cette matière dans du Plexiglas et dans une grille, telle qu’elle établirait une sorte de rituel. Pour l’artiste, ses œuvres constitueraient un don et conjureraient un sort. Les dessins au pastel de Lara Wonderland dégagent une certaine liberté et témoignent d’un geste instinctif. Ses travaux sur papier montrent des unions entre femme et animal dans une relation harmonieuse avec la nature luxuriante.

À l’étage, des pratiques artistiques activistes, de l’ordre de la performance ou de l’expérience à l’aide des nouvelles technologies nécessitent d’être appréhendées avec plus de temps et d’explications. Une vidéo retrace le parcours d’Annie Sprinkle et Beth Stephens qui ont créé un mouvement éco-sexuel dans le but de rendre hommage à la mère nature. Leur travail artistique tient de l’activisme pacifique dans une perspective de soin à redonner aux éléments de la nature. Les photographies de Sanjeeyann Paléatchy montrent des humains en harmonie avec un lieu. Le corps d’un individu, qui pose dans des milieux naturels, est enlacé aux végétaux et devient alors un être hybride qui protégerait l’écosystème. Chamane, l’artiste franco-gabonaise Myriam Mihindou s’est rendue sur une forêt, y a identifié des blessures et propose ensuite une œuvre qui s’apparente à un processus de guérison. 

Elena Moaty a composé une installation de dessins de sirènes suspendus. Elle dévoile la nature humaine dans toute sa beauté. L’écrivaine Ïan Larue développe elle une pratique artistique amateure en prenant le temps d’entrer dans un état de méditation, de transe afin de faire surgir des végétaux et des animaux dans ses œuvres. Comme pour finir ce parcours vers une relation sensuelle aux plantes, la vidéo de Zheng Bo dévoile un contact charnel d’un jeune homme avec des fougères. 

Julie Crenn rend visible des artistes femmes et des personnalités peu connues et marginales dans le monde de l’art. Les artistes ici présents sont à la fois engagés dans leur démarche artistique et dans leur vie. Ils pratiquent des expériences entre le rituel et le contact physique avec la nature. Leurs œuvres nous invitent à nous reconnecter au vivant, à être bienveillant envers la terre et ses ressources. Une particularité de cette création liée au vivant et à la nature est la précarité des matériaux ainsi que l’économie de production. Certains travaux artistiques éphémères vont même se transformer avec le temps. 

L’architecture du Transpalette avec ses ouvertures permet une circulation du regard entre les œuvres des artistes, dont certaines sont présentes sur différents niveaux. Cette exposition nous guide à la découverte de diverses contrées dans lesquelles les relations envers les êtres vivants non humains apparaissent plus respectueux. 

Pauline Lisowski

Zheng Bo, Pteridophilia, 2016 ongoing Supported by Kyoto City University of Arts Art Gallery, the 11th Taipei Biennial, Villa Vassilieff and Pernod Ricard Fellowship, and TheCube project Space
Zheng Bo, Pteridophilia, 2016 ongoing Supported by Kyoto City University of Arts Art Gallery, the 11th Taipei Biennial, Villa Vassilieff and Pernod Ricard Fellowship, and TheCube project Space
Ïan Larue, Fume, Licorne kawaï !, peinture, 2020
Ïan Larue, Fume, Licorne kawaï !, peinture, 2020
MALAXA [Tabita Rezaire & Alicia Mersy], Flaf for god, impression sur tissu, 2016
MALAXA [Tabita Rezaire & Alicia Mersy], Flaf for god, impression sur tissu, 2016
Annie Sprinkle & Beth Stephens
Annie Sprinkle & Beth Stephens