Victoire Gonzalvez, Candied Balm, 2023

Victoire Gonzalvez, Candied Balm, 2023

Victoire Gonzalvez – Get in meine Süße, 2021, vue de l’exposition, Raumstation, Stuttgart

FOCUS / Victoire Gonzalvez, Candied Balm (2023), dans le cadre de l’exposition Les Vagues, jusqu’au 1er juillet 2023, L’Onde Théâtre Centre d’Art, Vélizy-Villacoublay

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Pour l’exposition Les Vagues, l’artiste Victoire Gonzalvez a choisi de donner à voir une relecture du motif de la Vénus anatomique, un thème fort répandu au XVIII° siècle. Cette figure de la Venus proposée par l’artiste, et cela en écho aux travaux de l’historien de l’art Georges Didi-Huberman, nous renvoi irrémédiablement vers la contemporanéité de toute forme historique et de tout motif artistique. En cela, à l’image de l’historien, Victoire Gonzalvez actualise Venus, elle prend à son compte nos acceptions du mariage, la structure-couple comme l’opposition formelle qui l’accompagne entre eros et thanatos. Ouvrir Vénus, Nudité, Rêve et Cruauté (1999) de l’historien de l’art précité indique dans son titre même la volonté profanatrice de cette recherche et à laquelle répond l’œuvre Translating bodies.

Le projet de Victoire Gonzalvez se situe aussi dans cette seconde peau que représente le mariage et ses rituels, le baume qui s’applique, ce nouvel espace que la jeune femme vient occuper tant dans la société que dans ses usages. Ce corps en mouvement est aussi un corps en mutation dans le projet Translating Bodies, plus tout à fait enfant mais pas encore femme, à l’image de ces curieuses années de l’adolescence. Cet intermède est physiquement présent dans le moulage de ce bras dont on ne saurait dire s’il est celui d’une enfant.

L’artiste s’en explique en ces termes « Imprégné dans l’imaginaire occidental par les textes classiques de la littérature religieuse du Moyen Âge sur la vie des saints et martyrs – les méthodes d’embaumement à l’époque romantique et la sculpture anatomique – témoigne de l’imputrescibilité du corps. Celle-ci est à la fois historiquement un symbole de pureté et le mutant du récit mystique à celui de la technique et de ses prouesses contre les effets du temps. Les codes ornementaux présents dans Translating bodies s’inspirent d’artefacts de mariage contemporains – de la boîte à jouet en plastique contenant la Bratz Wedding Dress Doll au trousseau de mariage acheté sur Amazon »

L’installation est composée de trois éléments distincts. La première Quinceañera closet s’intéresse à l’armoire de mariage, traditionnellement sculpté du bois d’un arbre planté par le père le jour de la naissance de sa fille. Le deuxième élément Bras, Chenille, Lait nous invite à une relecture des mythologies chrétienne et notamment de la légende de Saint Agathe et de sa mutilation. Enfin, troisième élément, la Terrine Venus explore littéralement les pratiques d’embaumement par le biais d’une sculpture ointe de cire.

Comme cela a pu être dit de l’historien de l’art Georges Didi-Huberman, Victoire Gonzalvez entaille « la chair historique de la Renaissance » et tente de « ré-ouvrir » l’histoire de l’art et les mythes qui la compose. En cela, avec Translating bodies, l’artiste vient une nouvelle fois appliquer le baume sur les failles et les ruptures, au profit d’une pensée qui prend à bras le corps la singularité et la violence de la subjectivité de ce « personnage » de Venus : jeune mariée délaissée. Dans une approche de plus en plus psychanalytique, elle explore et affine les méthodes de nos représentations avec ses angoisses, ses désirs et ses refoulements comme les masques pour un temps revêtu.

Léo Guy-Denarcy