ZERKALO

ZERKALO

Note sur l’exposition “Zerkalo” ayant eu lieu à Meymac, organisée par le collectif Fossile Futur, du 17 au 31 juillet 2022.

Cette exposition fait suite à ma troisième année d’étude à l’Isdat, Toulouse, dont les peintures présentes à Meymac sont issues. C’est le collectif, composé d’anciens et d’anciennes étudiant.es de l’Isdat, d’ami.es, qui en ont eu l’idée et me l’ont proposé.

“Je suis là, parmi de drôle de choses, des racines, des buissons…
Vous est-il jamais venu à l’idée, vous n’avez jamais pensé que les plantes ressentent, éprouvent, comprennent peut-être? […] Mais les plantes ne courent pas. Nous, nous ne faisons que courir, nous agiter, nous disons des banalités. C’est parce que nous n’avons confiance ni dans la nature, ni en nous-mêmes. Quel manque de confiance! Une sorte de hâte, nous manquons de temps pour réfléchir.”

Zerkalo, (Зеркало), (Le Miroir, en français), Andreï Tarkovski, 1973.

J’observais, à cette époque beaucoup, les animaux, et cette manière d’être qu’ils ont, incommunicable manière d’être au monde, et du simple fait de leur regard, me poussait à tenter une compréhension profonde de la vision du monde d’un animal, se mettre à sa place. Sans projeter, sans interpréter, ou calquer comme pourrait le faire une espèce de conte fantaisiste, où l’animal se personnifie, ou prend l’allure d’une allégorie. Et je restais là, impossible confrontation, mais contemplation silencieuse, et surtout pas discursive, face à cet être inconnu, face à l’œil de la bête. Un cheval, dont les yeux parurent à Soutine exprimer toute la douleur du monde. Essayer de retrouver cette nappe phréatique primordiale et commune de l’être, à l’état de nature(1).

J’avais besoin des animaux qui m’étaient les plus proches, c’est pourquoi mon bestiaire était très limité : chiens, chevaux, ânes, vaches. Car c’était dans ceux-là que je pouvais le plus sentir ce sentiment d’une étrange altérité-proximité. Comme je l’ai dit déjà, ce sentiment est ineffable, trop sujet à la caricature, comme chez Orwell(2) ; alors que ce sentiment est exprimé assez justement chez Kafka, où l’écriture franchit le seuil des significations, un monde d’intensités pures, une matière non formée(3). La peinture peut me permettre ça ; sans la moindre histoire, la moindre narration, faire sentir ー avoir la sensation de ー l’animal ; c’est tout du moins ce que je tentais. Chaque peinture était une recherche, une étude, une expérimentation, une véritable consommation des tableaux où tous les styles y passaient, tous les effets, les couleurs… Une recherche de plus en plus profonde de cette volonté de sortir de l’image et d’arriver à la peinture. Et d’où l’hétérogénéité de l’ensemble, l’incapacité de travailler une série, car je me refusais à toute recette. Les supports que j’utilisais témoignent de cette insatiabilité ; bâches plastiques, cirées, cartons et toiles non tendues.

Quand l’animal n’était devenu plus que prétexte, (ou peut-être était-il encore trop symbolique?) doucement la figure animale devient figure humaine ; inversement des regards, je deviens l’animal en face du spectacle du monde. D’un coup c’est un tout nouveau possible qui s’ouvre dans ma peinture, je peins la figure humaine comme la figure animale (mais pas avec les mêmes moyens) ; devenir-homme de l’animal, devenir-animal de l’homme(4). Le paysage s’enrichit, la machine, l’inorganique, le mécanique composent l’espace. Les chaises en plastiques blanches apparaissent, comme une nécessité longtemps cachée qui se dévoile, les supports plats, c’est-à-dire la table ー autour de laquelle des routiers prennent l’apéritif devant un camion ー préfigure déjà les peintures de comptoir. Si précédemment des éléments de ce type pouvaient être déjà présents, ils avaient le rôle de décors, ou décoration, maintenant ils participent au surgissement d’un fait pictural dans le tableau(5).

Tout ceci, créer une espèce de paysage composite, hétéroclite, tout un univers rural que je veux le plus concret, avec ses ruines éternelles et ses transformations, adaptations très lentes. Une position discordante avec le temps, un monde mourant pour l’éternité, mais qui jamais ne meurt, reste là, entoure les métropoles ; paysage défilant à la fenêtre d’une autoroute, et au milieu de tout ça toujours, des êtres.

C’est en ce sens qu’avait pour moi toute sa pertinence d’exposer ici, presque sur une terre que je connais. Une évidence d’autant plus grande qu’elle s’est faite avec des gens qui ont pour volonté un avenir simple mais qui est pour sûr le bon. Cette ambiguïté mystérieuse, de chercher dans les ruines du monde les fossiles du passé, pour la possibilité du monde futur.

“ Ici, c’est comme la Russie, je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas. Je ne parle pas bien l’italien. Une petite histoire, un homme en sauve un autre, qui se noyait dans un étang, au risque de sa vie, les voilà tous deux allongés au bord de l’étang, haletants et épuisés. Celui qui a été sauvé dit :

– Idiot, pourquoi as tu fais ça? C’est là que je vis! ”
Nostalghia (Ностальгия)Andreï Tarkovski, 1983.

  1. Le versant animal, Jean-Christophe Bailly, 2007
  2. La ferme des animaux, George Orwell, 1945
  3. Kafka, pour une littérature mineure, Gilles Deleuze, Félix Guattari, 1975
  4. Ibid
  5. Logique de la sensation, Gilles Deleuze, 1981
exposition “Zerkalo” ayant eu lieu à Meymac, organisée par le collectif Fossile Futur, du 17 au 31 juillet 2022
exposition “Zerkalo” ayant eu lieu à Meymac, organisée par le collectif Fossile Futur, du 17 au 31 juillet 2022
exposition “Zerkalo” ayant eu lieu à Meymac, organisée par le collectif Fossile Futur, du 17 au 31 juillet 2022
exposition “Zerkalo” ayant eu lieu à Meymac, organisée par le collectif Fossile Futur, du 17 au 31 juillet 2022
exposition “Zerkalo” ayant eu lieu à Meymac, organisée par le collectif Fossile Futur, du 17 au 31 juillet 2022
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