[ENTRETIEN] Marion Zilio directrice artistique du YIA Art Fair #7

[ENTRETIEN] Marion Zilio directrice artistique du YIA Art Fair #7

Rencontre avec Marion Zilio, jeune commissaire d’exposition et critique d’art, docteure en Esthétique, qui vient d’être nommée directrice artistique du YIA Art Fair, foire internationale d’art contemporain qui, sous l’impulsion de son fondateur Romain Tichit, prend chaque année un essor considérable.

Après une édition réussie à Bruxelles et avant de s’exporter à Maastricht au printemps 2017, c’est au Carreau du Temple à Paris que s’ouvre cette 7ème édition portée par l’énergie de Marion Zilio et du comité de pilotage qu’elle a réuni.

 

Quelle est la première orientation que tu as souhaité donner au YIA Art Fair dès que tu as appris que tu en étais nommée directrice artistique ?

Lorsque Romain Tichit, le fondateur et président du YIA, m’a contactée pour me proposer de prendre la direction artistique du YIA, je lui ai dit que je souhaitais répondre à l’attente du public de donner à cette foire du contenu, du sens et un engagement politique marqué. Cela n’exclut pas que, comme toute foire, le YIA a bien entendu une dimension commerciale. Historiquement, le YIA a été fondé afin de renouveler le format des foires d’art en privilégiant la création émergente et les jeunes galeries qui souvent la défendent. Le YIA reste une foire encore très abordable pour les acteurs essentiels du marché de l’art que sont les petites et moyennes galeries. Nous prenons en considération les difficultés qu’elles éprouvent actuellement face au désengagement de l’État. Ainsi, nous décernons pour cette 7e édition un prix qui accompagnera un artiste et son galeriste dans la production d’une prochaine exposition. Celui-ci sera remis à l’issu de la foire par un comité de collectionneurs regroupant Jean-Paul Chatenet, Sandra Hegedüs, Frédéric De Goldschmidt, Sylvie Fontaine, Thierry Forien, Juliette Ghatradyial-Vilbert, Daniel Schildge. Sur Une Sélection Du Comité Curatorial.

En tant que directrice artistique, quel est ton champ d’action ?

Mon intervention pour cette 7e édition du YIA s’est concentrée atour de la mise en place des Hors-les-Murs avec le soutien de Sarah Lévy, même si je suis consultée pour tout ce qui se passe au Carreau du Temple, notamment dans l’organisation des Talks. Depuis 2014, le YIA a un partenariat avec le réseau Marais culture + qui nous offre l’opportunité d’exposer des œuvres dans différents lieux parisiens souvent prestigieux. Mon intention était non plus de simplement disposer des œuvres dans les espaces qui nous sont proposés, mais de mettre en place pour chacun un véritable commissariat. Aussi, je me suis entourée de Jean-Christophe Arcos, Léa Bismuth, Marianne Derrien, Florian Gaité et Romain Semeteys qui sont pour moi actuellement parmi les plus prometteurs critiques, commissaires, théoriciens et acteurs de l’art contemporain de la scène parisienne. Tous ont beaucoup de dynamisme et d’enthousiasme, mais aussi une grande générosité nous permettant de mener de beaux projets avec des moyens qui ne sont pas ceux de la FIAC.

Ils ont tous une approche très différente de l’art contemporain !

Et c’est cela qui m’intéresse. Léa Bismuth est plus orientée littérature, Florian Gaité s’intéresse aux arts vivants et à la danse. Quand Romain Semeteys, en tant que fondateur de la plateforme LeChassis, porte un regard singulier sur la création dite « post-digitale ». Jean-Christophe Arcos développe une approche curatoriale plus politique et défend activement le droit des artistes à être rémunéré. Sa présence m’a permis d’engager une négociation auprès de Romain Tichit pour que soit respectée une loi peu connue sur l’indemnité que doit toucher un artiste lorsqu’une de ses œuvres est exposée dans un lieu public par une entreprise privée. Chacun des commissaires dispose d’un espace d’exposition dans lequel il développe sa proposition en corrélation avec la programmation du lieu et avec sa propre pratique. Marianne Derrien a, par exemple, invité Rémy Yadan à élaborer une création performative spécialement pour le Musée Picasso. Enfin, Léa Bismuth proposera une très belle installation dans les murs du Carreau du Temple.

Quels seront les lieux investis pour ces Hors-les-murs ?

Nous investissons les Archives nationales, les Musée des arts et métiers, le Musée Picasso, la Maison Européenne de la Photographie, le Musée Cognacq-Jay, des espaces qui pourront aussi être extérieurs comme la cour du Crédit municipal ou le parvis de la Mairie du 3e arrondissement… des lieux institutionnels de prestige qui ne donnent que rarement l’occasion à de jeunes artistes de s’exposer. Cette année, nous serons également dans la salle Cinéma 2 du Centre Georges Pompidou pour une projection suivie d’un talk à partir de l’eouvre de Laura Henno présentée à la MEP. Un nouveau partenariat a encore été tissé avec la Cité Internationale des Arts, où sera programmée une projection de court-métrages sélectionnés par Jean-Christophe Arcos et un parcours de visites d’ateliers mené par Marianne Derrien. Il est parfois essentiel que les artistes contemporains portent un regard sur des questions très actuelles. J’ai à ce propos proposé à Mounir Fatmi d’être le parrain de cette nouvelle édition du YIA.

