Etudes(s) de chute(s) [FOCUS]

Etudes(s) de chute(s) [FOCUS]

Sous-titré “exposition chorégraphique”, Etude(s) de chute(s) joue des codes du spectacle et du musée pour proposer aux visiteurs de la collection Lambert en Avignon une expérience sous tension.

Prendre la pose, marquer la pause

C’est dans l’escalier que l’on croise la première interprète, debout presque dans le coin regardant par la fenêtre. Elle n’empêche pas le passage mais interroge ; le parcours est balisé. Il a une entrée, une sortie toutes deux signalées par des corps qui vont eux-même entrer en mouvement entraîner nos regards et nous amener à nous déplacer. C’est dans les salles supérieures où sont exposés de grandes toiles de Djamel Tatah que se situe le coeur de la visite. Des bancs et des chaises incitent le visiteur à marquer une pause, à profiter d’un point de vue. L’énigmatique structure du plasticien Jérôme Grivel, également interprète, est au centre des regards. Véritable sculpture modulable, elle a sa beauté propre mais se révèle au contact des trois interprètes qui jouent des points d’appuis, réglés sur différentes hauteurs, pour proposer différentes images de chutes. L’un après l’autre, puis les uns avec les autres, ils prennent position, mains étendus, tête rejeté en arrière, jambes écartés. Ils composent un arrêt sur image, un moment de suspension.

Jouer de la gravité, étendre le territoire de la chute 

Le dispositif favorise les exercices de style et l’on notera que les interprètes ont par ailleurs développé une série de photos où ils cherchent à en épuiser les possibles. Une trentaine de planches ou scenarii pour reprendre les termes de la compagnie composent la visite qui s’étend sur une heure. Lentement dans leur recompositions de chutes, dans ce basculement les interprètes se débarrassent de leurs vêtements. Les tableaux de plus en plus complexes tiennent du jeu et révèlent quelque chose de spontannée dans les expressions, un peu à la manière des jump-photographies de Philippe Halsman. Il s’agit de varier, d’échanger les rôles mais aussi de trouver les bonnes prises, pouvoir garder l’équilibre quelques minutes. Le travail du chorégraphe Michaël Allibert repose sur l’immobilité et en cela est très photographique. L’idée même de décomposer la chute devant beaucoup aux travaux de Muybridge et à la chronophotographie.

Marquer le passage, mettre en tension une image

Etudes(s) de chute(s) se déploie dans l’espace et le temps. Cette mise en jeu plastique de la chute après s’être concentré en un point de la pièce se disperse en de nouveaux endroits du bâtiments, ouvrant de nouveau le parcours de visite. Les trois interprètent vont tomber cette fois au ralenti, invitant le spectateur à faire des va et vient entre les pièces et à réenvisager la façon de se mouvoir face à une oeuvre. Le dialogue avec les toiles de Tatah n’est pas fortuit, ces hommes les mains dans les poches qui se déploient en frise oscillent entre l’indifférence et l’impuissance. Le spectateur de même, parfois les mains dans les poches lui aussi, ne peut intervenir. Témoin, il ne peut que tourner autour de la chute, constater le déséquilibre symbolique d’un monde qui met à terre. Les interprètes se figent finalement marquant la fin d’un oeuvre dans laquelle peuvent encore se déplacer les visiteurs, longeant leurs corps comme sans vie. La première leçon est sans doute, physique, apprendre à tomber ; mais il s’agit tout autrement de mettre en tension nos capacités d’empathie et d’attention.

Texte Henri Guette © 2018 Point contemporain

 

Etude(s) de chute(s)
Une création de TCMA-Michaël Allibert pour le festival 2017 des Hivernales.

Chorégraphie Michaël Allibert assisté de Sandra Rivière
Plasticien Jérôme Grivel
Interprétation Michaël Allibert, Jérôme Grivel et Sandra Rivière
Son Jacques Schaeller

 

vue d'Etude(s) de chute(s), “exposition chorégraphique”,  Collection Lambert en Avignon. Photo Henri Guette
vue d’Etude(s) de chute(s), “exposition chorégraphique”,  Collection Lambert en Avignon. Photo Henri Guette

 

vue d'Etude(s) de chute(s), “exposition chorégraphique”,  Collection Lambert en Avignon. Photo Henri Guette
vue d’Etude(s) de chute(s), “exposition chorégraphique”,  Collection Lambert en Avignon. Photo Henri Guette

 

 

Visuel de présentation : vue d’Etude(s) de chute(s), “exposition chorégraphique”,  Collection Lambert en Avignon. Photo Henri Guette