Vincent-Michaël Vallet

Vincent-Michaël Vallet

Vue exposition « Circus et caetera » de Vincent-Michaël Vallet – Photo Malo Legrand

ENTRETIEN / Vincent-Michaël Vallet avec Maxime Chochon et Malo Legrand
à l’occasion de son exposition « Circus et caetera « , jusqu’au 27 avril 2022, B612, Rennes

 

Toutes ces formes pour quelques cirques… Ces chartes chromatiques tacites entre le rouge et le jaune, entre le bleu et le blanc, c’est voyant, ça hurle, ça klaxonne. « TOUIN-TOUIN » le nez du clown, ici, il est discret. « TUT-TUT » l’auto, elle hurle par le mégaphone, elle scande son appel à venir s’asseoir autour de la piste.

Ici, la piste vous y êtes conviés, elle est à vous, les formes qui vous entoure, les peintures sur les murs c’est le petit circus de Vincent-Michaël mais le spectacle c’est vous qui le lancez. Si vous n’êtes pas là de qui ce rideau est le miroir ? de qui les rires se moquent- ils ? Ils rient sans doute du « SPLASH » à la figure de la toile d’en face mais si vous n’êtes pas là qui pour le voir?

Le grotesque, l’absurde, les couleurs tout est là, prêt à être vu, à disposition du regard, mais ce cirque est une foire sans exubérance. Passer le feu, rentrer dans le cercle et voyait comme le cirque vous regarde. Le fard blanc du clown a recouvert les contorsionnistes et les funambules, le drapeau plane au-dessus de la piste sans afficher ni nom ni couleur, celleux qui passent la porte font de ce spectacle le leur, et le temps de passer le rideau repartent comme iels sont venu.e.s.

Maxime Chochon pour « Circus et Caetera » 12.04.22

Comment as-tu eu l’idée de cette exposition « Circus et caetera » ? Quelle est l’histoire derrière et comment conçois tu tes expositions ?

Je n’aime pas spécialement le cirque, mais j’aime comment de nombreux artistes ont aimé le représenter. C’est un sujet à part entière dans l’histoire de l’art, et c’est surtout un lieu dans lequel la provenance sociale des spectateurs est diverse. C’est une vraie foule « démocratique » qui se rend au cirque, à la fois pour rire d’elle-même et se rêver. Le cirque posait des questions sur le monde de l’art de son temps. Aujourd’hui c’est totalement désuet mais c’est aussi le charme que je lui trouve. D’un autre côté, le cirque a besoin d’un certain espace pour mettre en scène son spectacle, d’une démonstration assez spectaculaire mais le lieu dans lequel j’organise le mien est au contraire tout petit, presque engoncé. Les oeuvres y évoquent uniquement des corps contorsionnés ou disloqués, des fragments d’acrobates. Le spectateur est lui aussi acteur, prit entre deux tribunes, la vitrine d’un côté et le rideau peint de l’autre.

Mes expositions sont le plus souvent conçues sous la forme d’une narration, d’une petite mise en scène. Les sculptures sont autant de personnages qui peuplent un espace idéalisé évoqué par les peintures aux murs. C’est le décor d’un monde et ces habitants.

De manière plus générale, d’ou viennent tes inspirations ? Comment apparaissent tes formes et que raconte les matériaux employés ?

Je regarde beaucoup d’illustrations « moyenâgeuses », les marginalia. Elles m’inspirent énormément tout comme l’univers de Bosch, celui de Brueghel mais aussi les textes de Bakhtine sur Rabelais. Tous ces corps grotesques, monstrueux et fantastiques sont intéressants sous mille angles de lecture. Ce sujet reste intemporel et contemporain, il échappe à l’illustration très datée d’une époque. Et si les inspirations sont variées, elles ont en commun de toutes passer par le croquis. Les formes ou idées qui m’intéressent sont toujours griffonnées dans un carnet et le dessin est d’une grande simplification. Cela me permet de saisir une envie ou une idée sur le vif. Ensuite ce sont ces mêmes dessins que je tente de recréer en trois dimensions. Le croquis, aussi rapide ou maladroit qu’il fut devient immédiatement le dessin préparatoire puisque je ne le corrige pas avant d’en faire une sculpture. Les maladresses et les problèmes de proportions, à mes yeux, sont ce qui humanisent toutes ces formes. Au-délà de la méthode, il faut également les voir comme un répertoire de personnages. Une petite « comédie humaine » dans laquelle je peux venir piocher pour réactiver tel ou tel corps.