Un artiste dont le travail est connu pour être particulièrement engagé…

Son engagement et sa générosité sont exemplaires et, dans le climat actuel, il est important d’être présent sur le terrain politique ! Mounir Fatmi propose aux Archives nationales un commissariat intitulé le « le Pavillon de l’exil », avec des artistes tels que Said Afifi, Gérard Fromanger ou encore Guy Limone. Sur le salon lui-même, au Carreau du Temple, sont prévus trois jours de Talks sur des thèmes d’ordre politique avec l’émergence de la scène artistique africaine, économique avec une réflexion sur la valeur de l’art et un dernier jour consacré aux imaginaires techniques.

Est-ce une manière d’ouvrir le débat au public ?

Nous voulons en effet dépoussiérer le format du Talk en évitant la conférence qui s’apparente trop souvent à un cours magistral, en privilégiant des tables rondes et des prises de parole plus spontanées, bien que structurées par des modérateurs. Nous voulons croiser les regards et les perspectives, proposer des pistes alternatives. C’est à ce titre que j’ai proposé à Économie Solidaire de l’Art de présenter leur chartre de rémunération des artistes. D’autres réflexions sont engagées sur les croisements entre théorie et pratique comme sur la question de l’accélérationnisme développée à travers un manifeste de doctorants anglais qui démontrent qu’à force d’accélérer, le capitalisme ne peut que basculer et s’autodétruire (1).

Une programmation qui s’ouvre également aux galeristes et artistes du Maghreb…

Le Carreau du Temple accueille une soixantaine de galeries et d’artistes invités, a qui nous avons proposé de privilégier des solos ou des duos d’artistes afin de permettre aux visiteurs de pénétrer leur univers. A la suite de la Chine, la tendance actuelle tourne notre regard vers ce qui est présenté en Afrique. Après les Printemps arabes, les artistes ont beaucoup à nous dire, et le font d’une manière nouvelle. Les Biennales de Dakar et de Marrakech ont marqué les esprits par leur richesse. Dans un esprit d’ouverture et dans la lignée d’une politique artistique orientée vers l’art émergeant, nous avons invité des galeries du Maroc, de Tunisie ou la Fondation de Barthélémy Toguo, Bandjoun Station, à investir de manière très généreuse les vitrines du Carreau du Temple.

(1) à lire : article d’Ingrid Luquet-Gad sur l’ouvrage Accélération ! édité par Laurent de Sutter au PUFhttp://www.lesinrocks.com/2016/06/09/arts/acceleration-vieille-gauche-a-besoin-de-hackers-dartistes-11825544/.

Visuel : vue d’exposition YIA ART FAIR #05 – (PARIS, CARREAU DU TEMPLE)

Pour en savoir plus sur l’événement :
YIA Art Fair

 

YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). Emmanuele De Ruvo, Anachronism, 2016, marble, travertine, iron, 150 x 120 x 20 cm (Courtesy Galerie Montoro12 Art Contemporain)
YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). Emmanuele De Ruvo, Anachronism, 2016, marble, travertine, iron, 150 x 120 x 20 cm (Courtesy Galerie Montoro12 Art Contemporain)

 

YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). Andrés Ramirez, 63.193(x), Elleipsis through full light, 2016 Production Passerelle Centre d'art contemporain, Brest, exposition « Naturally Obscure ». Courtesy de l'artiste et Galerie Escougnou-Cetraro, © photo Aurélien Mole (Courtesy Galerie Escougnou-Cetraro)
YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). Andrés Ramirez, 63.193(x), Elleipsis through full light, 2016 Production Passerelle Centre d’art contemporain, Brest, exposition « Naturally Obscure ». Courtesy de l’artiste et Galerie Escougnou-Cetraro, © photo Aurélien Mole (Courtesy Galerie Escougnou-Cetraro)

 

 YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). Hubert Marot, Dazzling, 2015(Courtesy Galerie Anne de Villepoix)
YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). Hubert Marot, Dazzling, 2015(Courtesy Galerie Anne de Villepoix)

 

YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). Filippo Armellin (courtesy The Flat - Massimo Carasi, Milan)
YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). Filippo Armellin (courtesy The Flat – Massimo Carasi, Milan)

 

YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). PK, Dancing with the Flag II, 2016, charcoal, collage, pastel, bombe et papier, 69x57cm. (courtesy Art Lab Africa, Nairobi)
YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). PK, Dancing with the Flag II, 2016, charcoal, collage, pastel, bombe et papier, 69x57cm. (courtesy Art Lab Africa, Nairobi)

 

YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). Mathieu Roquigny, Hobergine, 2015, 100cm. Papier toilette imbibé d'encre et projeté sur la surface (Courtesy Galerie Pop Up, Amiens)
YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). Mathieu Roquigny, Hobergine, 2015, 100cm. Papier toilette imbibé d’encre et projeté sur la surface (Courtesy Galerie Pop Up, Amiens)

 

YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). Rachel Morellet, Futur dream, 2016, Encre digitale, acrylique sur papier, 42 x 59,4 cm. Photo Credits : Rachel Morellet
YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). Rachel Morellet, Futur dream, 2016, Encre digitale, acrylique sur papier, 42 x 59,4 cm. Photo Credits : Rachel Morellet

 

YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). Vera Molnar, Sigma, Acrylic on Canvas, 80 x 80 cm, 1965 -2013. (Courtesy Galerie DAM, Berlin)
YIA ART FAIR #07 (Paris, Le Carreau du Temple). Vera Molnar, Sigma, Acrylic on Canvas, 80 x 80 cm, 1965 -2013. (Courtesy Galerie DAM, Berlin)