LUCIE PICANDET, UNE EXPÉRIENCE DU PRÉSENT

LUCIE PICANDET, UNE EXPÉRIENCE DU PRÉSENT

« Les fils symbolisent cette matière qui passe dans n’importe quel endroit,
peut s’étendre à l’infini, mais aussi disparaître et être coupée. »
Lucie Picandet

Aux fils de laine des œuvres présentées pour le Prix Révélations Emerige en 2015, Lucie Picandet substitue désormais des fils de pensées qui parcourent les toiles. Un réseau synaptique, des canaux nourriciers reliant les parties du corps à explorer qui se transforment aussi en lignes d’écritures portées sur les murs de l’espace d’exposition. Des mots qui retiennent par capillarité les impressions de l’artiste, ses moments de doute comme ses joies ou ses émerveillements. Des liens qui symbolisent la manière dont la langue peut nous amener sur des versants différents d’une même réalité.

L’exposition AU JOUR D’HUI est vécue par l’artiste comme une quête faisant appel aux cinq sens et dont les sensations qu’elle recèle résonnent dans tout notre être. Le conte d’une aventure intérieure où l’artiste part à la conquête de tous les organes de son être biologique afin d’ouvrir chacun d’eux à la conscience. L’aventure narrée par Lucie Picandet n’a rien d’imaginaire, elle nous installe dans l’expérience du présent, celui, pour reprendre le nom de l’exposition, « dont c’est toujours le jour ». Son travail repose sur la captation de cet instant qui peut changer tout ce qui constitue une personnalité. Une personnalité que l’artiste nous donne à voir en coupe dans ses oeuvres, notamment dans Sur les deux oreilles qui ouvre l’exposition par un paysage matriciel. Une cartographie de sa conscience éveillée ou endormie qui se retrouve par bribes dans les différentes pièces construites autour d’agents picturaux ou langagiers qui transportent le matériel psychique de l’artiste d’une œuvre à l’autre.

Par cette quête essentielle, Lucie Picandet démontre qu’il nous est encore possible de transcender notre identité pour nous unifier à une mécanique céleste universelle où le bacille aurait tout autant d’importance que la plus grande des planètes, chacun d’eux participant à l’équilibre général. Elle fait le lien vital et vertigineux entre l’univers et son monde intérieur, passant d’une échelle cosmique à l’infiniment petit, associant dans un même espace les propriétés macroscopiques du corps avec celles de ses plus petits constituants. Des moments de peinture où l’être biologique rejoint l’esprit. Une progression dans le monde de son intériorité que l’artiste ne peut effectuer que masquée pour laisser libre cours à une pensée libérée de toutes les sollicitations extérieures. Elle prend pour cela la forme d’une entité tripartite formée de « l’hui, ça et moi » qui fait référence à la relation entre conscience et inconscient. Une personnification prête à éveiller chaque organe au champ de la conscience au moyen de marqueurs composés d’éléments organiques d’animaux, crins de chevaux, cornes, nerfs de bœuf, dont les formes symbolisent une action précise sur la conscience. Incarnant les territoires de l’inconscient, ils ponctuent les différents espaces de la galerie et nous offrent ainsi à vivre la narration de son parcours d’artiste, de cette quête menée depuis son premier scénario cinématographique dont elle présente ici le story board.

De ses premiers travaux d’écriture plastique, l’artiste a gardé une constance dans une recherche dont elle ne s’est jamais écartée et qui fait la force comme la beauté de son oeuvre. Une quête qui a pour objectif, en regardant chacun des éléments qui nous constituent, de « se modifier soi-même » et qui nécessite de bien se connaître, de ne pas se laisser dévoyer. Elle exprime la complexité de ce travail intérieur pour aller au plus profond de la matière par l’utilisation d’instruments du domaine médical comme les écarteurs. Le meilleur moyen de savoir si l’on a atteint cet état de conscience est sans doute de perdre le sens de la taille des choses et après avoir parcouru les profondeurs, d’être passé successivement dans des échelles toujours inférieures, « jusqu’à un moment où l’on est tellement petit que l’on est très grand ». Par cette aventure qui est à la fois physique et métaphysique, l’artiste nous rappelle que l’essentiel réside dans ces fils qui nous relient à la vie.

Texte Valérie Toubas et Daniel Guionnet © 2018 Point contemporain

 

 

POUR EN SAVOIR PLUS SUR L’ARTISTE

 

"Au jour d Hui", exposition personnelle de Lucie Picandet © A. Mole
« Au jour d Hui », exposition personnelle de Lucie Picandet © A. Mole

 

Lucie Picandet, L'Agent Couleur, 2017. Aquarelle sur papier, 140 x 105 cm. Courtesy artiste et Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois Paris
Lucie Picandet, L’Agent Couleur, 2017. Aquarelle sur papier, 140 x 105 cm. Courtesy artiste et Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois Paris

 

"Au jour d Hui", exposition personnelle de Lucie Picandet Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois Paris. Photo A. Mole
« Au jour d Hui », exposition personnelle de Lucie Picandet Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois Paris. Photo A. Mole

 

Lucie Picandet, Storyboard Celui que je suis - Planche 3 / 2017. Aquarelle sur papier, 40 x 50 cm. Courtesy artiste et Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois Paris
Lucie Picandet, Storyboard Celui que je suis – Planche 3 / 2017. Aquarelle sur papier, 40 x 50 cm. Courtesy artiste et Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois Paris

 

Lucie Picandet, L'agent Houleur n°2, 2017. Courtesy artiste et Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois Paris
Lucie Picandet, L’agent Houleur n°2, 2017. Courtesy artiste et Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois Paris

 

Lucie Picandet, Le Coeur d'Hui et ses laveurs de conscience - Celui que je suis - Paysages intérieurs 3 / 2017. Aquarelle sur papier, 77 x 117,5 cm. Courtesy artiste et Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois Paris
Lucie Picandet, Le Coeur d’Hui et ses laveurs de conscience – Celui que je suis – Paysages intérieurs 3 / 2017. Aquarelle sur papier, 77 x 117,5 cm. Courtesy artiste et Galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois Paris

 

Visuel de présentation : Lucie Picandet, Sur les deux oreilles, 2018. Courtesy artiste et Galerie Vallois.