MARK PEZINGER BOOKS

MARK PEZINGER BOOKS

Mark Pezinger Books, Disjekta, 2020, Wüerttembergischer Kunstverein, Stuttgart

ENTRETIEN / Mark Pezinger Books

par Alex Chevalier dans le cadre de « Entretiens sur l’édition »

Mark Pezinger Books est une maison d’édition située entre la Forêt Noire et Vienne, en Autriche. Fondée par deux artistes, Karsten Födinger et Thomas Geiger en 2009, ils ont rapidement été rejoints par Astrid Seme, laquelle dirige maintenant la structure avec Thomas depuis 2015. Explorant différents formats, allant de l’enregistrement audio, au poster en passant par le livre, leurs publications jouent avec les codes, tant de l’art contemporain que du graphisme. Cet entretien, mené entre décembre 2021 et janvier 2022 est l’occasion de revenir sur leurs activités, leur regard sur la création contemporaine, et l’importance de la collaboration dans leur approche de l’édition.

Mark Pezinger Books a été fondé en 2009 par deux artistes, Karsten Födinger et Thomas Geiger, et depuis 2015, la structure est dirigée par Astrid Seme et Thomas Geiger. Comment en êtes-vous venu-e-s à l’envie de développer votre propre maison d’édition ?

J’étais (Thomas Geiger) déjà très actif dans le domaine de l’édition et autres objets imprimés durant mes études, et ce à partir du moment où j’ai vu ces espaces comme des endroits potentiels pour documenter et partager mes performances. Avec Karsten, nous avions l’envie de créer une plateforme pour les artistes partageant la même passion. Une des premières artistes que nous avons rencontrée était Astrid Seme, ensemble, nous avons collaboré et réalisé une publication (Urbirds, singing the Sonata, 2012). La collaboration s’est développée et a laissé de plus en plus de place à Astrid, si bien qu’elle est très rapidement devenue membre de l’équipe. Son approche en tant que graphiste et son intérêt pour les liens existant entre langage écrit et parlé ont donné à la structure de nouvelles perspectives.

En tant que maison d’édition, vous explorez de nombreuses formes différentes: livret, œuvres sonores, posters ou encore éditions publiées par d’autres artistes, que cela signifie-t-il pour vous, en tant qu’artistes, de publier le travail d’autres artistes ? 

Avant tout, cela signifie qu’il faut être curieux et emphatique envers le travail des autres artistes et leur vision des choses. Mais cela signifie également qu’il faille mutuellement se faire confiance. Nous faisons confiance à l’artiste avec lequel-laquelle nous travaillons, et en retour, nous attendons de lui-elle qu’il en soit de-même, qu’il-elle fasse confiance en notre expérience dans l’édition, et la publication.

Caroline Heider, Ruth Horak, Lisa Rastl, Claudia Rohrauer Fotografie als Motiv / Photography as Motif, 2021
Caroline Heider, Ruth Horak, Lisa Rastl, Claudia Rohrauer Fotografie als Motiv / Photography as Motif, 2021

La collaboration est donc primordiale dans votre approche, comment définiriez-vous cet aspect de votre travail et quelle importance lui donnez-vous ?

Peut-être que cette question a déjà été abordée plus haut, mais nous allons essayer de parler brièvement de notre façon de travailler, en général : nous n’acceptons pas les propositions de publications terminées. Chaque publication est basée sur une idée, un projet éditorial que nous développons et concevons ensemble dans un dialogue entre l’artiste et nous. Cette étroite collaboration est extrêmement importante pour nous et crée une relation plus sensible et profonde avec chaque publication et son contenu. 

Aussi, depuis vos débuts, vous avez participé et organisé des expositions. Est-ce quelque chose d’important pour vous, non seulement de penser et publier des livres, mais aussi de les montrer ? Et comment appréhendez-vous les questions curatoriales ?

Au début, ces expositions étaient très importantes parce que nombre de nos publications étaient en petits tirages et les expositions représentent de bons moyens de les rendre accessibles à un public plus large. Mais cela a changé ces dernières années. D’une part, parce que nous avons commencé à publier en plus grand nombre. D’autre part, nous organisons des présentations et apprécions l’échange et les discussions avec d’autres personnes impliquées dans les livres (d’artistes). Pour nous, il s’agit d’une « exposition condensée », où l’on met en lumière une sélection de publications sous un thème particulier, dont on peut parler et échanger avec le public. Nous apprécions vraiment l’énergie de ce type d’événements.

Vous avez également développé un projet intriguant appelé « Adoptives » (les adoptifs) qui sont des livres qui ont déjà été publiés, voire-même auto-édités, que vous avez décidé d’adopter et de diffuser comme si vous les aviez publiés. Comment ça marche ? Et comment en êtes-vous venus à cette idée ?

En fait, il s’agit d’une idée suggérée par l’un des artistes avec lequel nous avons travaillé, Eric Hattan. Ainsi, les « Adoptives » sont basés sur une idée adoptée. L’idée est assez simple : de nombreux artistes publient sans éditeur. Beaucoup d’artistes manquent de réseau de distribution et c’est bien dommage que leurs publications finissent dans un tiroir. Alors, lorsque nous trouvons une de ces publications cachées ou oubliées qui nous intéresse, nous proposons à l’artiste de l’adopter. C’est-à-dire que nous incluons les exemplaires restants dans notre programme et les distribuons via notre réseau.

Récemment, nous avons noté un vrai développement des formes éditoriales ; de plus en plus d’artistes et d’éditeur-trice-s travaillent aujourd’hui avec l’édition d’artiste, aussi, je me demandais quel était votre avis sur cet intérêt croissant pour ces pratiques ? Et quel était votre regard sur les pratiques éditoriales contemporaines ?

Pour nous, c’est fantastique que l’intérêt pour ce médium grandisse – au moins de la part de ceux qui font (artistes et éditeur-trice-s). Mais nous devons trouver des solutions pour capter l’attention d’un public plus large. Nous constatons nous-mêmes à quel point la diffusion des livres d’artistes est difficile, et de notre point de vue, ces dernières années, elle est devenue de plus en plus complexe. Récemment, notre distributeur Allemand a déposé son bilan… La question à laquelle nous sommes tou-te-s confronté-e-s et de savoir comment faire pour que ce médium ; que nous voyons tou-te-es « démocratique », le devienne véritablement, dans le sens où il y a une prise de conscience et une volonté croissante d’acheter dans la société des livres d’artistes. Ou pour faire court : comment sortir de notre bulle ?

Astrid Seme Baroness Elsa's em dashes, An anthology of dashing in print, poetry and performance, 2019
Astrid Seme Baroness Elsa’s em dashes, An anthology of dashing in print, poetry and performance, 2019
Sebastian Utzni A is for Allah, 2021
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Christian Kosmas Mayer The Book of Record f the Palm Capsule Designed for resisting the effects of time, 2020
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Boris Rebetez Photo Collages, 2021
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