Les possibilités d’une Île au 6B

Le 6B à Saint Denis est plus qu’un lieu où les artistes peuvent travailler, c’est un espace d’exposition pris entre la Seine et un canal, “une Île” en somme. Partant de ce constat Pauline Lisowski propose une exposition-laboratoire qui explore le terrain et redéfinit les notions de paysage et d’environnement.

Enquête de terrain 

Sur les murs, malgré l’automne, les feuilles fleurissent dessinées de mains d’enfants. Prendre en compte l’environnement n’est pas pour la commissaire d’exposition une idée en l’air mais un véritable engagement qu’elle partage avec les artistes. Faire venir des écoles, parler aux habitants et les associer au projet, la programmation dite annexe participe à une démarche de terrain réfléchie et crédible. Sans doute l’herbier qu’a constitué Marc Bellini avec la végétation des environs est à cet égard l’oeuvre la plus représentative d’une exposition qui compte beaucoup de création in situ. Grandeur nature, les plantes aquatiques, les mauvaises herbes et les feuillages qui s’étalent sur différent niveaux continuent de vivre et renvoient l’image d’un écosystème artistique. De la même manière, les créations de terre d’Edith Magnan, le paysage flottant de Valentina Canseco ou même le travail de prélèvement de Laurent Gongora  entretiennent un lien entre l’intérieur et l’extérieur, l’homme et le milieu dans lequel il vit.

D’après nature

Les déchets que présente Laurent Gongora dans son cabinet de curiosité se confondent avec des éléments naturels, le polystyrène prend des allures de pierre et les mousses polyuréthanes ont quelque chose de végétal. Le paysage est un sujet de représentation à part entière, ce qui mène l’exposition à interroger le concept de mimésis. Les photographies de Jean-Marc Planchon prises entre nuit et jour offrent l’émotion d’un paysage primordial quand François Génot qui choisit d’imprimer son image sur une résille propose des plantes un souvenir, une persistance rétinienne. Le travail sur les médiums témoignent d’un déplacement dans la représentation du paysage. La nature est une puissance fragile comme le souligne délicatement le portrait de Léa Barbazanges mais surtout une histoire d’équilibre précaires. Sur le plateau du 6B, Pauline Lissowski nous promène ainsi entre propositions infimes et oeuvres à grande échelle entre émotion et contemplation.

L’île comme utopie créative 

Le 6B est donc une île ou plutôt un îlot au sein d’un quartier résidentiel en pleine construction. Une parcelle où s’inventent d’autre possibles et où des artistes trouve la place et le calme pour s’exprimer. Une utopie en somme. Les œuvres de Dominique Ghesquière et de François Réau prennent chacune la forme d’une île et se complètent à la manière d’une archipel. Travaillant pour l’un avec des matières naturelles, pour l’autre avec le dessin et des matériaux manufacturés, ils parviennent à suggérer les possibilités d’une île. L’île est un rempart contre la frénésie de la société. Elle est dans Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier le lieu où se réinvente le lien entre l’homme et son environnement. La série de peintures d’Anne Slacik inspirée d’une nouvelle d’Alphonse Daudet où la ville est envahie par la végétation ne dit pas autre chose. “Une île” est un état des lieux hybride où s’élabore de nouveaux imaginaires comme ceux des dessins d’Hélène Muheim. Une célébration poétique résumée aussi par le bouleau électrique du duo Nathalie Brevet et Hughes Rochette.

Texte Henri Guette © 2017 Point contemporain