Les cabanes

Les cabanes

CHRONIQUE D’ATELIER / Les cabanes
Par Ernest Thinon

On se cache pour enfin dévoiler des pensées autres, on peut créer un monde entier en quelques minutes, par le récit je défie toutes les lois. Que c’est reposant de s’allonger sur les bords d’un chemin lors d’une promenade, s’autoriser à ne pas suivre les balises. Que c’est excitant d’entendre le bruit d’un ruisseau et de se laisser guider par ses sens et sa curiosité en trouver la source .

L’espace est celui d’une industrie en cours de déménagement. Les ouvrier.ère.s sont quasiment toustes parti.e.s, on récupère ainsi aisément des morceaux de tissu, de bois, de métaux ou de plastique de toutes tailles et formes. La création des magic cocoon est celle du remploi, de la débrouille et de la créativité. Ainsi de lourds rideaux de plastique deviennent des languettes qui permettront de soutenir les plafonds lumineux lors de la maintenance. Cet atelier que j’ai pu arpenter était comme un ailleurs, lui-même en train de se faire délocaliser et moi déjà hors de mon train-train d’étudiant. C’est dans cet endroit improbable où l’on est accueilli.e au matin par des paons que nous réinventions la matière pour fabriquer ces cabanes à histoires, celles qui abritent l’immensité des univers que l’imagination crée.

Il nous faut rêver encore, rêver mieux.

Si l’on pense à l’enfance, lorsqu’on s’imagine une cabane, elle est pourtant un lieu politique très actuel; ce sont des hauts lieux de résistance. Nos imaginaires doivent être défendus, nos rêves et nos idéaux ont le droit d’exister. C’est en marge de la vie bien rangée et bien rodée que l’on trouve sur les bas-côtés à l’écart des chemin balisés, des cabanes. Ce sont des pas de côté, elles existent en dehors d’un réel tout tracé, d’un quotidien bien huilé, en marge et pourtant elles font front.

Il y a d’abord celles construites de manière éphémère par les enfants puis celles construites par les migrant.e.s et puis celles construites par résistance à un monde qui ne sait pas voir où il habite, un monde trop terre à terre. Un monde rempli de chiffres, celui du thermomètre qui vire au rouge, celui de l’âge de la retraite, ceux de nos écrans, 1 like par ici et des milliards de 0 et de 1 par là. Un monde tout calculé, tout capitalisé qui ne se calcule plus lui-même.
La convergence des luttes se situe à l’endroit précis de la cabane, à la fois précaire et ambitieuse.

Ernest Thinon
Rapport de stage effectué chez Magic Cocoon, sous la direction de Raphaël MARTIN et Justine DE LAGAUSIE, de septembre à octobre 2022. Merci à elleux pour tout!