Les matériaux sont simples, carton ou polystyrène, ils sont toujours très fréquents dans les espaces de recyclage. Ce sont des matériaux souples, ils se découpent très rapidement avec un simple cutter. Le cutter ici me permet de découper aussi rapidement la matière que le crayon me permettait d’esquisser le contour de la forme. C’est un simple transfert d’outils et de support. La plupart du temps si les sculptures ne sont pas collectionnées ou offertes, elles sont souvent redecoupées pour en créer de nouvelles. Elle reviendront sous une autre forme. Je suis pas spécialement animé par l’envie d’ajouter un objet/oeuvre à tout ceux qui existent mais paradoxalement j’ai terriblement envie d’en faire de nouveau… Il faut trouver un équilibre et je crois y parvenir en me disant que la prochaine sculpture est certainement cachée dans la précédent. Tout se transforme finalement.

Mes peintures quant à elles ont un statut un peu différent. Elles sont de petites tailles, elles font toutes 18×24 cm. Au départ, comme je le disais, elle me servait à représenter un décor. Si je faisais une sculpture que j’imaginais à la plage, alors une peinture de palmier me suffisait pour en donner l’information. Aujourd’hui elles s’émancipent de plus en plus de cette façon de faire. Elles sont plus intuitives, mais elles sont aussi et en quelque sorte, un carnet de croquis pensé comme une fin en soi. Elles demandent plus de temps; d’organisation et de couleur qu’un dessin mais elles sont faîtes presque aussi rapidement. C’est l’illustration d’un moment et ce dernier est forcement impacté par mon humeur.

En parallèle de ta pratique, tu as ouvert l’artist-run space le 4eme étage et des projets comme Palette, comment conçois tu ton approches du commissariat ? Comment passes-tu de l’artiste au commissaire ?

Tout d’abord cela part d’un constat, si tu décides de ne pas vivre à Paris ou Marseille, il faut faire des efforts pour rendre ta ville attractive et y créer une communauté concernée et active. Pour une ville de Province, Rennes est bien pourvue en institutions culturelles mais excepté l’école des beaux arts, il n’y a pas de place dans la ville pour la jeune création. C’est donc le créneau que j’ai voulu prendre. Lors du premier confinement, alors que tout était fermé, j’ai décidé de transformer mon atelier en lieu d’exposition. Le centre ville étant relativement petit et mon atelier se situant en hyper centre, beaucoup de monde ont pu passer le visiter. C’est donc tout simplement qu’est née cette aventure curatoriale. Bien sur, depuis je me suis prit au jeu et j’essaie, selon le temps et les opportunités de la poursuivre.

Pour autant, je ne dirai pas que je passe de l’artiste au commissaire, je suis un artiste qui aime montrer d’autres artistes si j’en ai la possibilité. On peut dire que cela fait de moi un commissaire d’exposition mais je ne m’y retrouve pas vraiment et ce n’est pas ce statut que je ressens lorsque je rencontre d’autres artistes. Par contre, comme tout bon commissaire, je tente de développer un propos théorique. C’est une vaine tentative pour définir ce que serait le cool en art. Articles et interviews sont archivées dans un blog (LPC) sur le site du 4eme étage.

C’est quoi une journée type (pas idéale) pour toi?

Au-delà du temps consacré aux recherches et à la création, mes journées sont principalement occupées par deux grandes activités. Je suis professeur en journée et je passe presque toutes mes soirées au dojo. Ces deux activités par ailleurs ont la même importance que mon statut d’artiste ou celui de commissaire. Je ne crois pas avoir plus d’ambition dans un domaine que dans l’autre. Faire bien mon boulot avec les adolescents, progresser dans les arts martiaux, être invité à des expositions et tenter d’en réaliser de bonnes en offrant des conditions favorables aux artistes ; tout ceci à la même importance. J’ai fait en sorte, à la sortie de l’école d’éviter les frustrations. Notre milieu artistique comporte beaucoup trop d’individu(e)s malheureux, je m’en suis préservé. Mon bonheur n’est pas uniquement indexé à la renommée de mon travail personnel comme artiste mais à un drôle d’équilibre entre toutes ces choses.

Tu as un film, deux livres à conseiller?

Je ne suis pas un grand cinéphile, je ne peux donc pas faire mieux que ce que vous pouvez trouver vous- même mais je regarde beaucoup de documentaire et je conseille « Exterminez toutes ces brutes » de Raoul Peck sortie l’année dernière. Si vous souhaitez deux livres qui peuvent s’adresser plus ouvertement au développement d’une pensée artistique alors je dirais Esthétique de la charogne d’Hicham-Stéphane Afeissa et Discours à la nation d’Ascanio Celestini.

Vue exposition "Circus et caetera" de Vincent-Michaël Vallet - Photo Malo Legrand
Vue exposition « Circus et caetera » de Vincent-Michaël Vallet – Photo Malo Legrand
Vue exposition "Circus et caetera" de Vincent-Michaël Vallet - Photo Malo Legrand
Vue exposition « Circus et caetera » de Vincent-Michaël Vallet – Photo Malo Legrand
Vue exposition "Circus et caetera" de Vincent-Michaël Vallet - Photo Malo Legrand
Vue exposition « Circus et caetera » de Vincent-Michaël Vallet – Photo Malo Legrand