WANDRILLE DURUFLE, PUIS L’HORIZON EN PLUS FORT

WANDRILLE DURUFLE, PUIS L’HORIZON EN PLUS FORT

EN DIRECT / Exposition Wandrille Durufle, « Puis l’horizon en plus fort » jusqu’au 28 mai 2023, Aponia, lieu d’art contemporain

Aponia, lieu d’art contemporain présente la dernière création de l’artiste Wandrille Duruflé, véritable confrontation d’une oeuvre à l’échelle imposante, avec le choeur baroque de l’église St Jean du Monastier sur Gazeille (43).

À la productivité acharnée du travail d’atelier, l’artiste préfère les pérégrinations empiriques d’un travail in situ et reconfigure les éléments de manière tourmentée à travers de multiples compositions dont les volumes apparaissent, le plus intensément, comme une redistribution esthétique de couleurs et de figures composites qui s’interpénètrent en une forme capricieuse, frénétique, comme véhicule d’interprétation répétée de nos « douceurs mortelles ».

Les esquisses colorées, la richesse et la complexité des boucles exposées montrent clairement son enthousiasme pour la théâtralité éclairée des motifs peints de l’autel, dont l’audace spatiale semble informer l’ œuvre projetée de l’artiste . L’oeuvre de Wandrille Duruflé est donnée à lire comme une manifestation contemporaine du haut baroque, filtrée à travers une sensibilité « pastorale urbaine».

Marquées par une hétérogénéité assumée, les œuvres de Duruflé se régénèrent sans cesse, et sont l’objet d’une recherche plastique, d’une réflexion sur la peinture comme sujet à part entière, faisant émerger de nouveaux concepts élaborés à partir d’un vocabulaire de construction, de jeux d’équilibre et d’irrégularité. Ces assemblages laissent entrevoir des univers latents où les aplats colorés, dénotent des paysages suburbains et parfois dystopiques où demeure toujours une lueur d’espoir. C’est un monde, amalgamé et disloqué, utilisant la multiplication des dissonances, des ruptures rythmiques, le tout au service non pas d’un sujet mais d’un seul objet : la peinture. « Ce que vous voyez est ce que vous voyez » (Stella)1. 

N’oublions pas que Wandrille Duruflé est peintre. Ses coups de pinceau expressionnistes sont réduits à des signes admissibles, mais tous sont coupés de toute signification réelle existante . Sa déstructuration subtile soulignée par des aplats de couleur texturée, n’a d’autre but que d’établir l’effet de couleur. De même, la composition ne sert qu’à établir les idées de mouvement et d’attraction. 

Ici, l’œuvre dans son ensemble devient une simulation «hyper réelle» et neutre de la peinture. La circulation et le mouvement abstrait deviennent la seule réalité, et les seules références perceptibles sont dans le monde du simulacre.

Dans cette architecture sans architecte, décomplexée, alliant la monumentalité abstraite d’une organicité des formes, l’artiste dépasse les échelles, découpe les surfaces sur des supports chaotiques, combinent les courbes polychromes pour perturber les histoires et les adapter aux formes vernaculaires . Oeuvre hirsute, dynamique, tonitruante : « Baroque ». 

Wandrille Duruflé interroge ce «puzzle» que constitue l’usage contradictoire d’une analogie basée sur le jeu. Lorsque l’on essaie de résoudre ce «casse-tête», on voit émerger les implications de la difficile lutte dans la recherche de son acte de création. Tout se passe comme si les pièces de ce puzzle jusque là dispersées se rassemblaient soudain et trouvaient place dans un ensemble cohérent, produisant une fresque singulière de l’organisation psychique de l’artiste rêveur, une opération de simple remise en ordre de notre monde.

1. (Frank Stella, 1964) In « Question à Stella et Judd » interview de Bruce Glaser, repris in Regards sur l’art américain des années soixante, Paris, Ed.Territoires, 1979, p.55

Alain Christian Barret, commissaire
Avril 2023