Face contre terre, Galerie Jocelyn Wolff/Le SHED

Du 29 septembre au 18 novembre la galerie Jocelyn Wolff investit ce lieu unique qu’est le SHED en Normandie. Ouvert depuis trois ans, le SHED est devenu un espace d’exposition atypique. Anciennement une usine à fabriquer les mèches de bougies, le lieu a accueilli les artistes Charlie Youle et Bevis Martin pour leur exposition gigantesque The real world après une résidence de trois mois. Désormais, l’immense espace est parsemé des œuvres des dix-huit artistes de la galerie parisienne Wolff pour l’exposition Face contre terre. L’ambition affichée est d’exposer chacun d’entre eux, créant ainsi une manifestation intergénérationnelle dans laquelle se trouvent des artistes tels que Diego Bianchi, Hans Schabus, ou encore Franz Erhard Walther.
Cette exposition plurielle se modèle en fonction de l’espace. L’œuvre de l’artiste allemande Katinka Bock résonne avec l’ancienne usine : Le sol d’incertitude (2006) est une sculpture faite de différentes sortes de pavés parisiens, de tailles variables et repeints en goudron. Elle renverse le monde, faisant en sorte que le regard du spectateur debout devant l’œuvre soit celui d’une personne se trouvant sous le pavé. Par le touché visuel des reliefs bigarrés, la sédimentation progressive de l’histoire est mise à nu. De même que le SHED ne cesse de signaler son inscription dans un temps ancien (le monde industriel désormais révolu), de même le travail de Bock oblige le visiteur à s’arrêter – qui peut marcher sur un relief aussi inégal ? – et replonger dans le passé. Une telle réflexion est remise en jeu par l’œuvre Béton (2016) de Christoph Weber : sur deux plaques en acier est posée une dalle en béton qui semble s’affaisser. Le matériau, pourtant si solide et indestructible, est saisi dans l’instant de faiblesse, ce moment intermédiaire où la chose ne parvient plus à résister à l’effondrement mais n’est pas encore détruite. Est-ce une catastrophe, c’est-à-dire comme le sens étymologique du terme l’indique, une destruction et un retournement de situation ? Peut-être est-ce aux murs du SHED, tout empreints du XIXe siècle, de répondre à cette question.
La visite se poursuit à l’ACADÉMIE, un nouveau lieu qui offrira en 2020 des résidences d’artiste. Dans ces salles se trouve le travail à la fois massif et délicat de l’artiste conceptuel William Anastasi. Conic Section (1969), fait de barres d’acier, forme un rideau qui s’adapte à la taille de la pièce. Par contraste, les dessins en graphite à première vue anodins sont les marques sensibles de New-York. Pour l’ensemble des œuvres qui forment les Subway Drawings (1972-2012), Anastasi s’est assis dans le métro américain et a laissé ses mains, qui tenaient un crayon à papier, être dictées par le rythme et le basculement du train. L’artiste devient un sismographe ; il capture les murmures indistincts d’une ville, son énergie et son intensité sans pour autant retranscrire ce qu’il ressent dans un langage discursif. En parcourant les espaces du SHED et de l’ACADÉMIE, le visiteur pourra en faire de même.
Texte Francis Baptiste Haselden © 2018 Point contemporain
29/09 – 18/11 – FACE CONTRE TERRE, GALERIE JOCELYN WOLFF/LE SHED – NOTRE-DAME-DE-BONDEVILLE Avec William Anastasi, Zbynek Baladràn, Diego Bianchi, Katinka Bock, Colette Brunschwig, Miriam Cahn, Santiago de Paoli, Guillaume Leblon, Isa Melsheimer, Frédéric Moser & Philippe Schwinger, Ulrich Polster, Prinz Gholam, Hans Schabus, Elodie Seguin, Francisco Tropa, Franz Erhard Walther, Christoph Weber, Clemens von Wedemeyer
Visuel de présentation : vue d’exposition FACE CONTRE TERRE, GALERIE JOCELYN WOLFF/LE SHED – NOTRE-DAME-DE-BONDEVILLE








fauteuil de bureau, balle de tenis, 2015 © Le SHED
