PACÔME RICCIARDI

PACÔME RICCIARDI

CHRONIQUE D’ATELIER /
par Pacôme Ricciardi

dans le cadre du cours « Déplacement » de Jean-Pierre Castex et Patrick Mellet, année 2018-2019, isdaT Toulouse

Comment transcrire ses perceptions, cette hallucination du monde que l’on vit individuellement dans un monde commun. Comment un éléphant va pouvoir expliquer à un poisson rouge ce qu’il ressent quand le vent fouette ses oreilles ? Comment utiliser un langage commun ? Comment inventer un langage inexistant pour parler du sensible, des émotions, des positions. On vit dans un imaginaire que nous nous sommes nous-mêmes créé, un imaginaire tellement grand qu’il régit nos vies quotidiennes. Dans cette matière malléable, tous les possibles existent et restent à inventer . Alors comment pousser les limites infinies de cet imaginaire ? Comment percevoir différemment ? Une obsession de la production et du développement qui nous force peut-être à toujours expérimenter. Voir de nouvelles formes, de nouvelles lignes, de nouvelles perspectives, de nouvelles pensées dans la grande énergie créatrice… Addictive, épuisante, perpétuelle, euphorisante. Prendre un crayon et tracer une ligne sur le papier, vous avez là, devant vous, une création. Vous avez devant vous multiples choix, raisons, possibilités, choix politiques.

Et parfois à quoi bon avancer dans un monde de violence absurde où l’on se perd dans la multitude d’informations, nos chemins de pensée dirigés vers la consommation, le laisser aller, le plaisir de la vie. Il y a toujours eu plus de pub que de lettre d’amour dans ma boîte aux lettres, putain de pub dans mes oreilles, sur les écrans, dans la ville, il faudrait que j’achète un abonnement de “vie premium” pour arrêter de me polluer. Et moi descendu de mes montagnes face à l’ivresse d’une vi(il)e mouvant, où tout se consomme, la matière, les émotions, l’information, la rébellion et l’amour. Comment se protège-t-on des grandeurs de l’ego humain, tourbillonnant dans toute sa splendeur, dans son sublime, qui tourne et tourne se regardant seul, admirant sa prestation, son spectacle à la lumière des néons des supérettes et panneaux publicitaires. Les choses perdent tout leur sens. Le sacré et la satisfaction d’être acteur s’épuisent quasi instantanément dans la vitesse d’une vie déjà prémâchée. Mais aussi effrayant qu’intriguant, l’être humain reste toujours le sujet principal, car on ne peut voir que de ses yeux d’humain, avec l’imaginaire humain, et nos sens humains, avec nos paradigmes humains. L’homme grand destructeur mais aussi bâtisseur, un artiste qui décide de faire de ses mains utilisant toutes les combines pour révéler la nature la plus profondequi l’anime. Fréquence de couleurs, sonore, formes. Çaparle aux coeurs, aux cerveaux, à l’âme, a envie de faire, d’utiliser ses mains.

Est-ce que ça me sauve? Est-ce que ça me protège? Pas toujours, parfois il faut fuir, loin loin loin, fuir la lumière le soir pour retrouver celles des étoiles, pour retrouver un bout de terre sans asphalte. Vivre dans ce monde qui m’asphyxie avec ce sentiment d’impuissance, c’est ça qui me fait violence, me culpabilise. Et je cherche le compromis, vivre en paix, et pour ça on se cherche, on creuse, on se purge. On prend des drogues pour vomir, pour extirper les angoisses, pour halluciner, pour voir, pour se tester. On fait du sport, pour canaliser, pour se remettre en phase avec son corps, pour lui rappeler qu’il existe, pour les endorphines et l’adrénaline, pour la satisfaction, pour la performance. La musique plein les oreilles pour se transcender, s’évader ou se retrouver dans une foule d’émotions. On croit, on a la foi, on s’en remet à quelque chose de supérieur, pour retrouver l’espoir, un peu de lumière. Et on crée, on imagine, on met une cohésion entre le cerveau, le coeur et la main. Est-ce que ça vaut le coup de rester sur un chemin qui implique rigueur, morale et culpabilité ? La quête d’une pureté avec un chemin plein d’hypocrisies et de paradoxes. Un chemin qui n’a de valeur que celle que l’on se donne. Un chemin comme un autre !